Un Erasmus dans son propre pays ? En Belgique, c'est possible depuis 2004 (mais personne ne le sait)

Un Erasmus dans son propre pays ? En Belgique, c’est possible depuis 2004 (mais personne ne le sait)

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Par Aubry Touriel

Faire un échange Erasmus dans son propre pays ? L’idée peut paraître loufoque et pourtant… En Belgique, c’est possible depuis 2004 ! Ça s’appelle " Erasmus Belgica ". À quoi sert ce programme et combien d’étudiants y participent ?

"On pourrait instaurer des Erasmus belgo-belges : des trimestres ou une année complète de l’autre côté du pays", titrait L’Écho l’interview de l’écrivain flamand francophile Bart Van Loo de ce week-end.

Après un relais de l’article sur Twitter par les rédactrices en chef Isabel Albers (De Tijd/L’Echo) et Béatrice Delvaux (Le Soir), les réactions ont fusé : " ça existe déjà ! "

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Le programme " Erasmus classique "

Pour beaucoup, le programme " Erasmus " rime avec échange étudiant à l’étranger. Les images du film " L’Auberge espagnole " de Cédric Klapisch résonnent encore dans nos têtes. On se remémore les soirées endiablées à Barcelone d’étudiants venus des quatre coins d’Europe.

Avec un budget de 14,7 milliards d’euros, Erasmus + offre la possibilité à plus de 4 millions d’Européens d’étudier, de se former et d’acquérir une expérience à l’étranger.

Lors de l’année scolaire 2018/19, la Belgique a par ailleurs accueilli 12.821 étudiants et stagiaires, une augmentation de plus de 20% par rapport à cinq ans auparavant. Dans l’autre sens, 9422 étudiants et stagiaires belges se sont rendus à l’étranger.

Les destinations les plus prisées sont la France, l’Espagne et les Pays-Bas. La KULeuven, l’université de Gand et l’UCLouvain sont les 3 institutions qui envoient le plus d’étudiants belges à l’étranger.

Un Erasmus dans son propre pays ? En Belgique, c’est possible depuis 2004 (mais personne ne le sait)
Un Erasmus dans son propre pays ? En Belgique, c’est possible depuis 2004 (mais personne ne le sait) © Tous droits réservés

Erasmus Belgica

Ce que Bart Van Loo ne savait pas avant son interview dans l’Écho, c’est qu’il existe bel et bien une variante belge de ce programme Erasmus depuis 2004 : Erasmus Belgica. " C’est incroyable, je ne croyais pas que j’allais inventer l’eau chaude ", réagit l’auteur du best-seller Les Téméraires. " Mais, en regardant les commentaires, j’ai la sincère conviction que ce sont surtout les personnes ont eux-mêmes participé à cet Erasmus Belgica. Les autres ignorent l’existence de ce programme. "

Le programme Erasmus Belgica est une initiative visant à encourager la mobilité des étudiants de l’enseignement supérieur au sein des trois Communautés de Belgique : la Communauté flamande, la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Communauté germanophone.

Objectif ? " Offrir la chance à ces étudiants de vivre une immersion linguistique, pédagogique et culturelle dans une autre communauté de Belgique ", peut-on lire sur le site Erasmus + en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Au contraire du programme d’Erasmus classique, ces échanges belgo-belges ne sont pas financés par la Commission européenne mais par les communautés fédérées elles-mêmes.

Entre 4 et 5% des Erasmus sont belgo-belges

Combien d’étudiants participent à cet échange belgo-belge ? Les trois organismes communautaires en charge des Erasmus (AEF-Europe, EPOS et Jugendbüro der Deutschprachigen Gemeinschaft) nous ont envoyé leurs statistiques. Lors de l’année scolaire 2018-19, 380 étudiants ont franchi la frontière linguistique pour étudier ou faire un stage dans leur propre pays.

Les destinations les plus prisées sont, sans surprise, les grandes villes universitaires belges : Bruxelles, Anvers, Gand, Louvain pour la Flandre et Liège, Louvain-La-Neuve et Namur pour la Wallonie.

Un Erasmus dans son propre pays ? En Belgique, c’est possible depuis 2004 (mais personne ne le sait)
Un Erasmus dans son propre pays ? En Belgique, c’est possible depuis 2004 (mais personne ne le sait) © Tous droits réservés

En comparaison avec les 9.347 étudiants et stagiaires partis à la découverte des pays étrangers, les participants à l’Erasmus Belgica ne représentent que 4 à 5% des départs. Depuis cinq ans, le nombre d’échanges intra-belges oscillent entre les 250 et 330, une stagnation.

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Sur ce graphique, vous voyez que la Communauté germanophone n’est pas mentionnée, mais ce n’est pas un oubli. Deborah Laschet, coordinatrice d’Europass et Erasmus Belgica pour la Communauté germanophone, explique : " Notre gouvernement n’a approuvé notre proposition de mise en œuvre d’Erasmus Belgica qu’en 2016. C’est la raison pour laquelle les mobilités intra-belges n’ont eu lieu que depuis lors. "

Étant donné qu’il n’existe qu’un seul établissement d’enseignement supérieur en Communauté germanophone, peu d’étudiants s’inscrivent au programme d’échange : " En 2016/2017, deux stages dans le domaine de la santé ont lieu dans le cadre d’Erasmus Belgica : un à l’UCLeuven et un autre à l’hôpital Erasme à Bruxelles. De 2017 à 2019, aucun programme de mobilité n’a eu lieu même si nous avons reçu des demandes. "

Bourses moins attrayantes

Comment expliquer ce manque de popularité ? " Ça n’a pas autant de succès que ça devrait. La concurrence avec l’Erasmus à l’étranger joue un rôle important. Surtout que les bourses sont plus élevées via le programme classique ", explique-t-on du côté de l’AEF-Europe.

Si un.e étudiant.e wallonne souhaite partir étudier en Flandre, il/elle recevrait en moyenne un peu plus de 80 euros par mois, alors que les montants peuvent s’élever à plusieurs centaines d’euros mensuels en fonction des pays européens.


►►► À lire aussi : Plus de 10 millions de jeunes ont participé à Erasmus en 30 ans


Olivia Capot, diététicienne wallonne qui a étudié 5 mois à Louvain lors d’un échange, pointe une autre difficulté : " Il y a de moins en moins de francophones qui parlent le néerlandais après leur études secondaires. Il est rare de voir des étudiants sans aucune notion dans la langue de Vondel passer la frontière linguistique. Il faut un certain bagage en néerlandais ou un talent pour les langues. "

Multiples atouts

Malgré les prises de risque, les retombées personnelles et professionnelles sont nombreuses, selon Olivia Capot, qui accompagne désormais les étudiants dans leur programme Erasmus (Belgica) pour la Haute-Ecole Leonard De Vinci. " J’ai découvert plein de choses : j’ai appris à m’ouvrir aux autres et à découvrir d’autres cultures. J’ai aussi perfectionné mon néerlandais : mes connaissances passives ont été activées. "

Son expérience à Louvain lui a même permis de décrocher son premier emploi : " Grâce à ma connaissance du néerlandais, j’ai même pu trouver un emploi avant la fin de mes études ", ajoute la diététicienne. " Mon expérience m’a également permis de me développer mon réseau en Flandre, un véritable atout. "

Bart Van Loo est quant à lui convaincu de l’utilité de promouvoir ces échanges belgo-belges : " Peu d’étudiants tentent l’aventure de l’Erasmus car la distance s’avère être un frein. Pour eux, un séjour de l’autre côté de la frontière linguistique pourrait les rassurer : ils pourraient revoir leur famille/leurs amis en quelques heures de train. "

Modèle à promouvoir autrement

La boucle est bouclée pour Olivia Capot : au départ étudiante Erasmus Belgica, elle est devenue coordinatrice du programme Erasmus (Belgica) dans la Haute-École où elle a fait ses études. Par son expérience sur le terrain, elle trouve aussi que les programmes Erasmus Belgica ne sont pas assez placés sous les feux des projecteurs : " Il faudrait entendre plus de témoignages d’étudiants qui ont traversé la frontière linguistique. "

La Nivelloise propose également d’établir un système de parrainage/marrainage avant de décider s’ils veulent tenter l’expérience. Selon elle, il faut surtout prendre le temps pour préparer les étudiants à partir : " On leur demande de décider rapidement, alors qu’il faut laisser mûrir un projet : on devrait déjà en parler en bac1. "

Pour Bart Van Loo, il ne faut pas limiter les échanges entre communautés de Belgique à l’enseignement supérieur : " Il faut notamment élargir le programme dans les écoles techniques et professionnelles. "

Pour renforcer la promotion de ce programme de mobilité belgo-belge, l’écrivain propose aussi d’en changer son nom : " Oubliez " Erasmus Belgica ", parlez par exemple plutôt de Philippe Le Bon, unificateur des Plats-pays, le berceau de la Belgique et des Pays-Bas ! Au lieu de dire " J’ai fait mon Erasmus à Salamanque ", les étudiants diraient " J’ai fait mon Philippe le Bon à Anvers.”"

Erasmus Belgica

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