Dans la plupart des cas, il est invisible, rapide, sournois et extrêmement violent. Ses dégâts sont considérables pour ses victimes. Certaines d'entre elles ne trouvent d'ailleurs pas la force de lutter. Ce phénomène porte un nom qui fait trembler bon nombre de directions d'école : le harcèlement scolaire. Insultes, moqueries, exclusions, rejets, rumeurs… Des élèves font vivre l'enfer à d'autres. Dans la cour de récréation, au réfectoire, en classe, mais aussi après les cours, à distance, sur le net via les réseaux sociaux.
Le cyberharcèlement ne s'est d'ailleurs jamais aussi bien porté, grâce au confinement et la mise en place de l'enseignement à distance. Les appels à l'aide venant des jeunes en détresse explosent. Un élève sur trois est aujourd'hui victime de harcèlement en Fédération Wallonie-Bruxelles. Comment expliquer ce phénomène ? Que peut faire une école ? Des solutions ont-elles déjà fait leurs preuves ? Les autorités politiques en font-elles assez ? Autant de questions que nous nous sommes posées dans le cadre de cette enquête.
Des dégâts considérables pour la victime
Notre reportage nous emmène tout d'abord dans le Brabant wallon chez Maria Isabel Villalobos. Cette mère de famille a perdu sa fille de 13 ans il y a tout juste un an. Elle s'appelait Maeva, elle avait 13 ans et était en deuxième secondaire. Un grand portrait d'elle se trouve dans le salon de la maison familiale. "Elle est toujours présente", déclare sa mère en nous accueillant.
C'est la première fois que Maria Isabel raconte son histoire à la presse. D'emblée, elle nous précise que ni elle, ni son mari, ni leurs trois autres enfants, ne se sont jamais doutés du drame qui allait se produire dans leur maison en janvier 2020. C'est à cette date que Maeva a mis fin à ses jours.
Tout allait bien chez Maeva. C'était une fille joyeuse. Jamais, on n'aurait imaginé qu'elle souffrait.
Pour nous, Maria Isabel revient sur les jours qui ont précédé l'acte ultime de sa fille. "Nous sommes au début du mois de janvier. L'école venait de recommencer. Maeva était enthousiaste. Elle me disait que tout se passait bien. Peu de temps après, un matin, elle m'a dit qu'elle avait mal au ventre et qu'elle ne voulait pas aller à l'école. Je me suis dit, comme beaucoup de parents, qu'il devait s'agir d'un contrôle ou quelque chose comme ça".
Quelques jours plus tard, Maeva se suicide. C'est le choc pour la famille, les proches et ses amis de l'école. "C'était une fille très rigolote, joyeuse. Elle mettait l'ambiance. Elle avait beaucoup de copains et de copines. Elle était invitée à beaucoup d'anniversaires. On ne la voyait jamais triste", explique sa mère qui parle d''un rayon de soleil' en nous montrant les photos de sa fille.
Mais en réalité, Maeva souffre, en silence. Elle est victime d'insultes, de rejets, de rumeurs, de remarques d'ordre sexuel de la part de certains élèves, à l'école et aussi via les réseaux sociaux. Une souffrance qu'elle garde pour elle. "On culpabilise évidemment. Pourquoi je n'ai rien vu ? Pourquoi je n'ai pas posé plus de questions ? Pourquoi je n'ai pas confisqué son gsm ?", s'interroge encore sa mère un an après le drame. "On pense qu'on peut avoir le contrôle sur nos enfants, mais non, on ne peut pas être dans leur tête. Même si on essaie de tout faire pour qu'ils soient heureux" ajoute Maria Isabel.
Inciter les élèves à parler et réguler la cour de récré
Pour lutter contre le harcèlement scolaire, des dispositifs existent. Certaines écoles les ont d'ailleurs mis en place. C'est le cas de l'Ecole communale de Sivry, dans le Hainaut. Cet établissement a été "école-pilote" il y a huit ans.
"Je vous emmène tout de suite dans une classe pour que vous voyez ce qui s'y passe", nous dit le directeur de l'école, Olivier Hublet, en nous accueillant. Quelques mètres plus loin, nous poussons la porte de la classe de 4ème primaire. L'institutrice, Madame Laurence, interroge ses élèves au départ de cette simple question : "Quelqu'un a-t-il une émotion à émettre ? Y a-t-il des choses qui ne se passent pas bien ?".
Chacun à leur tour, les élèves lèvent la main et expriment ce qu'ils ont sur le cœur. Comme par exemple le petit Théo : "Je suis un petit peu en colère car y en a qui poussent les autres dans la cour". Place alors aux solutions proposées par les copains de classe. "Il faut lui dire d'arrêter. Et s'il continue, il faut le dire au surveillant". Voilà donc la réponse au problème de Théo.
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Cet espace de parole est organisé une fois par semaine par l'institutrice. L'idée ici est de parler, d'expliquer les problèmes et de les résoudre avant qu'ils prennent trop d'ampleur.