Un couvre-feu sans débat démocratique

Philippe Walkowiak

© RTBF

Couvre-feu, avondklok gardent quelques effluves médiévaux, quand les villes se refermaient nuitamment par crainte de l’agresseur, pas toujours clairement identifié. D’ailleurs, le Littré donne la définition suivante : "Coup de cloche qui marquait l’heure de se retirer chez soi et d’éteindre feu et lumière".

En 2021, nous n’en restons guère éloignés et cela ramène notre civilisation à son passé.

Libertés

Pourtant, au début de la pandémie, point de couvre-feu. Il y a un an, le Conseil national de Sécurité "recommandait" de rester chez soi mais personne ne songeait aller jusqu’à décréter formellement l’interdiction de toute circulation. Il y a un an, les insomniaques pouvaient promener leur chien !

Aujourd’hui, que vous vous trouviez dans la forêt d’Anlier, sur la plage du Zwin, dans le Carré à Liège ou Grand-Place de Bruxelles, la même règle prévaut. Ne cherchez pas à comprendre la logique. Une règle identique partout. Une règle qui craque à présent. Quel sens conserve cette privation de liberté ? Puisque tout est fermé le soir, cette mesure sert-elle effectivement à réduire la circulation du virus ? N’a-t-elle de réel sens que dans les grands centres urbains, les zones densément peuplées ? La ruralité est-elle négligée ? Quel est le prix de la liberté ?

Ces interrogations n’ont jamais reçu de véritables réponses. Aucune loi ne fonde réellement ces décisions qui contraignent nos libertés.

Enfin un débat ?

Le couvre-feu revêt d’abord d’un aspect symbolique, une manière de rappeler que "l’heure est grave" et permet beaucoup plus simplement à la police de contrôler la population que le respect de la bulle de "un" à domicile, toujours en vigueur également. Peu importe que la base légale de ce couvre-feu demeure fragile. La loi devant l’asseoir légalement commence à peine son parcours parlementaire, le débat auprès des représentants de la Nation, mais peu importe. Dormez, braves gens… comme le proclamaient les gardes chargés de veiller au respect du couvre-feu des villes médiévales.

Curieux également de constater que ceux qui remettent en cause aujourd’hui ce couvre-feu n’aient pas eu les mêmes états d’âme quand ils l’ont imposé ou soutenu, qui plus est de manière plus contraignante dans la forêt d’Anlier que sur le Meir d’Anvers !

Le couvre-feu consacre aussi la diversité institutionnelle belge. Le gouvernement flamand s’est toujours montré réservé sur l’utilité de ce confinement nocturne partout. La Wallonie a longtemps poussé à la sévérité sur la question avant de lâcher un peu de lest. Même si une ville comme Liège ferme des espaces publics, mini couvre-feu local, Bruxelles persiste et signe en réduisant toujours strictement la liberté de circuler.

L’exceptionnel devient routine. La réduction de la liberté essentielle de circuler n’a fait l’objet d’aucun débat démocratique. De plus, aucune perspective n’est réellement offerte à ce propos. L’urgence ne peut plus justifier, six mois plus tard, l’absence d’un débat démocratique que les parlementaires ont curieusement abandonné.

 

@PhWalkowiak

 

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