Au-delà de la polémique, Imazi.reine, c’est quoi ?
Il n’a pas fallu attendre cette polémique pour le collectif féministe bruxellois Imazi.reine soit relayé et médiatisé sur les réseaux sociaux. En effet, en juin 2020, elles faisaient partie des initiatrices du #Hijabisfightback (protestations contre l’arrêt de la Cour constitutionnelle belge donnant raison à un établissement d'enseignement supérieur qui entendait interdire à ses étudiant·es de porter des signes manifestant une appartenance philosophique ou religieuse, dont le port du foulard). Plus récemment, en octobre 2020, elles recevaient leur premier prix féministe (décerné par l’asbl belge Amazone). Retour sur leur parcours.
Quelle a été votre réaction d'être l'une des cinq lauréates du prix féministe de l’asbl Amazone ?
F.Z : "Tout d’abord c’est un prix qu’on ne connaissait pas avant que notre collectif soit nominé. Ce prix décerné par Amazone asbl récompense des personnes qui au cours de l’année ont accompli des choses en termes de féminisme à Bruxelles. C’était étonnant parce que, pour être tout à fait honnête, nous ne connaissions par l’asbl, notre collectif est assez récent dans le paysage féministe bruxellois et aussi nous sommes beaucoup plus actives du côté anti-raciste. Donc, ce prix était une chouette découverte et une chouette surprise."
Depuis quand le collectif existe-t-il ?
"Ca fait bientôt deux ans que le collectif Imazi.reine existe. Ca vient tout simplement à la base, de moi-même qui affirmais mon identité en tant que femme racisée, musulmane qui ne se sentait pas forcément représentée dans les mouvements féministes occidentaux. Je me posais des questions à propos de mon identité, de ma foi, du genre. Et j’ai constaté que ces questions d’autres personnes se les posaient aussi et s’y intéressaient et donc le projet a grandi, sans forcément le vouloir. Aujourd’hui, on réfléchit à ce qu’on veut faire, quel statut on aimerait avoir. Parce que, ce collectif, pour nous 4, ce n’est pas un choix de carrière, ni une passion. Nous avons chacune notre vie privée sur le côté, des études, futurs professionnels. Ce n’est pas une passion que de vouloir lutter contre des discriminations qu’on subit au quotidien."
►►► A lire aussi : Seras-tu capable de te confronter à tes privilèges?
Concrètement, que fait le collectif ?
"On parle des questions évoquées ci-dessus à travers l’art et ça peut être très large. D’une part, le pôle qui est en train de se créer où il y a vraiment cet accompagnement en sollicitant des artistes (queers ou pas, femmes ou pas, binaires ou pas). D’autre part, des séminaires, ateliers que je donne dans des maisons de jeunes, des "safe-spaces" avec des associations. On planche sur les réseaux sociaux mais aussi sur le terrain à travers des ateliers artistiques et différentes collaborations (Muntpunt, Bozar, A Fonds). La manière dont nous abordons ces questions, on le fait de façon binaire, on y apporte une complexité. Je pense que toutes les formes d’art permettent ça et ça fait du bien de traiter ces questions/débats sociétaux de manière plus douce.
Imazi.reine, c’est aussi plus qu’un compte Instagram ?
"Oui, à la base ce n’était pas un compte Instagram. Le projet est né d’un documentaire indépendant que j’avais réalisé et qui s’appelait "ma grand-mère n’est pas féministe". Il abordait des questions super utiles en termes de féminisme, d’immigration, de décolonisation. J’avais envie de mettre en lumière une femme (ma grand-mère) qui ne connaissait pas le mot féminisme, d’en parler avec elle. Une fois le documentaire sorti, c’est à partir de ce moment-là que le compte Instagram a pris de l’ampleur. Les gens trouvaient ces débats/questions pertinentes et voulait suivre le projet. Aujourd’hui, nous sommes 4 féministes décoloniales et anti-racistes et on s’inspire de nos propres origines ethniques et autochtones de nos ancêtres pour mener cette lutte féministe. Nous avons aussi une équipe de bénévoles, nous sommes vraiment devenues une petite communauté."
Pourquoi avoir choisi de vous exprimer via les réseaux sociaux (principalement Instagram) ?
"Les réseaux sociaux permettent de contrebalancer, d’entamer des débats, de créer aussi des safe-spaces. Mais il ne faut pas non plus tomber dans la naïveté, nous ne vivons pas dans un monde de bisounours. Parce que, par exemple, lorsqu’on organise des safe-spaces ou des groupes de paroles bienveillants sur les réseaux sociaux, en même temps, il y a des personnes qui s’organisent politiquement pour continuer les chemins d’oppression contre lesquels on se bat et donc, pour pouvoir se battre de manière réflective contre ces schémas d’oppression, il faut pouvoir utiliser les mêmes outils, il faut utiliser les réseaux sociaux. Etre présent en tant que collectif sur les réseaux sociaux c’est aussi pouvoir contrebalancer les discours comme ceux des masculinistes ou de l’extrême-droite qui ont énormément recours à ces moyens de communication. Malheureusement ou heureusement, je ne sais pas, les réseaux sociaux sont des boîtes à écho."
Est-ce que vous pensez avoir une voix dissonante sur les réseaux sociaux ?
"Je pense que tout le monde peut être une voix dissonante sur les réseaux sociaux. Il existe beaucoup d’autres pages qui partagent note point de vue et aussi énormément d’autres qui ne le partagent pas du tout. C’est ça, les réseaux sociaux. Être présent en tant que collectif sur ces réseaux n’est pas facile. Surtout quand on aborde des sujets comme les nôtres. Il faut qu’on soit prudentes avec nos informations et du coup c’est difficile de mener un travail effectif quand on est obligées d’être aussi prudentes au quotidien (on a déjà reçu des menaces de viol, de mort. Personnellement on m’a déjà menacé de me lancer de l’acide sur le visage). J’ai retiré notre compte Twitter pendant un petit temps, pour prendre distance avec cette violence. Aujourd’hui on a décidé de le réactiver".