Belgique

Un an avant les élections : la crise de confiance entre les Belges et la politique

Le Belge de plus en plus perplexe face aux élections

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Par Baptiste Hupin et Philippe Walkowiak

Le 9 juin 2024, l’heure sera au renouvellement des Parlements : européen, régionaux/communautaires et Chambre des Représentants.

En Belgique, le vote est obligatoire mais les citoyens ont-ils encore suffisamment confiance en la politique et ses mandataires ?

Tentative d’éclairage…

Un engagement

À l’installation de son gouvernement, le 1er octobre 2020, Alexander De Croo, tout nouveau Premier ministre, prenait un engagement : "Il nous faut rétablir la confiance. Nous nous engageons en faveur d’une tout autre politique, une politique constructive, de confiance, de respect. Si nous voulons créer des liens, avancer, faire progresser notre société, notre économie, notre pays, le maître-mot, c’est la confiance ! Nous lançons une trajectoire de réformes pour que politique, rime davantage avec éthique. "

Moins de trois ans plus tard, cet engagement résonne particulièrement.

Deux sondages réalisés à quelques mois d’intervalle, en Belgique francophone par la RTBF et La Libre et en Flandre, par la VRT et De Standaard montrent une forme de défiance par rapport aux autorités, voire de rejet de la démocratie représentative. Il y a quelques semaines, le sondage VRT attribuait un score de confiance de 4 sur 10 pour les gouvernements fédéral et régional. 35% des personnes interrogées affichent une préférence pour un pouvoir autoritaire. Un Flamand sur six accepterait même selon ce sondage, de donner les clés du pouvoir à l’armée.

Côté francophone, 39,5% des sondés s’étaient prononcés en faveur d’un pouvoir confié à un leader fort.

Un désenchantement

De longue date, la confiance du citoyen-électeur belge dans sa classe politique était relativement faible. La crise liée au Covid, la guerre en Ukraine, les fortes hausses des prix peuvent contribuer à expliquer ce phénomène. Mais Jean Faniel, directeur du CRISP (Centre de Recherches et d’Informations sociopolitiques) y voit une série de causes : "on sait qu’en Belgique, on a des gouvernements de coalition, qui peuvent donner l’impression surtout si ces coalitions sont larges, que le monde politique peine à trouver des solutions, ce qui renvoie une image d’inefficacité, d’inertie. C’était moins le cas quand on avait des coalitions fédérales à quatre partis."

Les tensions au sein du gouvernement fédéral, les prises de bec entre PS et MR notamment, n’ont pas contribué à créer le climat de respect promis par Alexander De Croo. Mais Dave Sinardet, politologue et chercheur à la VUB, nuance : l’érosion de la confiance est antérieure à 2020 et il ne s’agit pas d’un phénomène limité à la Belgique : "C’est aussi le cas dans d’autres pays en Europe et parfois c’est même pire ! On voit que c’est une défiance généralisée dans la politique, cela concerne tous les niveaux de pouvoir, peut-être moins le local. Les gens regardent la politique comme un bloc ; il ne faut pas regarder la Belgique, ce n’est pas telle mesure, tel gouvernement ou telle déclaration. C’est plus fondamental."

Une pression

La Belgique a toutefois connu une série d’affaires qui ont pu saper la foi dans la politique : les soupçons de corruption au Parlement européen, les bonus pensions au Parlement fédéral, la maison des parlementaires wallons, etc.

Cela constitue un facteur aggravant… comme la pression économique. Les fins de mois deviennent de plus en plus difficiles pour un nombre significatif de ménages. Les aides financières apportées par les autorités ont pu paraître insuffisantes, aux yeux du ménage dont la situation financière se dégrade. Dave Sinardet détaille : "Tant dans la période Covid que pour la crise de l’énergie, on ne peut pas dire que le politique n’a pas été présent, en accordant de nombreuses aides, mais ce n’est pas la perception qui existe chez les gens."

Une tendance

Dans ce contexte, le gouvernement fédéral se retrouve au pied du mur. Est-ce qu’il est encore possible d’inverser la tendance en un an ? Les sept partis de la coalition fédérale mais aussi ceux qui composent tous les gouvernements n’ont pas vraiment le choix s’ils veulent faire mentir les sondages qui prédisent une percée historique de l’extrême gauche et de l’extrême droite.

Jean Faniel prévient et nuance : "Le soir du 9 juin 2024, on risque d’avoir une sorte de coup de massue sur la tête. Mais d’une manière, ce sera tout sauf une surprise, puisque depuis le début de cette législature, on voit que le Vlaams Belang caracole en tête des intentions de vote. En même temps, je ne pense pas qu’il faudra juger le bilan démocratique de toute la législature à ce seul paramètre, car on a vu aussi, durant cette législature, une série d’initiatives, d’expériences démocratiques se développer. On ne les voit pas nécessairement de manière très nette, mais on voit que petit à petit ces pistes font leur chemin."

Au parlement fédéral désormais, il existe en effet des mécanismes d’examen de pétitions portées par des citoyens au-delà d’un certain nombre de signatures, même chose au parlement bruxellois et wallon ou dans les commissions mixtes qui impliquent des citoyens à Bruxelles. Il y a aussi des expériences de démocratie participative en Communauté germanophone. On assiste timidement à une forme de renouvellement de la démocratie.

Mais à un an des élections, cela suffira-t-il ? N’est-il pas trop tard ?

Cela constituera un des enjeux des campagnes électorales qui s’ouvrent.

Extrait du JT du 10/06/2023 :

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