Dès le 8 mai 2021, la TVA dans l’Horeca sera réduite à 6%. Mais de nombreux observateurs s’accordent sur le fait que cette réduction de la TVA à 6% est une mauvaise mesure.
L’élargissement à la restauration de la possibilité de bénéficier d’un taux réduit de TVA remonte à l’après-crise 2008-2009. Au niveau européen, la France, pour qui le secteur de l’assiette est manifestement résolument important, s’est livrée à l’époque à un lobbying presque acharné et, pour schématiser, a réussi à faire plier l’Allemagne, elle-même très réticente sur cette possibilité. Depuis 2009, l’Horeca peut bénéficier d’un taux réduit de TVA. Objectif affiché à l’époque : booster le pouvoir d’achat des Français dans l’après-crise financière.
Et cette mesure n’a pas été efficace en France, selon Emmanuel Degrève, conseiller fiscal et fondateur de Deg & Partners : "On a tout de suite vu que l’effet n’était pas atteint. Dès fin 2009, des études montraient que les prix de la restauration en France n’avaient pas baissé malgré la baisse de la TVA."
Booster la reprise
En Belgique cette fois, l’objectif du gouvernement fédéral n’est bien sûr pas d’améliorer le pouvoir d’achat des Belges, mais c’est plutôt de booster la reprise du secteur de l’Horeca. Mais même là, les experts en fiscalité sont plus que sceptiques. Edoardo Traversa, professeur de droit fiscal à l’UCLouvain qualifie ces mesures de réduction de taux de TVA de beaucoup trop générales, de très coûteuses et même de dangereuses : "On ne sait pas vraiment à l’avance qui va effectivement en bénéficier. Est-ce le consommateur, est-ce le restaurateur ou est-ce — et c’est le plus probable — les entreprises qui sont les plus puissantes dans la chaîne de distribution, et ce sont souvent les grossistes en nourriture ou boissons ou boissons alcoolisées ?"
Augmenter les prix
Loin de booster la marge des restaurateurs eux-mêmes, le scénario qu’esquisse Edoardo Traversa est que la baisse du coût fiscal sur les services de restauration ou sur les boissons entraîne en fait une réaction des grossistes, fournisseurs et brasseurs, par exemple, qui pourraient très bien décider dans les semaines qui viennent d’augmenter même très légèrement leur prix pour l’adapter à cette baisse de TVA. Et que se passera-t-il alors quand on reviendra, a priori en septembre, à un taux de TVA normal dans l’Horeca ? Les restaurateurs risquent de se retrouver avec une TVA qui réaugmente et à payer plus pour leurs fournitures, poursuit-il : "Est-ce que l’objectif du gouvernement est véritablement d’aider les gros opérateurs économiques dans le secteur alimentaire ? Je n’en suis pas sûr. Donc, un taux réduit de TVA n’est pas une mesure suffisamment fine, suffisamment précise pour remplir les objectifs que le gouvernement souhaite lui assigner".
Une proposition de loi vient d’être déposée à la Chambre pour un taux réduit de TVA, aussi à 6%, mais sur les métiers de contact. Les observateurs sont également critiques. Emmanuel Degrève considère que les mesures de restriction sanitaire s’imposaient, mais qu’une TVA réduite ne suffira pas là non plus : "C’est un peu le principe : vous faites une balayette (un croche-pied) à quelqu’un, vous lui cassez la jambe et vous lui apportez un super pantalon, mais est-ce qu’avec ce super pantalon, il va à nouveau pouvoir marcher et courir ? Poser la question, c’est y répondre".
Un taux de TVA réduit est là aussi considéré comme une réponse tout à fait partielle et parcellaire, pas du tout à même de réparer les dégâts économiques occasionnés pendant plusieurs mois.