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Travail et handicap : un mariage souvent réussi

Par RTBF La Première via

Maladie chronique, problème physique, déficience cognitive et/ou motrice… Le handicap, dans toute sa diversité, touche 15% de la population active et une famille sur quatre. Malheureusement, la méconnaissance du handicap, les préjugés ou peurs qu’elle engendre, reste le premier frein à leur inclusion dans le monde du travail. Comment faciliter leur intégration ? Quels sont les avantages à employer une personne porteuse de handicap ? Coup d’œil sur quelques projets et sur les facilitateurs de changement en la matière.

 

Comment expliquer le faible taux d’emploi des personnes porteuses d’un handicap ?

Le taux d’emploi des personnes porteuses d’un handicap, en Belgique, reste en effet seulement de 35%, contre une moyenne européenne de 50%.

La Belgique est l’un des seuls pays d’Europe où il n’existe pas d’obligation d’emploi de personnes en situation de handicap dans le secteur privé, précise Benoît Ceysens, président de la Fédération bruxelloise des Entreprises de Travail Adapté, la FEBRAPEn France, il y a une obligation de 6% du personnel, sous peine d’amendes ou d’interventions dans un fonds de formation.

A Bruxelles, les entreprises publiques ont une obligation de 2.5% seulement, mais sans aucune sanction. Ce faible taux s’explique principalement par la méconnaissance, d’où l’importance du travail de sensibilisation de DiversiCom ou de Cap48. Les personnes en situation de handicap sont encore trop invisibles dans notre société. Si on les visibilisait dans ce qu’elles savent faire de mieux, dans leurs compétences, et si on enlevait tous ces freins, ce taux augmenterait, souligne Benoît Ceysens.

Les entreprises qui font l’expérience d’engager une personne en situation de handicap ne reviennent pas en arrière. Je crois qu’il y a vraiment un changement de mentalité dans les équipes.

L’importance de l’accompagnement

Les clichés sont encore nombreux à perdurer du côté des employeurs et sont basés sur une méconnaissance : crainte de performances inférieures, d’absences plus régulières, du coût de l’aménagement du matériel, de la complexité administrative, de la non-préparation des équipes…, explique Marie-Laure Jonet de DiversiCom, qui facilite la mise à l’emploi des personnes handicapées.

L’enjeu est de trouver la juste place pour la personne, qui la mérite, de l’accompagner. Mais c’est certainement aussi de se soucier de bien accompagner l’employeur, l’entreprise.

Les quotas sont parfois un mal nécessaire, mais l’obligation ne peut en rien venir étouffer la volonté, parce qu’on parle d’humains, insiste-t-elle, et la dimension ne peut fonctionner que quand on a envie qu’elle fonctionne. La personne ne doit pas être une statistique, mais doit absolument être prise pour ses compétences.

Si, dans d’autres pays, cela fonctionne mieux, c’est souvent grâce à des incitants fiscaux et à une attention portée aux premiers maillons de la chaîne, avant l’employeur : les écoles, les universités, les transports, l’accessibilité. Chez nous, la FEBRAP milite déjà pour des incitants, de type fiscal notamment, plutôt que pour des sanctions.

Une juste place

Il est important bien sûr de privilégier les emplois qualitatifs, où la personne estime qu’elle est à sa juste place et où les collègues travaillent avec un vrai collaborateur qui a la compétence recherchée.

C’est ce qu’a trouvé Julie Vandenbempt à L’Ouvroir, après 9 ans de recherche. C’est une asbl bruxelloise qui propose de la reliure, de la digitalisation de document, de l’upcycling. Elle y a bénéficié d’abord d’un contrat de 2 ans de CAP, puis de 6 mois de CDD et enfin d’un CDI.

On est une petite famille, tout le monde s’entend bien. Ce que je veux dire, c’est que, qu’on soit une personne normale ou une personne en situation de handicap, on travaille ensemble, main dans la main. Ce n’est pas parce qu’une personne a un handicap qu’elle ne sait pas travailler !

Une partie de l’équipe du restaurant 65 degrés –
Une partie de l’équipe du restaurant 65 degrés – © Tribe Agency

Créer un effet boule de neige !

Barthélémy de Callataÿ est l’un des administrateurs du restaurant 65 degrés, dont une bonne partie du personnel est en situation de handicap.

Créer un restaurant dont l’ensemble du personnel de salle est en situation de handicap, c’est évidemment une manière d’offrir à ces jeunes un chouette job, explique-t-il. Ce sont des gens pour qui trouver un job est difficile, là ils l’ont trouvé !

"L’objectif secondaire, c’est que c’est l’occasion de montrer à tous que ça marche, que c’est possible. Toute personne qui va déjeuner ou dîner au 65 degrés passe un super moment. On caracole en tête des classements de Trip Advisor chaque année, ce n’est pas pour rien. C’est parce que c’est vraiment chouette. On n’y va pas juste pour se donner bonne conscience. Et le but est de créer un effet boule de neige et que chaque personne qui vienne chez nous se dise : pourquoi pas ?"

Cette inclusion au travail a par ailleurs un fort impact sur la vie de ces travailleurs : ouverture, libération, autonomie. Il y a là un vrai projet sociétal global.

C’est aussi une manière de donner du sens à toute l’équipe, souligne Barthélémy de Callataÿ.

Il y a une magie dans ce restaurant qui fait qu’on a envie d’aller y travailler, parce qu’on se rend compte qu’on fait partie d’un projet plus grand.

Beaucoup de positif et un peu de négatif

Plusieurs freins empêchent la situation d’évoluer rapidement. D’abord, la situation économique des entreprises qui est compliquée pour l’instant.

Par ailleurs, il est dangereux pour une personne en situation de handicap d’abandonner son statut financier et administratif de personne en situation de handicap protégé par le système, pour se lancer dans l’emploi.

"Parce que c’est le parcours du combattant ensuite pour le récupérer, si la personne perd cet emploi. On plaide tous pour qu’il y ait une simplification administrative et une sécurité réelle", insiste Benoît Ceysens.

On observe toutefois une très belle évolution des mentalités, nuance Marie-Laure Jonet. "On observe que nous n’avons pas à aller chercher les entreprises, elles viennent à nous en manifestant leur volonté de renforcer leur dimension inclusive. On observe dans le secteur privé une augmentation de 10% du taux d’emploi des personnes en situation de handicap, ces 5 dernières années, par des entreprises qui n’ont pas d’obligation. Cela vient donc d’un mouvement de culture qui évolue."

Parmi les 350 candidats accompagnés par DiversiCom ces 8 dernières années, 58% sont aujourd’hui au travail. Cela veut dire que, quand on accompagne correctement, on arrive même à dépasser la moyenne européenne du taux d’emploi, qui est de 50%.

Les économistes ont pu quantifier ce que signifie économiquement, pour la société, la mise à l’emploi d’une personne en situation de handicap, sur contrat ordinaire, pendant un an. C’est 20 000 € d’épargnés, de coûts évités à l’Etat, via la suppression de certaines cotisations, l’augmentation des cotisations personnelles et professionnelles et du pouvoir d’achat. Il y a donc des arguments pour dire qu’il faut investir dans la mise à l’emploi !

Un autre statut

La filière du travail adapté reste indispensable pour toute une série de personnes en situation de handicap qui ont besoin de cet encadrement et de cette supervision. Pour d’autres, c’est l’entreprise ordinaire qui va convenir. L’Horeca fait partie des secteurs qui montrent une grande augmentation de cette dimension inclusive. Les secteurs des services et du non-marchand sont les autres principaux employeurs.

Outre son travail à la FEBRAP, Benoît Ceysens travaille aussi depuis longtemps à la ferme Nos Pilifs, une entreprise de travail adapté (ETA), à Bruxelles.

"L’impact de la ferme va bien au-delà des 200 emplois qui ont été créés, dont 140 pour des personnes en situation de handicap. On a un véritable impact sur le quartier. Et les personnes qui travaillent chez nous ne sont plus des personnes handicapées qui travaillent, ce sont des boulangers, des épiciers, c’est votre serveur à l’estaminet. Ils ont un autre statut, une autre étiquette que l’étiquette de handicapé."

>> Pour aller plus loin :

L’action nationale et européenne DUOday, à laquelle DiversiCom contribue, a lieu en ce mois de juin. Elle vise à encourager un maximum d’entreprises à ouvrir leurs portes à des stagiaires en situation de handicap, pour leur faire découvrir les métiers et pour prendre conscience que le handicap n’est pas un handicap au travail, ni à la compétence, ni à la motivation.

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