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Transition énergétique: l'île de Sein bientôt 100% verte?

Ile de Sein

© F. Gersdorff

Une langue de terre en haute mer. L’île de Sein se dévoile après une heure de bateau depuis les côtes bretonnes. Un port de carte postale accueille les touristes. Enez Sun, le nom de l'île en breton, fait moins de 9 km². 120 Senans habitent ici à l'année. L'été, ils sont vingt fois plus nombreux à profiter de la vue depuis le sommet du phare du Goulenez. Une seule route mène au phare. Alors que les voitures sur l'île se comptent sur les doigts d'une main, nous croisons un camion citerne. Il fera plusieurs fois sur la journée le voyage depuis le port pour alimenter en fuel trois groupes électrogènes. Ces groupes génèrent de l'électricité pour les 330 maisons de l’île.

Ile de Sein, la transition énergétique

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Le gardien du phare, Serge Coatmeur, est aussi le responsable de ces citernes. Pour lui, se chauffer ainsi en 2014, n’a plus de sens. "Ca coute très cher, c'est le système de production (d'électricité) le plus cher du monde. On l'estime à 1 euros du litre. Comme on consomme 420 000 litres par an, cela fait au bas mot 420 000 euros qui partent en fumée."

L’électricité est donc ici presque 10 fois plus chère qu’ailleurs. Un surcoût payé par l’ensemble des Français. Depuis 20 ans, l’île pense à produire son énergie propre. Le déclic intervient en 2008 quand une violente tempête submerge Sein. François Spinec, le dernier marin pêcheur de l'île, s'en souvient. "On a pris conscience que la montée des eaux, ce n'était pas une utopie mais bien la réalité. Les scientifiques nous disent que c'est dû à l'excès de CO2 donc nous qui produisons notre électricité à 100% avec du fuel, on s'est dit qu'il fallait faire quelque chose à notre niveau".

La prise de conscience est là. Quelques grosses tempêtes et quelques années plus tard, en 2012, le conseil municipal de l'île vote une déclaration d'intention: passer du 100% fuel au 100% énergie renouvelable. Une société est créée - Ile de Sein Energie (IDSE) - et un tiers des habitants participent financièrement au projet.

Avec les courants marins, les vents, le soleil... L’île est entourée de ressources naturelles. L’idée d’une éolienne, voire d’une hydrolienne, c'est-à-dire une éolienne sous l’eau, murit peu à peu.

Mais aujourd’hui, 15 mois après la création de la société, toujours rien de concret. Nous retrouvons le gardien du phare et le marin pêcheur, en réunion avec les autres membres du comité de direction de l'IDSE. Le constat est là : EDF qui a le monopole sur les îles non connectées au réseau électrique fait barrage. Patrick Saultier, un ingénieur venu du continent qui s'est associé au projet, n'en démord pas : "On imagine que notre projet tient la route. D'ailleurs, ils nous l'ont jamais attaqué au niveau financier ou sur des arguments techniques". Selon lui, EDF agiterait la peur d'un blackout pour convaincre les habitants de la non faisabilité du projet.

Pourquoi le géant électrique freine-t-il les ambitions écologiques de la micro-île de Sein? EDF refuse toute interview télévisée. Dans un document écrit, le premier électricien de France juge le projet non réglementaire, doutant également de sa faisabilité. L’enjeu serait également financier. Sein avec de l’énergie 100% verte constituerait un précédent pour la dizaine d’îles françaises 100% fuel. Et le fuel rapporte beaucoup d’argent à EDF.

Le projet citoyen est devenu la pomme de discorde sur l’île. Les habitants tournent le dos quand le sujet est abordé. Les micros gênent. Rares sont les Sénans a vouloir donner leur avis. Le Maire, très remonté contre les médias, refusera également de répondre à nos questions concernant le projet de l'IDSE. Il soutient, de son côté, EDF qui proposera, à terme, un plan alternatif. A l'accent écologique également mais moins ambitieux.

Pour se faire apprécier de la Mairie et des habitants, EDF a fait un don de 25 000 euros pour l’antenne locale de sauvetage en mer.

Il y a 60 ans, les pêcheurs de l’île de Sein marquaient l’histoire rejoignant tous le Général de Gaulle à Londres. Aujourd’hui, nombre de Senans veulent faire connaître leur île comme un modèle de transition énergétique. Mais la bataille est loin d’être gagnée.

F. Gersdorff

 

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