Les transferts de la Flandre vers la Wallonie et Bruxelles sous la loupe d’une nouvelle étude : celle d’Eric Dor, directeur des Etudes économiques à l’IESEG School of Management de Paris et Lille. Il a analysé le flux de solidarité interpersonnelle en 2017, avec un résultat qui n’étonne pas : il chiffre à 6,4 milliards d’euros le flux de la Flandre vers la Wallonie et Bruxelles.
Selon cette étude, en moyenne les habitants de Flandre sont contributeurs nets à raison de 985 euros par personne et par an en faveur des autres régions du pays.
Mais de quoi parle-t-on ?
Eric Dor explique ce principe de solidarité qui préside à ces flux, ou transferts. "Les ménages ont des revenus primaires, ce sont les revenus du travail, de la propriété ou du capital avant tout prélèvement par l’état, donc avant cotisations sociales, avant impôts etc. Ces revenus reflètent leur contribution à la production de richesse du pays. L’état, lui, redistribue ces revenus. Pourquoi ? Parce que l’état prélève sur ces revenus primaires des impôts, des cotisations sociales, et puis l’état verse aussi aux ménages, essentiellement des prestations sociales : les retraites, les allocations familiales, le chômage, de maladie invalidité, le remboursement des soins de santé, de médicaments etc. Et au bout de cette redistribution, les ménages se retrouvent avec un revenu disponible, celui qu’ils peuvent réellement dépenser".
Quand on regarde le résultat de cette redistribution, et c’est bien le but de la redistribution, on note que les plus riches ont payé relativement plus et ont reçu relativement moins, et que les plus pauvres ont payé relativement moins et ont reçu relativement plus. En comparant la répartition du revenu disponible après redistribution avec la répartition du revenu primaire, on peut calculer des transferts implicites entre les ménages des différents territoires. C’est ce que l’on appelle les flux de solidarité interpersonnelle et ils sont essentiellement liés à la solidarité par la sécurité sociale.
Principe de solidarité
"Et c’est bien cela le sens de la solidarité, il n’y a rien d’anormal à cela", explique Eric Dor, puisque cela reflète les différences de revenus par habitant. Il y a des régions qui sont en moyenne des contributrices nettes, c’est le cas de la Flandre, et des régions qui sont en moyenne des bénéficiaires nettes, et c’est le cas de la Wallonie et de Bruxelles.
Et la Belgique n’est pas une exception. Bien au contraire, puisque les transferts en Belgique sont moindres par exemple que les transferts entre la riche Lombardie en Italie et la Sicile, ou encore entre Madrid et les Asturies. On retrouve des transferts similaires également en France et en Allemagne.
Des transferts Nord-Sud en "trompe-l’œil"
Les régions sont elles-mêmes hétérogènes, du coup on retrouve aussi en Flandre des provinces comme le Limbourg qui sont bénéficiaires nets et en Wallonie des provinces comme le Brabant wallon qui est un contributeur net.
L’étude montre donc que si l’on regarde la ventilation de ces flux par provinces et arrondissements, ces transferts Nord-Sud, dénoncés régulièrement avec force par les nationalistes flamands de la N-VA, souffrent en réalité de sérieuses exceptions.
Et si l’on pointe la loupe sur un échelon plus petit encore, celui des arrondissements, l’étude montre que dans le top 20 des arrondissements bénéficiant le plus de ces transferts, 13 se situent en Wallonie, et 6 en Flandre. Et Ostende est le premier arrondissement flamand à profiter de ces flux.
Et à l’avenir ?
Ces transferts Nord-Sud devraient à l’avenir diminuer. C’est en tout cas ce que prévoit la Banque Nationale, dans une étude de septembre 2018. L’impact du vieillissement va réduire ces flux. C’est en effet la Flandre qui sera le plus touchée par le vieillissement de sa population, avec donc des flux financiers en sa faveur en matière de pension mais aussi de soins de santé.
Selon la Banque Nationale, même si l’écart entre les taux d’emploi reste le même qu’aujourd’hui, la contribution flamande va nettement diminuer : elle passera de 2% à 0,8% du PIB en 2030. Bruxelles déboursera quasiment autant que la Flandre, au profit de la Wallonie. Et si la Wallonie parvient à rattraper son retard économique et réduire son taux de chômage, les transferts de la Flandre vers la Wallonie se réduiraient à une peau de chagrin. Bruxelles deviendrait le premier contributeur à la solidarité entre les Belges