Exposition

Trance’n’dance Isabel Muñoz à bras le corps au Hangar

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Par Xavier Ess

On l’appelle souvent "la portraitiste du corps". La photographe espagnole Isabel Muñoz, 72 ans aujourd’hui, rend compte de la condition humaine dans toutes ses nuances – parfois les plus extrêmes - à travers le corps, la saillie des muscles, la palpitation de la chair. Trance’n’dance au Hangar est la première grande exposition de Isabel Muñoz en Belgique. A travers un choix d’images qui "raconte" des rituels d’extase ou des corps en apnée, l’artiste "essaie de photographier les sentiments, ce que l’on ne voit pas". Si le corps est la matière, c’est d’abord ce que l’on en fait pour arriver à une sorte de transcendance – comme le montre le titre de l’exposition - qui intéresse la photographe.

Isabel Muñoz, également vidéaste, a filmé ce "danseur" de buto dans une séquence où il exprime toute son animalité
Isabel Muñoz, également vidéaste, a filmé ce "danseur" de buto dans une séquence où il exprime toute son animalité © Isabel Muñoz

De chair et d’eau

L’exposition est divisée en 3 chapitres – Immanencia, Agua, Éxtasis - reliés par des thèmes transversaux:  les origines, la transe et la danse.

Dans le chapitre Immanence qui traite de ce qui nous lie à nos instincts, à nos origines, la série consacrée au butō est particulièrement impressionnante. Le butō, mouvement underground né au Japon après Hiroshima, met en cause les traditions ancestrales figées et codifiées avec une danse improvisée qui engage le corps, expression d’une introspection du danseur. La connaissance de soi et sa place dans le monde. Le butō s’exécute presque nu, le corps peint en blanc. Les tabous, les pulsions, le grotesque, la sexualité autant que la poésie s’expriment par cette danse souvent très lente. Les images de très vieux danseurs sont particulièrement touchantes. ​​​​​​​

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Agua est la partie consacrée à l’eau, élément qui nous constitue, avec un message d’alerte. Déjà âgée de 60 ans, la photographe se met à la plongée pour photographier des êtres en apnée.

Isabel Muñoz, japon - 2020
Isabel Muñoz, japon - 2020 © Isabel Muñoz

Constatant l’omniprésence du plastique dans les océans, elle décide d’intégrer cet élément de pollution dans ses images. Des danses aquatiques dans des voiles de plastique ou sous des couches de glace. Une nature, certes, en danger mais qui nous transcende.

Isabel Muñoz met en scène des corps que l’on dirait invités dans une immensité sereine.

Isabel Muñoz, Bajo el agua, 2017
Isabel Muñoz, Bajo el agua, 2017 © Isabel Muñoz
 Isabel Muñoz, Metamorphosis II - 2016
Isabel Muñoz, Metamorphosis II - 2016 © Isabel Muñoz

La dernière partie " Extasis ", témoigne de pratiques extrêmes. Comment à partir de contraintes et de mutilations corporelles en état de transe, on peut arriver à une forme d’extase. Isabel Muñoz est allée à la rencontre de communautés adeptes de ces pratiques en Thaïlande, au Japon et au Mexique. Transcender son enveloppe charnelle pour atteindre une extase spirituelle. On connaît le Shibari japonais, pratique de bondage où le corps, stimulé sous la pression des cordes, entre en transe. Au Mexique, ce sont des séances de suspension à l’aide de crochets auxquelles s’adonnent de jeunes gens. Par défi, désir de liberté ou recherche d'extase. En Asie du Sud-est, la photographe réalise des portraits d’hommes et de femmes en transe, à la langue et aux joues transpercées d’aiguilles ou de morceaux de verre. Une pratique taoïste pour rentrer en contact avec les divinités. Ses portraits sans complaisance montrent — paradoxalement — des personnes dans toute leur humanité. Des témoignages d’abandon de soi, " nos origines primitives ", pour révéler " ce qu’on ne voit pas avec nos yeux " dit l’artiste. La démonstration en est faite dans cette exposition Trance’n’dance dont on ressort, sinon bouleversé – l’esthétique des images nous met à distance -, du moins en questionnement sur la puissance de l’introspection et du lâcher prise pour peu qu’on s’en donne la liberté.

Trance’n’dance au Hangar à 1050 Ixelles jusqu'au 18 juin 2022

Isabel Muñoz capte toute la puissance et l'élégance du cheval dans des photos sous-marines. Somos Agua - 2021
Isabel Muñoz capte toute la puissance et l'élégance du cheval dans des photos sous-marines. Somos Agua - 2021 © Isabel Muñoz

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