Lundi soir, 18h30, à Tournai, le thermomètre affiche 8°. Le froid est piquant. La brume émanant de l’Escaut tout proche remonte les artères du vieux Tournai jusqu'à un vaste et imposant bâtiment près de l’église Saint-Brice. Sur une porte latérale, une petite affiche sur laquelle est écrit en lettres capitales ABRI DE NUIT.
A l’intérieur, au chaud, Gauthier Leroy, un des co-fondateurs de l’abri de nuit à Tournai et de l’ASBL Auxiliis. "Nous avons ouvert le 21 septembre et pour l’instant, cela se passe très bien", se réjouit Gauthier Leroy. "Nous sommes prêts pour le plan Grand froid."
Ce plan mis sur pied dans les grandes villes wallonnes commence ce mercredi 1er novembre et se terminera le 31 mars. Il prévoit le renforcement du dispositif venant en aide aux sans-abris et aux personnes en détresse sociale aiguë.
A Tournai, c’est la première fois qu’un abri de nuit ouvert toute l’année est proposé aux sans-abris. Il héberge une vingtaine de personnes aujourd’hui, le double pendant le plan Grand froid.
Cet abri de nuit, c’est plus qu’un endroit où l’on passe une nuit au chaud. "Les hébergés arrivent entre 19h et 20h et nous leur offrons à boire, à manger. Ils peuvent se doucher aussi. L’extinction des feux est programmée vers 22h30", glisse encore Gauthier Leroy. "Et le matin, ils peuvent prendre leur petit-déjeuner et se laver avant de quitter les lieux avant 8h45."
Les sans-abris sont également encadrés par une équipe d’éducateurs, dont Simon et Hélène. "Quand ils comment à avoir confiance en nous, ils nous racontent leur vécu. Nous les écoutons, nous les accompagnons, et nous les dirigeons vers les organismes qui peuvent les aider. C’est très important de les écouter."
Il est presque 19h. Dehors, Herbie - "comme Herbie Hancock" - et Julien, deux Tournaisiens de 36 ans qui veulent rebondir, patientent tranquillement en discutant avec d’autres personnes.
Bien sûr que nous voulons nous en sortir
Ils ont déjà passé quelques nuits à l’abri de nuit. Ils ont vécu "les embrouilles", "les choses qu’on n’a pas besoin de raconter", et puis la rue. "Cette structure, c’est toujours mieux que de dormir dans un duvet sur un banc à la gare. On dort parfois chez des amis, ça va un peu, mais on ne peut pas s’incruster tout le temps. Et les squats, c’est embêter les voisins. Alors juste savoir qu’il y a cet abri de nuit ouvert tous les soirs, c’est très bien, on ne va pas dire le contraire. Et c’est une association qui fait ça. Chapeau à eux ! Et en plus, c’est ouvert toute l’année. Pas seulement l’hiver. C’est aussi un lieu où l’on peut manger, se laver, c’est très important l’hygiène, être propre. En fait, cet abri de nuit nous permet de nous réveiller le matin en pensant à notre avenir, à aller de l’avant. Vous savez, nous n’allons pas rester six mois ici. Bien sûr que nous voulons nous en sortir. Il ne faut pas croire que l’on se complaît dans cette situation."
A 19h, une dizaine de personnes entrent dans les locaux de l’ASBL Auxiliis. Avec en passant un bonjour pour Hélène, l’éducatrice qui inscrit, à l’entrée de l’abri de nuit, les noms des personnes, des hébergés du soir, dans son dossier. Même par ces températures, la galère n'a pas gelé la chaleur humaine.