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Tony Allen, pour l'éternité

Tony Allen

© Bernard Benant & Navire Argo-PhotoPress

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Par Guillaume Scheunders

Après avoir cheminé entre de nombreux styles musicaux, il s’aventure cette fois-ci du côté du hip hop, entouré d’une armée de rappeur.euse.s, émergent.e.s pour certain.e.s ou déjà célèbres pour d’autres. “Je ne sais pas quand m’arrêter. J’explore le champ musical. Il est infini. Il faut juste explorer et s’exprimer.” Ces mots, prononcés par le nigérian sur l’épilogue de l’album, représentent à merveille le caractère de l’interprète. Cette soif de nouvelles expériences l’a fait voyager à travers de multiples genres musicaux, de l'afrobeat lors de ses jeunes années, au hip hop, pour ce dernier projet qu’il n’aura malheureusement pas pu accompagner jusqu’à sa sortie. 

Tony Allen - One In A Million (Official Visualizer) ft. Lava La Rue

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En toute simplicité

Ces voyages, ils commencent dans les années 70 au Nigéria, évidemment, terre de naissance de l’afrobeat, dont on peut considérer qu’il est le co-créateur avec Fela Kuti. À cette époque-là, son style se forme, tant musicalement qu’humainement. “Je joue de la batterie de la même façon que je suis dans la vie. En simplicité”, déclarait-il au journal Le Point en 2017. Peu étonnant donc qu’il ait tergiversé sur l’appellation du style afrobeat à sa naissance. Si Fela Kuti était sûr de lui, Tony Allen aurait lui aimé le nommer KIS, pour Keep It Simple.  

Quand la musique de Kuti est devenue trop politisée, Allen s’en est affranchi pour une errance en solitaire jusqu’aux années 2000. Sa musique a emprunté des teintes d’afrobeat mêlées à de l’afro-funk, le meilleur exemple restant son album classique Black Voices en 1999.  

Get Together

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La rencontre avec Damon Albarn

L’année d’après, il s’est mis à explorer véritablement. Il apparaît dans Psyco on da bus de Doctor L, un album indéniablement avant-gardiste. Ainsi débute ce que l’on pourrait définir comme “l’histoire moderne” de Tony Allen. Il va surtout rencontrer une personne qui va marquer toute la suite de sa carrière, un certain Damon Albarn, alors leader de Blur.  

L’histoire des deux artistes sera liée pendant une vingtaine d’années. On retrouvera l’anglais sur presque tous les disques de Tony Allen, même jusqu’à The Source, l’album jazz dont le nigérian avait toujours rêvé, où Albarn joue du clavier sur la piste Cool Cats. Mais la partie la plus importante de leur chemin commun, c’est la formation du supergroupe The Good, The Bad & The Queen, avec Paul Simonon (The Clash) et Simon Tong (The Verve). Tony Allen s’essaye au rock avec une évidente réussite. Expérience qu’il réitèrera quelques années plus tard avec Rocket Juice & The Moon, toujours avec Damon Albarn, mais troquant cette fois-ci Simonon et Tong pour Flea, le bassiste des Red Hot Chili Peppers.  

The Good, The Bad & The Queen - Merrie Land (Official)

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Des collaborations légendaires

Impossible d’évoquer Tony Allen sans mentionner toutes ses collaborations devenues presque mythiques. En 2004, il est derrière l’album Politics de Sébastien Tellier et donc le créateur de l’exceptionnelle Ritournelle, véritable vecteur d’émotions. Ils se retrouveront d’ailleurs en 2012 sur Confessions. Quelques années plus tard, il accompagne Charlotte Gainsbourg pour son album 5:55, composé par Nicolas Godin et Jean-Benoit Dunckel (Air). Il retrouvera d’ailleurs ces derniers la même année sur le morceau Space Maker.  

Ces collaborations sont des témoins que la musique et la rythmique de Tony Allen ont été d’une influence notoire sur de multiples styles, on a pu le voir pour la variété, mais elle a aussi contaminé la musique électronique. On retrouve d’ailleurs des pistes du nigérian dans les meilleurs DJ sets : Motor City Drum Ensemble ou Mr Scruff l’avaient placé dans leur mix DJ Kicks, les italiens de Nu Guinea ont réalisé un album d’afrobeat autour de Tony Allen. Et comment passer à côté de sa tournée collaborative avec Jeff Mills en 2018 ? 

Sébastien Tellier - La Ritournelle (Official Video)

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There Is No End

Avant sa mort, la vision d’Allen s’était dirigée vers le hip hop. Son producteur, Vincent Taeger, expliquait sa démarche : “Allen jouait sur sa batterie en écoutant des titres de hip hop légendaires dans son casque. Pas pour imiter le rythme, mais pour l’interpréter à sa façon, fusionnant le groove hip hop américain avec des rythmes d’Afrique de l’ouest.”. Damon Albarn a d’ailleurs voulu lui rendre hommage avec Gorillaz, quelques jours après sa mort, sur le titre How Far en featuring avec Skepta, que l’on retrouve sur There Is No End.  

Pour cette dernière révérence, il a voulu travailler avec des jeunes, la nouvelle génération de rappeurs. Sur son site, on peut lire : “la volonté de Tony était de […] leur donner une voix dans une période de turbulence globale où la musique n’a jamais été aussi importante – pas nécessairement comme “l’arme du futur” dont parlait Fela dans ses chansons violemment politiques, mais aussi comme médecine pour guérir un monde aujourd’hui fracturé.” 

Tony Allen - Cosmosis (Official Clip) ft. Skepta, Ben Okri

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Tony Allen a tiré sa révérence il y a un an, mais l’héritage qu’il aura donné au monde de la musique demeurera éternel. 

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