Thibault, étudiant français privé de job avec le coronavirus : "Sans revenu, sans aide, risquant l'expulsion, c'est difficile"

Thibault a 27 ans. Cet étudiant français subit la crise du coronavirus.

© D. R.

Par K. F.

Quand on est étudiant étranger en Belgique, il n’y a pas que les fins de mois qui sont difficiles. Mais avec le coronavirus, la situation financière est devenue encore plus compliquée.

Thibault, 27 ans, habite la Région bruxelloise et étudie dans le sud du pays. Originaire des Alpes de Haute Provence, il est arrivé en Belgique en 2016. Pour financer ses études, il travaille dans un bar, dans un quartier disons branché. Mais depuis la mi-mars, "avec la fermeture de l’Horeca, je n’ai plus de revenus". Et s’il sollicite une aide sociale auprès d’un CPAS, il risque d’être expulsé vers son pays d’origine. Récit.

400 à 700 euros par mois

Le bar où travaillait Thibault jusqu’à il y a peu est établissement qui marche. "Oui, il y a une clientèle. En moyenne je gagne entre 400 et 700 euros par mois", si l’on compte les extras. Une rentrée qui lui permet de payer son loyer. "Je vis dans une maison avec huit autres colocataires, pour la plupart étudiants et travaillant aussi dans l’Horeca. Le loyer nous revient à 2300 euros au total. Pour moi, cela représente 315 euros pour moi avec les charges." A côté, Thibault reçoit 100 à 175 euros par mois d’aide sociale de la part de son école supérieure. Le budget, on le voit, est mince : il faut jongler chaque mois avec.

Mais la crise du Covid-19 est arrivée ainsi que les mesures de confinement. Le 14 mars, les bars et restaurants doivent fermer, dont celui où travaille Thibault. "Du jour au lendemain, on se retrouve sans revenu, ni revenu de remplacement en tant qu’étudiant jobiste. Cela n’existe pas, c’est étonnant."

Thibault doit alors solliciter de l’aide. Il s’adresse, fin mars, au CPAS de sa commune de domicile. "On m’a dit qu’il n’y avait pas de budget spécifique pour les étudiants dans ma situation, dans le contexte du coronavirus." Mais une aide sociale classique peut être obtenue.

A quelques semaines de la fin de mon Master, je ne vais pas prendre de risque

Avec un risque, "celui de l’expulsion. En fait, lors de ma première domiciliation, pour obtenir ma carte de résident, j’ai signé un document indiquant que j’étais prêt à ne pas devenir une charge déraisonnable pour la Belgique. Du coup, avec l’aide sociale, je le deviens et je risque ne plus avoir l’autorisation de séjourner en Belgique.Une problématique dont la RTBF a déjà parlé et qui touche les ressortissants européens vivant chez nous. Et apparemment, Thibault n’est pas concerné par les derniers efforts financiers consentis par l’Etat fédéral auprès des CPAS bruxellois (30 millions d’aides). "A quelques semaines de l’obtention de mon Master, je me suis dit que je n’allais pas prendre le risque de me faire expulser. Du coup, je n’ai pas demandé l’aide du CPAS."

Sans job, sans aide sociale – si ce n’est une bourse exceptionnelle de 500 euros de son établissement supérieur – c’est la débrouille pour Thibault. "Pour le loyer, le propriétaire a accepté de réduire notre facture globale mensuelle de 700 euros." Impossible de faire autrement : "J’ai accepté de travailler au noir durant cette période de confinement, je n’ai pas eu le choix."

Pour se nourrir : des aliments périmés via des associations

Pour se nourrir, "mes colocataires et moi passons par des associations qui proposent de la nourriture périmée" consommable. "Ce sont des structures auprès desquelles nous nous approvisionnions déjà. Ce sont des combines que nous connaissions. Après, je suis assez économe."

Mais Thibault a tout de même dû demander de l’aide à sa mère, en France "qui connaît elle aussi des difficultés en cette période de crise".

Le budget mensuel de Thibault ne comprend pas que l’alimentation et le loyer. "Pour la connexion Internet, le GSM, ce sont des charges que je ne peux pas négocier avec l’opérateur, à l’inverse du loyer. Pour l’eau, on verra quand le décompte tombera ce que cela va nous coûter. Mais avec le confinement, on est resté à la maison et cela va avoir un impact financier, c’est certain."

Pourquoi pas un chômage technique aux étudiants jobistes déclarés comme moi ?

Thibault n’est pas le seul étudiant étranger dans le cas. Pour lui, il faudrait que les autorités se saisissent de la question "en octroyant une sorte de chômage technique aux étudiants jobistes déclarés comme moi. Je ne cotise pas mais je suis impacté et nous vivons une situation exceptionnelle. Je peux produire des contrats et je comprendrais que nous ne touchions qu’une partie de notre revenu mensuel habituel. 70% par exemple, cela serait un correct." En France, rappelle Thibault, une aide de base est octroyée à tous les étudiants. "Cela est plus clair et plus juste pour tout le monde."

Le déconfinement progressif est en lancé en Belgique depuis le 4 mai. La réouverture des bars, cafés et restaurants est, au mieux, prévue pour le mois de juin. Est-ce que le bar où Thibault travaillait rouvrira ? Pourra-t-il rembaucher notre étudiant expatrié ? "Ma patronne a dû fermer et pour elle aussi cela est compliqué. Elle est sans rentrées depuis deux mois maintenant."

 

 

Les restaurants et la crise sanitaire du coronavirus

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