Le jury du festival de Cannes a fait preuve d’audace en décernant la Palme d’Or à un des films les plus dérangeants et les plus inclassables de la sélection : "The Square" du cinéaste suédois Ruben Östlund.
The Square
Christian est le conservateur d’un musée d’art contemporain. C’est un gentleman, progressiste, profondément attaché aux valeurs démocratiques. Il prépare une installation intitulée "The Square" qui invite le visiteur à révéler les aspects les plus positifs de sa personnalité… C’est alors qu’un matin Christian se fait voler son téléphone portable dans la rue. Grâce à un de ses assistants versé en informatique, il parvient à localiser l’immeuble de son voleur. Il décide alors de déposer dans toutes les boîtes de l’immeuble une lettre de menace vengeresse. Mauvaise idée : plusieurs locataires, scandalisés par cette démarche, vont dénoncer son attitude. Christian, de plus en plus stressé, va avoir toutes les peines du monde à préparer sereinement son exposition…
Voilà une façon de résumer "The Square", mais il y en a beaucoup d’autres possibles. Car à travers le portrait de cet "honnête homme" qui perd pied, le cinéaste Ruben Östlund aborde une foultitude de thèmes dans "The Square". Il y est question du fossé grandissant entre les riches et les pauvres à travers la montée du syndrome sécuritaire, de la dictature du politiquement correct, de l’impact de l’art contemporain sur nos vies quotidiennes. L’originalité du film, c’est d’abord que ces thèmes sérieux sont traités par le biais d’une comédie satirique souvent désopilante et foisonnante d’idées : le film dure 2 heures 20 (Ruben Östlund m’a confié que le premier montage de son film avoisinait les quatre heures !
S’il fallait définir le style d’Ostlund, on pourrait considérer que son cinéma est le chaînon manquant entre celui de Michael Haneke et de Luis Bunuel. De Haneke – une de ses influences assumées -, il adopte le regard distancié pour examiner à la loupe les comportements humains. De Bunuel, il se rapproche par son humour parfois surréaliste et volontiers provocateur. Ajoutons à cela que le cinéaste suédois est un formidable directeur d’acteurs : il révèle au cinéma Claes Bang dans le rôle de Christian, et offre à Elizabeth Moss ("Madman", "La servante écarlate") un rôle inoubliable.
"The Square" ne fera certainement pas l’unanimité, mais c’est sans conteste une des Palmes d’Or les plus atypiques et les plus intéressantes de l’histoire du Palmarès de Cannes.