Chroniques

"The Grand Budapest Hotel", le conte d'Anderson

Hugues Dayez

© RTBF

Par Hugues Dayez

The Grand Budapest Hotel

Le personnage principal du film, c'est Monsieur Gustave, concierge du Grand Budapest Hotel, palace situé dans la ville imaginaire de Zubrowka, quelque part en Europe centrale. L'action se situe dans l'Entre-deux-guerres, Monsieur Gustave mène son personnel à la baguette, mais c'est aussi un terrible séducteur. Et lorsqu'une de ses vieilles clientes, une riche bourgeoise, fait de lui son principal héritier au détriment de sa proche famille, Monsieur Gustave est dans de sales draps: la famille de la vieille dame veut lui faire la peau…

"The Grand Budapest Hotel" est un curieux mélange entre un cinéma burlesque hérité du cinéma muet américain et une mélancolie douce-amère typiquement européenne. Le film de Wes Anderson est empreint de nostalgie ; il montre d'abord le Grand Budapest Hotel à l'époque actuelle, devenu un palace en pleine déliquescence, habité par les fantômes du passé, pour ensuite proposer à travers un long flashback l'âge d'or de l'établissement, à travers les aventures de Monsieur Gustave qui prend sous son aile un jeune groom d'origine indienne...

En général, dans le cinéma d’Anderson, les personnages dans les films n'ont pas plus d'épaisseur que des marionnettes ; ce sont des jolies figurines habilement agitées par leur créateur. Or ici, il y a un supplément d'âme, parce que les deux personnages principaux sont attachants, grâce sans doute à l’excellent duo constitué par Ralph Fiennes (impeccable, comme toujours) et le nouveau venu Toni Revolori. Bien sûr, comme d'habitude chez Wes Anderson, il y a une galerie de personnages pittoresques incarnés par ses vieux complices Bill Murray, Edward Norton ou encore Tilda Swinton, mais ce n'est pas uniquement pour un défilé de gags visuels. Cette fois, il y a une intrigue, une vraie aventure qui rend ce "Grand Budapest Hotel" assez réussi.

Au générique, le cinéaste prétend s'être inspiré du romancier Stefan Zweig… On veut bien le croire sur parole mais on ne voit pas bien le lien entre l'univers de l'écrivain autrichien et "The Grand Budapest Hotel" ... Enfin soit!

Cinéma : Grand Budapest Hotel

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Un week-end à Paris

Nick et Meg forment un vieux couple d’intellectuels anglais qui, pour fêter ses trente ans de mariage, décide de revenir passer un week-end à Paris, l’émerveillement de leur jeunesse… Mais le temps a passé, et les charmes de la Ville Lumière opèrent moins facilement. Car entre Nick et Meg, les rancœurs et les désillusions se sont accumulées. Nick, professeur d’université, vient de se faire remercier à cause de propos "politiquement incorrects ", et ne sait pas trop comment l’annoncer à sa femme…

Cette vision douce-amère du couple d’âge mûr, on la doit à Hanif Kureishi, romancier anglais d’origine indienne qui avait déjà travaillé avec Stephen Frears ("My beautiful laundrette"). Cette fois, il refait équipe avec Roger Michell, le réalisateur de "Coup de foudre à Notting Hill". Ses dialogues sont cinglants, et défendus avec charme par deux vieux briscards du théâtre et du cinéma anglais : Jim Broadbent et Lindsay Duncan. Cette réunion de talents fait de "Un week-end à Paris" qu’on suit sans déplaisir, alors qu’il aurait pu sombrer facilement dans le théâtre filmé et le cabotinage.

Le vent se lève

"Le vent se lève, il faut tenter de vivre". Le cinéaste japonais Hayao Miyazaki ouvre son film par ce vers de Paul Valéry, affirmant d’emblée l’ambition poétique de son dernier long-métrage. Ce film d’animation s’inspire de la figure historique de Jiro Horikoshi, concepteur génial d’avions à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. "Le vent se lève" est à la fois le portrait d’une vocation et une histoire d’amour tragique, car la fiancée de Jiro est tuberculeuse…

Il suffit de voir un panorama de la critique française pour comprendre qu’à 72 ans, Miyazaki est devenu intouchable (à peu près comme feu Alain Resnais, dans un autre genre). Tous les films du maître nippon sont immédiatement estampillés "chefs d’œuvre". Dans ce contexte, oserais-je dire que "Le vent se lève" m’est apparu comme un long pensum, solennel et pompier ? Qui plus est, difficile de s’extasier sur le graphisme du studio Ghibli, usé jusqu’à la moelle, devenu le stéréotype-même de l’esthétique du manga de base, avec des personnages raides aux grands yeux écarquillés. Mais comme Miyazaki, âgé de 72 ans, a décidé de prendre sa retraite et a présenté "Le vent se lève" comme son film-testament, il a sans doute suscité encore plus de critiques élogieuses que de coutume : plus que critiquer un film, il s’agit de saluer l’ensemble d’une carrière… Ceci explique cela.

Hugues Dayez

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