Exposition

The Circus We Are l'univers du cirque au Delta et au Musée Rops

Le manège fou de Hans op De Beeck tourne à vide. La vie est-elle une fête permanente ?

© Xavier Ess Rtbf

Par Xavier Ess

La vie quel cirque ! À Namur, le Delta et le Musée Rops déclinent le thème du cirque et des saltimbanques. Artistes contemporains au Delta, artistes du 19e siècle au musée Rops. Le Trema, musée des arts anciens, se greffe sur le thème avec les rapports entre l’homme et le Malin.

Frans De Vos, toile de façade pour le cirque Minnaert, vers 1925-30
Frans De Vos, toile de façade pour le cirque Minnaert, vers 1925-30 © Xavier Ess Rtbf

L’idée cette exposition The Circus We Are , l’impact du monde circassien sur l’art contemporain, prend forme au départ de l’histoire familiale de la commissaire Joanna De Vos dont l’arrière-grand-père fut directeur de cirque et artiste. Frans De Vos peignait à l’huile des bannières de cirque, toiles de près de 9 m² accrochées à l’extérieur du chapiteau pour attirer le public.  La redécouverte de quatre toiles magnifiques a convaincu Joanna de Vos de faire aboutir ce projet. Le cirque avec sa gamme de personnages, sa gamme d’émotions -le rire, la peur, l’émerveillement- et son univers d’illusion est une source intarissable de métaphores sur la vie. Un jeu d’équilibriste, une cour des Miracles (les freaks des fêtes foraines), le cirque de la politique ou de la religion, les éphémères habits de lumière. Les 20 artistes présent.e.s au Delta s’en emparent... pas toujours dans la joie.

Fabien Mérelle, Manège, 2016
Fabien Mérelle, Manège, 2016 © Tous droits réservés
Fabien Mérelle, Vengeance, 2006
Fabien Mérelle, Vengeance, 2006 © Xavier Ess Rtbf

Les propositions de Fabien Mérelle, Erwin Olaf, Hans op De Beeck et Kendell Geers – parmi bien d’autres comme la russe Uldus Bakhtiozina - déclinent des thèmes philosophique, politique voire même psychanalytique. Expression contemporaine pour propos intemporel.

Fabien Mérelle dont le Manège sert d’image emblématique à l’expo, utilise l’univers du cirque dans des sculptures chargées d’ironie et de pesanteur, voire de peur enfantine. La tête du personnage remplacée par un manège qui tourne à l’envers, évoque les histoires de famille – l'artiste s’inspire de son quotidien – et le lit renversé écrasant un clown de chiffons a tout l'air d'un cauchemar. Au clown fantasque et imprévisible, Erwin Olaf préfère l’image du clown blanc mélancolique, suggéré dans une série de photos et un triptyque vidéo inspirés du confinement. Le personnage, accablé par le vide et l’ennui, survit enfermé dans la grisaille de son intérieur, pas loin d’une cellule, et erre dans les rayons vides d’un supermarché.

Erwin Olaf, April Fool, 2020
le confinement selon Erwin Olaf
Erwin Olaf, April Fool, 2020
Erwin Olaf, April Fool, 2020 © Xavier Ess Rtbf
la Tournée Benevol promettait le "spectacle le plus sensationnel de notre époque"
la Tournée Benevol promettait le "spectacle le plus sensationnel de notre époque" © Xavier Ess Rtbf

Au Delta comme au Musée Rops, des documents, photos et affiches évoquent l’histoire de cet univers de saltimbanques qui tantôt émerveillent par leurs prouesses physiques- jongleurs et acrobates-, tantôt nous font rire, tantôt nous font vibrer face au danger – trapéziste, dompteur de fauves, lanceur de couteaux- ou au mystère – femme coupée en deux, diseuse de bonne aventure, homme sans tête -. Kendel Geers, artiste critique des rapports de pouvoir, produit ( et c’est rare chez lui) une œuvre ludique (et jubilatoire) Kicking Against The Pricks qui nous invite à shooter dans les têtes des grandes figures politiques de l'époque. De Xi Jinping  à Merkel, de Poutine à Biden; pas de quartier.

Kendel Geers, Kicking Against The Pricks, 2002
Kendel Geers, Kicking Against The Pricks, 2002 © Xavier Ess Rtbf
Hans Op de Beeck, Dancer ( détail), 2019
Hans Op de Beeck, Dancer ( détail), 2019 © Tous droits réservés

L’univers du cirque, de la foire, du strass et des paillettes n’est que joie éphémère et superficielle pour Hans op De Beeck qui dans une vidéo de 2’18 accélère le mouvement d’un carrousel jusqu’à en faire un Blender à illusions. Sa danseuse hyperréaliste à la cigarette, au repos après le show, figure la face cachée du spectacle, celui qu’il nous faut jouer pour exister semble dire l’artiste.

Hans Op de Beeck, Dancer, 2019
Hans Op de Beeck, Dancer, 2019 © Tous droits réservés
Félicien Rops, L'Entracte de Minerve. Série des Cent légers croquis, 1878-1881
Félicien Rops, L'Entracte de Minerve. Série des Cent légers croquis, 1878-1881 © musée Rops

Félicen Rops a traîné dans les coulisses des cirques. Au XIXe le saltimbanque inspire les peintres et les écrivains dont ils font le symbole d’une liberté en marge des ‘règles de la Société’ comme l’écrit Rops. Mais ils montrent aussi les conditions de vie précaires de ces artistes nomades et des animaux " savants " qui les accompagnent. Ces œuvres – peintures et gravures- d'une vingtaine d’artistes du 19e siècle, dont Gustave Doré, Léon Spilliaert et Théo Van Rysselberghe, sont accompagnées d’extraits de romans (Sans famille d’Hector Malot) et de la correspondance de Félicien Rops.

En savoir plus: écoutez, ci-dessous, les explications de la conservatrice du musée Rops, Véronique Carpiaux au micro de Christine Pinchart

Au sortir de ces deux expositions, on a mis le doigt sur les antagonismes de nos existences, entre exaltation et mélancolie, fête et solitude, exploit et illusion. Chacun.e choisira son numéro dans ce cirque qui est un peu le nôtre.

The Circus We Are au Delta et au Musée Rops jusqu'au 25.09.2022

Dodi Espinosa, Saltimbanqui, 2019
Dodi Espinosa, Saltimbanqui, 2019 © Tous droits réservés

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