Le gisement de gaz naturel découvert l’été dernier par la Turquie en mer Noire "est plus important qu’initialement !", a annoncé ce samedi, le président turc Recep Tayyip Erdogan, à bord d’un navire de forage Fatih ("le conquérant", en turc). Plus qu’un constat, c’est l’affirmation d’un positionnement vis-à-vis de ses voisins méditerranéens, autour de l’exploitation des ressources énergétiques. Déterminé, Erdogan a affirmé que ce gaz commencerait à arriver dans les foyers turcs en 2023.
Cette déclaration intervient dans un climat de tensions, en Méditerranée orientale, qui ont pris de l’ampleur cet été, depuis que la Turquie a décidé d’envoyer des navires militaires en vue d’explorations gazières, au large de l’île grecque Kastellorizo, à 2 km des côtes turques ainsi que des navires de forage dans la Zone économique de Chypre.
Ankara qui contrôle illégalement le nord de Chypre, avec la présence de plus de 30.000 soldats turcs sur le tiers nord de l’île, conteste le droit à ce pays, d’exploiter les gisements de gaz au large de ses côtes.
Depuis plus d’un an, l’Europe condamne régulièrement la Turquie pour ces activités jugées illégales, au large de la Grèce et de Chypre.
La découverte entre 2009 et 2011 de nouveaux gisements gaziers, en Méditerranée orientale, dans le bassin levantin (de l’Egypte à Chypre en passant par Israël, le Liban, la Syrie), a accéléré une compétition entre états riverains, dans laquelle la Turquie s’est invitée, par la force.
Incidents majeurs en Méditerranée orientale
Le 10 juin dernier, Ankara a provoqué deux incidents majeurs au large des côtes Libyennes.
D’abord avec la marine grecque. Celle-ci opérait dans le cadre européen, pour le contrôle de l’embargo sur les armes, décidé par l’ONU. Un cargo turc qui violait cet embargo international, accompagné par des frégates militaires, a refusé de se soumettre au contrôle grec.
Le même jour, le Courbet, cette fois un navire français déployé à environ 200 km des côtes libyennes, pour identifier un cargo turc suspecté d’être impliqué dans un trafic d’armes (la Turquie apporte un soutien militaire important au gouvernement de Tripoli, en violation du droit international), a fait l’objet de trois 'illuminations radar', équivalant à un marquage de cible avant un tir, de la part d’une frégate turque…
"Il n’y a jamais eu ce genre d’incident entre alliés de l’Otan, souligne Nicolas Gros-Verheyde, rédacteur en chef de B2 Pro et du blog de b2 bruxelles2, c’est très grave !".
En effet, pour les autorités françaises, qui ont porté l’affaire devant l’Otan, il s’agit d’un " acte grave, extrêmement agressif, tout sauf amical ". Emmanuel Macron a appelé à des sanctions contre la Turquie.
Des propos "nuls et non avenus" a rétorqué Ankara, qui affirme que la Turquie agit en Méditerranée conformément au droit international.
"Il y a un conflit politique avec des tensions militaires. Dans ce contexte, on n’est pas à l’abri d’un dérapage", observe Nicolas Gros-Verheyde.
Que dit le droit international ?
Concernant l’occupation de la partie nord de Chypre, avec l’instauration de la République turque de Chypre du Nord (RTCN), de fait, elle a créé une situation de statu quo terrestre sous contrôle des Nations-Unies, sans que la question maritime ne soit définie, la RTCN n’étant pas un état reconnu par la Communauté internationale.
Concernant l’exploitation des hydrocarbures offshore, il existe un cadre juridique qui repose sur la convention de Genève sur le droit de la mer, et sur la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer (CNUDM). Alors que la première instaure les notions de mer territoriale, de zone contiguë, de haute mer et de plateau continental, la deuxième ajoute celle de zone économique exclusive (ZEE) (cf. Schéma sur les zones maritimes du droit international de la mer).