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Tennis: quand un ex meilleur joueur du monde sur les courts propose ses services pour des cours

Julien Cagnina avait goûté à la Coupe Davis juste avant de se blesser

© ERIC LALMAND - BELGA

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Par Benjamin Deceuninck

A 12 ans, il était le meilleur joueur de tennis de son âge en Europe. Labellisé "grand espoir du tennis belge" pendant toutes ses jeunes années, le Liégeois Julien Cagnina, 26 ans cette semaine, a connu quelques galères, entre blessures et gestion de la pression. Une petite annonce sur les réseaux où il proposait ses services pour donner quelques cours de tennis nous a donné envie de prendre de ses nouvelles. Il attend la reprise pour se battre sur le circuit secondaire. Pour ensuite atteindre ses objectifs, pour toucher ses rêves. A son rythme. Il raconte avec lucidité sa drôle de trajectoire.

Tout d’abord Julien, comment ça va ? On voit sur ton compte Insta que tu bosses !

Un peu comme tout le monde je suppose, j’attends de voir comment la situation va évoluer et je suis impatient de savoir quand la compétition va pouvoir reprendre. Comme vous le savez, j’ai été blessé au poignet il y a plusieurs mois et j’ai profité de la période de confinement pour mettre ce temps à profit et m’entraîner d’arrache-pied pour revenir sur les terrains dans les meilleures conditions.

On est en pleine période de Roland Garros normalement. Ça t’évoque quoi ?

Ça m’évoque les matchs sur terre battue, que j’affectionne particulièrement ; les gros combats physiques où il ne faut rien lâcher jusqu’à la dernière seconde et où tout est possible jusqu’à ce que la balle de match soit gagnante. Cela m’évoque aussi la suprématie de Rafa et son incroyable jeu sur terre battue – j’espère pouvoir un jour refouler les cours de ce tournoi mythique.

Justement tu gardes quel souvenir de ton tournoi Junior à Roland ?

Je garde un souvenir en demi-teinte de ce tournoi junior, car je m’attendais à faire un meilleur résultat après ma victoire à l’Astrid Bowl la semaine précédente. C’était néanmoins une magnifique expérience d’un point de vue personnel, car j’ai pu découvrir et côtoyer les meilleurs joueurs du monde à l’entrainement, dans les vestiaires, au restaurant, dans la salle de préparation physique ou encore chez le kiné. A cet égard, c’était une expérience incroyable !

Tu étais parmi les meilleurs joueurs du monde dans tes jeunes années. Avec le recul comment analyses-tu ta trajectoire? Et la gestion de la pression chez les très jeunes joueurs ?

Allez-y, remuez le couteau dans la plaie (sourires) ! Il est vrai qu’à l’époque, je faisais partie des meilleurs joueurs européens dans les catégories de jeunes (N1 Européen à 12 ans, N3 en – de 14 ans et 10e mondial en – de 18 ans). Avec du recul, je pense que l’évolution de ma carrière aurait pu être sensiblement différente si j’avais eu un meilleur encadrement à certains moments-clés de mon parcours, cela m’a malheureusement manqué et disons aussi que les blessures ne m’ont pas aidé. Quant à la pression, il est vrai qu’il y en a toujours eu au niveau fédéral, et que l’on oublie souvent qu’en fin de compte, nous ne sommes encore que des enfants…

Quel conseil donnerais-tu au petit Julien de 14 ans ? 

Je lui dirais de croire fermement en son rêve, en ses compétences et ses capacités ; et surtout, que la détermination et le travail finiront toujours par payer et qu’il ne faut jamais abandonner sans avoir la sensation d’avoir été jusqu’au bout.

Tu as arrêté pendant 18 mois à cause de ton poignet, alors que tu venais d’atteindre ton meilleur classement (239e). Comment tu l’as vécu ?

Pendant un certain temps, j’ai vécu cet arrêt comme un coup de massue et un terrible coup du sort. Je me suis énormément remis en question, car les incertitudes et les doutes s’étaient emparés de moi. Puis, avec le temps, je suis parvenu à me poser les bonnes questions et à me rendre compte que l’envie de jouer et d’en découdre sur le circuit était toujours là et que je ne voulais certainement pas abandonner mon rêve de toujours et mon objectif à cause de cette blessure.

Et là, tu venais de reprendre et tout s’arrête. Tu es maudit ?

Non, je ne dirais pas que je suis maudit – dans le cas présent, personne ne pouvait prédire cette situation et nous sommes tous dans le même cas. Je fais donc preuve de patience, je profite de mes proches que je n’ai pas l’occasion de voir tant que cela au cours de l’année, et j’en profite pour mettre en place le meilleur cadre possible pour revenir au top de ma forme dès que la situation le permettra.

Tu t’entraînes avec quel objectif en tête ?

Mon objectif est clair : être prêt à 100% dès que les tournois reprendront et revenir encore plus fort qu’avant. La seule incertitude dans l’équation est la date de reprise de la compétition, que j’espère être très prochaine.

C’est la galère pour la plupart des joueurs hors top 150 mondial. Tu t’en sors comment ? On a vu passer l’annonce pour donner quelques cours de tennis…

Il est vrai que pour les joueurs qui ne font pas partie du top 100, la situation est assez compliquée financièrement, cela a toujours été le cas. Une fois les frais liés aux entraînements, aux transports, au logement et aux repas déduits des prize money (hors grands chelems), il nous reste une somme dérisoire et sans sponsors ou sans soutien financier de la part de leurs proches, les joueurs perdent de l’argent toutes les semaines et engagent souvent leurs fonds propres, même en étant 300e mondial à l’ATP… Donner des cours de tennis, c’est pour moi une manière de transmettre ma passion à d’autres personnes qui ont envie d’améliorer leur jeu sur les cours et on ne va pas se le cacher, c’est également un moyen de subsistance bienvenu dans cette période où aucun revenu ne nous est alloué.

Dominic Thiem est contre le principe de solidarité des joueurs du top vers les joueurs moins bien classés car, selon lui, certains joueurs ne font pas les efforts nécessaires pour vraiment être pro…

J’ai trouvé ses propos assez durs, d’autant que son petit frère est 1000 à l’ATP. Ils s’entraînent parfois ensemble, il sait à quel point il est difficile de s’en sortir sans un minimum de moyens financiers. Je comprends néanmoins qu’il préfère venir en aide à des gens qui sont vraiment dans le besoin (notamment les hôpitaux) ou qui soutiennent ces personnes, comme les associations. Je pense que c’est le devoir de l’ATP, de l’ITF et des organisations des 4 grands chelems de trouver des solutions pour mieux répartir les prize money entre les joueurs.

Pour terminer, tu poursuis encore quel rêve? 

J’ai toujours le même rêve et le même objectif en tête : le top 100! Et pourquoi pas plus haut. Je suis extrêmement motivé et très impatient de reprendre prochainement la compétition. Je veux être le meilleur et monter le plus haut possible… Je vous dis à très bientôt sur les courts !!

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