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Tennis : Novak Djokovic, l’homme de tous les records, l’éternel mal-aimé

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Par Antoine Hick

Il n’aura jamais la classe d’un Roger Federer ni le revers d’un Rafael Nadal mais il s’en moque probablement comme de l’an 40. Lui, c’est Novak Djokovic, l’éternel malaimé de ce trio d’ovnis.

Oui, il s’en moque. Parce qu’à l’heure où ses deux prestigieux adversaires prolongent leur arrêt au stand, martyrisés par le poids des âges, Djokovic lui, poursuit son insatiable quête de records. Tel une météorite que rien (ou presque) ne peut arrêter dans sa course effrénée pour écrire l’histoire.


Il était plus ou moins 21 heures dimanche soir. D’un dernier coup de boutoir, Djokovic envoie valser Medvedev. Malgré un plongeon désespéré, le Russe ne peut rien faire. Il est battu.

Jeu, set et match. Le Serbe remporte le Masters 1000 de Paris pour la 6e fois de sa carrière et signe une éclatante revanche après la désillusion de l’US Open. Pourtant, il a le triomphe modeste. Seuls deux bras brandis vers le ciel et un sourire discret viennent trahir ce doux sentiment de fierté qui doit bouillir en lui.

Fier, Djokovic peut l’être. Il vient d’écrire une nouvelle page de son ahurissant palmarès personnel. Mais comme pour faire un doigt d’honneur symbolique à sa horde de détracteurs qui flaire le moindre excès d’arrogance, il préfère garder sa joie pour lui. Comme (trop) souvent d’ailleurs.

37e Masters 1000, Nadal dans le rétroviseur

Vainqueur à Paris, Djokovic remporte son 37e Masters 1000.

Être dos au mur, poussé dans ses retranchements, sifflé par une partie du public, Djokovic connaît. Il a même appris à transformer cette "pression du mal-aimé" en une infaillible source de motivation qui lui permet de renverser des montagnes. Parce que, osons-le l’avouer, Djokovic n’est jamais aussi dangereux que quand il est dos au mur, critiqué ou remis en question.

Remis en question, il l’avait été à l’US Open. Alors qu’un mirifique et historique "Grand-Chelem" (gagner les 4 Majeurs la même année) lui tendait les bras, il avait flanché au pire des moments, s’inclinant contre Medvedev. Galvanisé par cet accroc, il a pris sa revanche, sans perdre les pédales, trouvant enfin la solution miracle pour faire déjouer le robot russe.

Mais Djokovic a fait bien plus que simplement prendre sa revanche ou remporter son 6e tournoi parisien. Non, il en a profité pour glaner le 37e Masters 1000 de sa carrière. 26 de plus que Pete Sampras, 9 (!) de plus que Roger Federer et désormais un de plus que le dernier rival, le seul qui parvenait encore à rester dans son sillage, Rafael Nadal.

7e année en tant que #1, Sampras aux oubliettes

Un sacre qui permet également au Joker de conforter sa place de numéro 1 mondial en fin de saison. C’est la 7e fois qu’il y parvient. Il laisse ainsi Pete Sampras, avec qui il co-détenait le record (6) dans son rétroviseur. Rafael Nadal et Roger Federer sont, eux, tous les deux restés bloqués à cinq.

Au nombre des semaines passées sur le trône ATP, il n’y a plus de débat non plus. Djokovic (346) a largué la concurrence : Federer est 2e (310), Sampras (286), Nadal loin derrière (6e, 209).

20 Grands-Chelems, comme Fedal… avant de les mettre dans l’ombre ?

Et que dire des victoires en Grands-Chelems ? Vainqueur en Australie, à Roland-Garros puis à Wimbledon, Djokovic a rattrapé son retard pour revenir à la hauteur de Federer et Nadal, vainqueurs de 20 Grands-Chelems chacun. Une remontada hallucinante puisqu’en 2010, Federer avait déjà remporté 16 de ses 20 Majeurs, Nadal neuf sur 20 et Djokovic… un seul (Melbourne 2008).

"Il prendra la place de Nadal et Federer dans les chiffres, pas dans le cœur des gens"

Pour notre consultant tennis Philippe Dehaes, la quête de ce 21e titre est en partie liée à cette nécessité de s’attirer les sympathies du public. "Il a cette motivation de vouloir battre le record de Nadal et de Federer, notamment car il n’est pas apprécié comme ces deux joueurs. Il n’a pas la même considération et le même respect du public", explique-t-il au micro de Charles-Emmanuel De Wasseige.

Une certaine aversion des fans qui peut s’expliquer par trois raisons, estime Dehaes. "Premièrement, il est arrivé après, lorsque Nadal et Federer s’affrontaient déjà pour les plus grands titres. Il est arrivé et a mis un peu de désordre dans le règne de ces deux-là en affirmant très vite et très tôt qu’il voulait être numéro 1.

La deuxième raison, c’est qu’il a un jeu qui est difficilement définissable. On sait comment jouent Nadal et Federer. Djokovic est un peu entre les deux, il est un peu attaquant, un peu ‘contreur’. Les fans ont du mal à s’identifier à son jeu.

La troisième raison, c’est sans doute la plus importante. C’est sa personnalité. Il peut être très hautain, il manque un peu d’humilité parfois. Il a des attitudes sur le terrain qui ne sont pas dignes d’un numéro 1… de temps en temps. Il peut casser des raquettes, il peut s’énerver, s’attaquer à l’arbitrage. Ce que Nadal et Federer ne font pas. Je pense que ce sont les trois raisons pour lesquelles il n’a pas l’amour qu’il souhaiterait avoir des fans et des autres joueurs."

Et de conclure sur le sujet. "Il prendra la place de Nadal et Federer dans les chiffres, dans l’histoire mais il ne la prendra certainement jamais dans le cœur et dans la tête des gens. Ceci-dit, on peut ne pas aimer la personne mais il faut reconnaître le joueur qu’il est et c’est un joueur absolument fantastique qui n’a aucune faiblesse. Il faut prendre le temps et la peine d’apprécier chaque match qu’il joue. Il est tout simplement plus doué, plus fort mentalement et physiquement. Il faut juste reconnaître sa supériorité dans tous les domaines."

2022, l’année de l’ultime record ?

À 34 ans, Novak Djokovic a donc à nouveau montré en 2021 que malgré le poids des âges, l’infernale machine ne s’enraie pas. L’année 2022 pourrait donc être celle de tous les records pour le Serbe qui pourrait remporter son 21e Grand-Chelem et ainsi détrôner les indétrônables.

Et si niveau aura, charisme, affection du public ou style de jeu, Novak Djokovic ne dépassera probablement pas ses deux illustres adversaires, les chiffres, eux, commenceront tout doucement à piquer. Parce que depuis quelques années, Novak est bien seul au monde. C’était la crainte de certains, c’est désormais une certitude. Avec 2022, en point d’orgue pour concrétiser une domination statistique que certains n’osent toujours pas accepter ?

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