L’Agenda Ciné : Qu’est-ce que vous partagez avec votre personnage, Martial Toussaint ?
Arnaud Ducret : Je partage la passion. Je suis quelqu’un de passionné depuis assez jeune et j’aime les gens passionnés. Je prends souvent l’exemple de mon oncle Lionel que j’aime tant, qui est carrossier et qui est totalement PASSIONNÉ par son travail.
Je partage aussi le côté charmeur de mon personnage… peut-être ? ça fait partie de mon métier !
Et j’aime bien qu’il soit attaché à la transmission. Dans la vie, c’est très important pour moi. Martial se doit de bien faire les choses et de transmettre ce qu’il a appris. Et j’aime quand les gens prennent au sérieux leur travail.
C’est ce qui vous a fait dire oui à Christopher Thompson ?
C’est le fait de dire " oui " pour une comédie romantique sur fond de boucherie ! Avec ces deux personnages que tout oppose (pas tant que cela, vous verrez !).
Et puis, c’est très bien écrit… la raison de mon " oui ". C’est également très bien joué par Géraldine Pailhas… j’avais devant moi quelqu’un qui me donnait un répondant extraordinaire.
Les scènes se sont naturellement passées et il est vrai que l’on a matché tout de suite très bien. Il y avait, je pense, une crédibilité avec ce couple que nous formions, mais aussi, et j’en suis fier, une vraie crédibilité à me voir comme boucher… et il fallait que ça fonctionne, que l’on y croie !
Christopher tenait à quelque chose qui fasse vrai, véritable… je crois que l’on a réussi à l’obtenir.
L’Agenda Ciné : Qu’est-ce que vous partagez avec votre personnage, Charly (Charlotte) Fleury ?
Géraldine Pailhas : Déjà, elle a mon rythme. Forcément puisque c’est moi qui le lui donne ! Je lui ai donné mes battements de cœur, cette rapidité qui est la mienne et que le personnage, je pense, venait solliciter… c’était nécessaire.
Après il y a quelque chose d’assez fort que je partage avec elle et qui a peut-être servi un moment à Christopher quand il a écrit le scénario, c’est que j’ai grandi dans une famille avec un père qui aurait bien voulu avoir des garçons, comme cela arrive souvent, et qui n’en a pas eu. Toute mon enfance, j’ai eu envie de me conformer à ce désir que je n’avais pas su combler et que j’ai désespérément essayé de combler, un peu à la manière de Charly, qui accepte qu’on l’appelle Charly, alors qu’elle se prénomme Charlotte, et qui voudrait être vraiment ce garçon que son père regrette de ne pas avoir. J’ai aussi vécu ça !
Elle rencontre ce Martial, et il se trouve que ce Martial n’a pas du tout peur d’elle ! Sa masculinité n'est pas abîmée, menacée par la force de cette femme qui est en face de lui. Il reste solide, droit dans ces bottes, car c’est un homme terrien qui n’est pas dénué de tendresse et de douceur… ils sont tous deux tendres et saignants !
Je pense aussi que Christopher et son coscénariste, Fabrice Roger-Lacan, ont voulu célébrer une femme de plus de 45 ans que l’on ne voit pas forcément au cinéma, que l’on ne voit pas en tout cas tomber amoureuse et qui ne correspond pas forcément à tous les standards fréquemment attribués à une femme de son âge.
L’Agenda Ciné : Votre film fonctionne beaucoup sur différentes oppositions. Les opposés sont-ils le meilleur des ressorts dramatiques ?
Christopher Thompson : Bien sûr ! Les contraires qui s’attirent est l’un des ressorts de la comédie romantique. On a ces deux personnages, Martial et Charly, qu’apparemment tout oppose, et qui au fur et à mesure de l’histoire vont trouver ce qui chez l’un et chez l’autre les rend meilleurs ou les aide à mieux vivre.
Vous opposez également le monde de la mode et de la boucherie, ce qui est assez inédit !
C’est l’opposition d’un monde ultra contemporain, un monde d’images, de communication, de papier glacé… et d’un métier traditionnel qui fait partie du quotidien des gens. Une opposition intéressante à exploiter.
Pour ce qui est de la mode, je n’ai pas voulu éviter les stéréotypes, qui existent, mais sans être caricatural.
Quant à la boucherie, je me suis rendu compte que c’est souvent le cœur battant d’un quartier, que c’est un commerce qui a pignon sur rue, que les gens s’y croisent, que c’est un métier loin d’être anodin… il y a en effet une certaine gravité, une responsabilité dans ce métier : on doit pouvoir faire confiance à son boucher ; c’est le passeur entre le vivant et nos assiettes.
C’est également un métier de tradition… ce n’est pas le plus vieux métier du monde, mais pas loin ! Qu’il y a ce rapport de l’homme avec la nature, avec les animaux, avec ce que l’on consomme. Un métier confronté à la modernité, aux problématiques contemporaines : l’écologie, le bien-être animal… Un métier qui a donc une obligation d’évolution, de changements… ce qui m’intéressait beaucoup. Et je pense que ce n’est pas en faisant table rase de tout que l’on arrive vraiment à changer les choses.
Et ce métier, qui est aussi un métier traditionnellement réservé aux hommes, cette femme, Charly, qui a largement dépassé la quarantaine, qui a construit sa vie, qui est très forte dans son métier et qui vient de se prendre d’énormes coups dans la gueule dans son magazine de mode… par des hommes (!), se trouve aspirée dans ce monde qu’elle a voulu quitter pour tout un tas de raison.