CQFD, ce qui fait débat, en mode grand entretien : 25 minutes quotidiennes avec un spécialiste, pour vous aider à mieux comprendre/vivre la crise du coronavirus, mais aussi pour vous permettre de poser VOS questions (via l’adresse mail cqfdrtbf@rtbf.be). Notre invité, ce lundi: Michel Sylin, psychologue du travail et des organisations à l'ULB.
Un tournant historique pour le télétravail?
"Incontestablement", répond Michel Sylin, "sur la pratique du télétravail, cette crise va laisser des traces. Les employeurs comme les travailleurs ont manifesté leur volonté de faire perdurer une partie de ce télétravail". Même si ce que de nombreux télétravailleurs ont vécu avec cette crise - 100% du temps de travail à la maison, avec enfants - n'est pas représentatif de ce que sera le télétravail à l'avenir.
D'ailleurs, affirme le psychologue: "sous sa forme actuelle, le télétravail doit encore s'inventer. Il est né dans un système sans contrôle ni ajustement, ce qui crée de très grandes difficultés chez de nombreux travailleurs, notamment des situations de burn-out liées à un rapport continu à l'écran".
Syndicats comme patronat semblent s'accorder sur les avantages et inconvénients du télétravail. Les syndicats l'encouragent et renvoient au cadre existant [Une convention collective de travail datant de 2005, Ndlr], tout en insistant sur la base volontaire, car ni l'entreprise ni le travailleur ne peuvent l'imposer. Les patrons, qui ont dû s'ouvrir à cette pratique imposée par le confinement, en retirent du positif eux aussi, avec notamment l'adaptation rapide à de nouvelles technologies, le renforcement de l'autonomie des travailleurs ou même de leur productivité.
Nous construisons nos identités professionnelles autour de la machine à café
Ceci dit, malgré ses avantages en terme de mobilité et de souplesse horaire, le télétravail ne remplacera jamais le lien social. "Ça redéfinit la relation de travail et les collectifs de travail. Par exemple, il y a cet endroit très important dans toutes les organisations: la machine à café, le lieu où on va échanger, s'ajuster les uns par rapport aux autres, dans des réalités tout à fait informelles [...] Des lieux qui n'existent évidemment pas sous la même forme avec le télétravail, même s'il est partiel", observe Michel Sylin.
L'enjeu fondamental du télétravail, c'est la manière dont les organisations vont pouvoir continuer à évoluer et s'ajuster sans ces lieux, selon le spécialiste. "C'est là qu'est le danger du télétravail", estime-t-il.