Regions

Taxe kilométrique, abattage, indexation des loyers, Josaphat, neutralité… : crises à répétition au gouvernement bruxellois

Le gouvernement bruxellois traverse plusieurs crises.

© Tous droits réservés

Il reste un peu plus d’un an avant mai 2024 et les prochaines élections régionales. Mais d’ici à l’échéance, le gouvernement bruxellois risque de connaître de nouvelles turbulences. Depuis son décollage en 2019, la majorité PS-Ecolo-Défi (avec les néerlandophones de Groen, du VLD et de Vooruit) n’a jamais véritablement profité d’un vol sans perturbations.

Dernier accrochage en date, pas plus tard que ce jeudi lors du conseil des ministres, et révélé par La Libre : un refus des Verts de voir les socialistes imposer coûte que coûte leur point de vue dans le dossier du plan d’aménagement directeur de la friche Josaphat (entre Schaerbeek et Evere). Tandis que le PS veut la construction de plus de 500 logements (dont 150 sociaux), Ecolo refuse la bétonisation du site. Les divergences ne datent pas d’hier. Tensions et même hautes tensions.

Ce n’est pas la première fois que les partenaires aux commandes de la Région bruxelloise se froissent, n’avancent pas dans la même direction, se toisent… Retour sur les crises majeures entre PS, Ecolo et DéFi à Bruxelles…

  • La STIB condamnée et la neutralité dans la fonction publique

Mai 2021, le tribunal du travail condamne la STIB pour discrimination fondée sur le genre et les convictions religieuses. Le point de départ : la plainte d’une Bruxelloise qui estime avoir subi une discrimination à l’embauche parce qu’elle portait le foulard.

La société des transports en commun bruxellois a la possibilité de faire appel. Il le faut, dit DéFI (avec l’Open VLD), qui prône la laïcité dans son programme. Il ne faut pas, disent les socialistes et les écologistes qui souhaitent une approche plus inclusive. Crise et polémique au sein de la classe politique. Les présidents de partis s’en mêlent. François De Smet (DéFI) le laisse entendre : son parti pourrait quitter la majorité.

Faute d’accord, mais aussi vu le poids du PS et d’Ecolo, le comité de gestion de la STIB, organisme régional piloté par un conseil d’administration politique, n’interjette pas appel. Un commissaire Open VLD du gouvernement renvoie la balle aux ministres. Ils tranchent : pas d’appel mais l’ouverture d’un large débat au sein du Parlement bruxellois sur la question de la neutralité des services publics. Des auditions ont déjà eu lieu. DéFI n’a finalement pas claqué la porte.

Port du voile : la STIB condamnée, les politiques partagés

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

  • L’abattage rituel

17 juin 2022 : le Parlement bruxellois vote contre la proposition d’ordonnance demandant d’interdire l’abattage rituel sans étourdissement. La proposition émane des rangs de la majorité à savoir des députés DéFI, Groen et Open VLD, alors qu’au sein même de cette majorité, les oppositions au texte sont manifestes notamment au PS et chez Ecolo. C’est ce qu’on appelle un dossier sensible qui divise.

Car la question de l’abattage rituel sans étourdissement concerne d’abord les communautés religieuses musulmanes et juives, qui veulent continuer à consommer de la viande halal et casher, provenant d’un animal non étourdi avant la mise à mort.

A Bruxelles, la communauté musulmane est importante. Certains représentants religieux mais aussi le secteur de la boucherie se mobilisent. Une pétition recueillant plus de 120.000 signatures est déposée au Parlement bruxellois. PS et Ecolo n’ignorent pas le poids de cet électorat plus important qu’en Wallonie où ces deux partis ont voté pour l’étourdissement des bêtes.

Des auditions seront organisées au Parlement bruxellois, pour débattre du texte déposé par les députés Groen, DéFI et Open VLD. Le jour du vote en plénière approche. On compte les forces en présence. Dans la majorité, certains rejetteront le texte, d’autres le soutiendront, pas suffisamment pour qu’il passe la rampe.

Le débat a également fait rage au sein des formations prônant habituellement moins d’accommodements. Au MR, par exemple, la députée Viviane Teitelbaum, de confession juive, s’est abstenue. Elle s’en est expliquée publiquement.

Abattage rituel : pas d étourdissement décidé à Bruxelles

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

  • Taxe kilométrique

Le projet de mise en place d’une taxe kilométrique à Bruxelles figure dans l’accord de gouvernement régional de 2019. Un texte est déposé. Mais au fil des mois et des polémiques avec la Flandre et la Wallonie, le PS finit par exprimer son rejet, malgré un feu vert du Conseil d’Etat.

On le rappelle : la taxe qui doit s’appliquer à tous les véhicules particuliers prévoit, pour faire simple, de taxer son utilisateur en fonction des kilomètres parcourus et des heures d’utilisation. Séduisant pour Ecolo-Groen et la ministre de la Mobilité Elke Van den Brandt qui voit là une excellente manière de pousser les Bruxellois à adopter d’autres modes de déplacement. Un peu moins séduisant, après réflexion, pour le PS : cette taxe va, selon le parti, pénaliser les plus fragiles.

Depuis, les socialistes le répètent dans toutes les langues : c’est "Niet" aussi bien pendant cette législature-ci que les suivantes ! Dernière prise de position en date : une vidéo postée le 11 février 2023 sur les réseaux sociaux dans laquelle on voit le chef de groupe Ridouane Chahid, le président de la Fédération bruxelloise du PS Ahmed Laaouej accompagnés d’autres mandataires dirent clairement "Non" à la taxe kilométrique, en réaction à l’interview de la députée Ecolo Marie Lecocq qui souhaite sa mise en place à Bruxelles.

PS d’un côté, Ecolo-Groen de l’autre. L’opposition est d’autant plus ubuesque que le gouvernement que ces formations dirigent a accepté le lancement d’un test auprès de volontaires bruxellois autour de Smartmove (le nom du projet de taxe) et l’achat de caméras de contrôle, comme confirmé récemment par le ministre des Finances Sven Gatz (Open VLD), chargé de la mise en oeuvre de la mesure.

Bruxelles propose une taxe kilométrique

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

  • Limiter l’indexation des loyers

En janvier 2022, la crise sanitaire s’éloigne mais la crise énergétique pointe déjà le bout de son nez. Pour la secrétaire d'Etat bruxelloise au Logement, la socialiste Nawal Ben Hamou, il faut épargner les plus faibles. Comment : en limitant l’indexation des loyers à Bruxelles à 2% contre 5%. C’était sans compter sur l’opposition DéFI. Pour son collègue ministre Bernard Clerfayt, pas question d’accepter la proposition.

Au cours de plusieurs conseils des ministres, Nawal Ben Hamou, soutenue par le syndicat des locataires, remet le dossier sur la table, adaptant régulièrement les contours de son projet. Mais elle ne parvient toujours pas à trouver un accord avec le partenaire amarante.

"J’espère que Bernard Clerfayt reviendra à plus de raison", déclare-t-elle"C’est une mesure populiste qui fait du bien à court terme, du tort à long terme. Toutes les mesures de blocage ou de réduction de l’indexation découragent la construction et la rénovation de logements", balance Bernard Clerfayt. Ambiance…

Il faudra attendre septembre, les conséquences du conflit ukrainien et une indexation des prix chez nous qui frôle les 10%, pour concilier les points de vue. L’indexation ne s’appliquera pas sur les logements mal chauffés et mal isolés. En clair : présentant des performances énergétiques médiocres avec un certificat PEB F ou G.

  • Good Move

Tensions dans le quartier Cureghem à Anderlecht. Tensions dans le quartier Pavillon/Cage aux Ours à Schaerbeek. Tensions à Molenbeek. Prudence à Woluwe-Saint-Pierre, Forest, Saint-Gilles, Jette… Partout où le plan Good Move est mis en place, l’apaisement n’est pas au rendez-vous. Pourtant, c’est le sens de cette nouvelle philosophie régionale en matière de mobilité : apaiser les quartiers, réduire voire stopper le trafic de transit.

Good Move, imaginé sous la précédente législature, a été amplifié et implémenté dans plusieurs communes au cours de l’actuelle, avec le soutien de la ministre de la Mobilité Elke Van den Brandt (Groen).

Mais voilà, sur le terrain, rien ne se passe comme prévu. La colère gronde parmi la population qui dénonce les plans de mobilité locaux, la méthode, l’absence de concertation… Les riverains s’invitent dans les conseils communaux, les noms d’oiseaux volent, des pétitions circulent, des mandataires sont menacés…

A Anderlecht et Schaerbeek, les autorités locales sont obligées de retirer leur plan ou à tout le moins le postposer. Dans la presse, Rudi Vervoort, ministre-président bruxellois, s’exprime : "Là où ça crée de la tension, mieux vaut ne pas s’obstiner !"

D’autres socialistes réclament un statu-quo. Elke Van den Brandt, mal prise, dénonce "le manque de courage politique".

Good Move à Schaerbeek : les "pro" et les "anti" amorcent un début de dialogue

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

  • Le métro Nord

"Il n’y a pas eu de débat sur l’opportunité du métro." Ce n’est pas une représentante de l’opposition qui exprime, sur BX1, son refus du percement de l’extension du métro (sept stations, quatre kilomètres et demi) vers le Nord et Bordet (Evere).

C’est Isabelle Pauthier, députée régionale Ecolo, ancienne directrice de l’Arau (Atelier de recherche et d’actions urbaines). Elle fait partie de la majorité et cela fait plusieurs mois qu’elle émet publiquement des critiques envers l’un des plus importants projets de la législature et des suivantes : le métro Nord qui sera mis en service en 2030.

Un projet qui a encore connu des rebondissements cette semaine avec les problèmes liés au percement du tunnel de 120 mètres sous le Palais du Midi, dans le quartier Lemonnier-Stalingrad où la STIB a entamé la réalisation de la station Toots Thielemans.

Entre les premières estimations et aujourd’hui, la facture globale est passée de 1,6 à 2,25 puis 2,65 milliards. Les ministres bruxellois expriment désormais des voix dissonantes. PS et Ecolo, qui pose des conditions budgétaires et environnementales, ne voyagent plus sur la même rame. Mais tout le monde est bien obligé de se gratter la tête : où trouver les financements ? Endettement ? Le Fédéral via Beliris ?

S’il est compliqué de faire marche arrière au Midi et que la solution sera de réaliser la jonction à moindres frais – on parle de démonter le toit du Palais du Midi pour éviter un passage en sous-sol – , certains évoquent l’abandon du prolongement vers Bordet. Le permis, pour cette partie du chantier, n’a pas encore officiellement été délivré.

  • La nouvelle direction de Bruxelles Environnement

Marie-Pierre Fauconnier sera-t-elle un jour désignée par le gouvernement bruxellois au poste de directrice générale de Bruxelles Environnement ? Entre socialistes et écologistes, il n’y a toujours pas d’accord. Cela fait plusieurs conseils des ministres que le point est reporté. Il devait être abordé le 9 février, mais la réunion hebdomadaire a été annulée. Ce jeudi, il n’était carrément pas à l’ordre du jour.

Quels sont les points de friction dans ce dossier ? Tout débute par une lettre du conseil de direction de Bruxelles Environnement puis une pétition signée par 300 membres du personnel de cette administration en charge de l’environnement en Région bruxelloise. Ils ont appris que Marie-Pierre Fauconnier, candidate au poste de directrice générale, étiquetée PS, a réussi les épreuves de sélection et qu’elle s’apprête à débarquer. Ils lui reprochent son faux pas lorsqu’elle était à la tête de Sibelga. En 2021, elle avait été poussée à la démission. L’entreprise avait réglé ses notes d’avocats (130.000 euros) en vue d’un procès contre Google, honoraires qu’elle aurait dû payer elle-même.

Pour Rudi Vervoort, ministre-président PS, pas question de céder à la pression d’une partie du personnel : Marie-Pierre Fauconnier sera désignée, parce que choisie par un jury indépendant, a-t-il dit en janvier à nos confrères de BX1. Encore faut-il un accord en conseil des ministres.

Derrière les opposants, plusieurs socialistes voient une manœuvre des Verts. En gouvernement, ces derniers demandent de tenir compte de l’avis du personnel. Rappelons que le précèdent patron de Bruxelles Environnement était Frédéric Fontaine, Ecolo.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous