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Syrie, Yémen, Libye : que deviennent ces conflits oubliés à cause du Covid-19 ?

Des orphelins de diverses nationalités dans le camp kurde d’al-Hol, qui abrite des milliers de parents de combattants du groupe d’État islamique, dans le nord de la Syriele 25 janvier 2020.

© AFP

Syrie, Yémen, Libye… Que deviennent ces pays en guerre ? La pandémie du Covid-19 les a en grande partie effacés des actualités et des préoccupations quotidiennes. Et pourtant les populations affectées par ces conflits souffrent plus que jamais, en plus d’être menacées par le coronavirus et de subir pour beaucoup des pénuries et des hausses de prix des denrées alimentaires, notamment dues à la crise sanitaire.

Des garçons tirent une charrette dans la boue au camp de déplacés kurde d’al-Hol, dans le nord-est de la Syrie, le 14 janvier 2020, où sont détenues des familles de combattants étrangers de l’État islamique (IS).
Des garçons tirent une charrette dans la boue au camp de déplacés kurde d’al-Hol, dans le nord-est de la Syrie, le 14 janvier 2020, où sont détenues des familles de combattants étrangers de l’État islamique (IS). © AFP

En Syrie : le risque d’une catastrophe humanitaire

Le contexte. Déclenché par la répression de manifestations pro-démocratie en 2011, le conflit en Syrie s’est complexifié avec l’intervention de plusieurs acteurs étrangers. Il a fait plus de 380.000 morts. Des millions de Syriens sont déplacés dans les pays voisins et dans le monde.

Fin février, un cessez-le-feu a été négocié entre la Russie et la Turquie concernant la région d’Idlib. Mais sur le terrain, les tensions restent vives. Ainsi, plus de 40 personnes ont été tuées mardi 28 avril 2020 dans un attentat au camion-citerne piégé dans la ville d’Afrine, au nord de la Syrie. L’attaque, qui n’a pas été revendiquée, est la plus meurtrière depuis des mois dans les territoires du nord de la Syrie.

L’impact de la pandémie du Covid-19. Plusieurs ONG ont déjà mis en garde contre une catastrophe sanitaire dans le nord-est syrien en cas de propagation à grande échelle du virus. Des camps surpeuplés de déplacés, dont celui d’Al-Hol, où sont entassées des dizaines de milliers de personnes, se trouvent dans cette région.


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En outre, la population assiégée du nord-est de la Syrie est en proie à une pénurie de médicaments et d’équipements médicaux. Human Rights Watch (HRW) a plaidé cette semaine pour une aide médicale urgente. "Deux millions de personnes sont bloquées dans le nord-est de la Syrie sans les outils nécessaires à la lutte contre l’épidémie", a déclaré Gerry Simpson, directeur adjoint des crises et conflits de cette ONG.

Le nombre de cas de contamination augmente

La guerre a largement détruit les infrastructures médicales dans le pays. Le pouvoir syrien a officiellement recensé 43 cas de contamination, dont trois décès dans les zones sous son contrôle ainsi qu’un décès dans le Nord-Est. Aucun chiffre précis de cas de contamination n’a été donné par les ONG dans les zones qui échappent au contrôle du régime. Mais HRW a indiqué que "le nombre de cas de contamination augmente" dans le Nord-Est syrien.

Les dirigeants du monde et de la région doivent agir de toute urgence

"Les dirigeants du monde et de la région doivent agir de toute urgence pour permettre l’acheminement d’aides médicales et de soignants à ceux qui en ont désespérément besoin", selon M. Simpson.

Le 14 janvier 2020, les gens se rassemblent sur un marché à l’intérieur du camp de déplacés kurde d’al-Hol, dans le nord-est de la Syrie, dans la section réservée aux Irakiens et aux Syriens.
Le 14 janvier 2020, les gens se rassemblent sur un marché à l’intérieur du camp de déplacés kurde d’al-Hol, dans le nord-est de la Syrie, dans la section réservée aux Irakiens et aux Syriens. © AFP

Les principaux facteurs de l’augmentation des prix des produits alimentaires ces douze derniers mois sont la (pandémie de) Covid-19 et la crise financière au Liban.

Les prix des produits alimentaires ont doublé en un an en Syrie, atteignant désormais un record historique, équivalent à 14 fois la moyenne des prix avant le début de la guerre en 2011, a annoncé ce lundi le Programme alimentaire mondial (PAM). "Les principaux facteurs de l’augmentation des prix des produits alimentaires ces douze derniers mois sont la (pandémie de) Covid-19 et la crise financière au Liban" voisin, a affirmé Mme Lawson. Selon le pouvoir syrien, la hausse des prix est avant tout due aux sanctions économiques imposées au pays.

Un Yéménite reconstruit sa tente après qu’elle a été détruite par des pluies torrentielles dans un camp de fortune pour personnes déplacées dans la province de Hajjah, au nord du pays, le 19 avril 2020.
Un Yéménite reconstruit sa tente après qu’elle a été détruite par des pluies torrentielles dans un camp de fortune pour personnes déplacées dans la province de Hajjah, au nord du pays, le 19 avril 2020. © AFP

Le Yémen : ravagé par la guerre

Le contexte. Le Yémen est isolé en raison du conflit opposant depuis 2014 le pouvoir (appuyé par une coalition militaire dirigée par L’Arabie Saoudite) et les rebelles Houthis soutenus par l’Iran.

Depuis l’intervention de la coalition en 2015, le conflit a fait des dizaines de milliers de morts, essentiellement des civils, selon des ONG, et provoqué la pire crise humanitaire au monde avec 24 millions de Yéménites (plus de 80% de la population) dépendant des aides d’après l’ONU.

Plus de trois millions de personnes sont déplacées en raison du conflit, dont beaucoup dans des camps particulièrement exposés au risque de propagation de maladies comme le paludisme et le choléra.


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Samar Ali Jaidi, une fillette de sept ans souffrant de malnutrition, mange avec sa famille dans un camp de fortune pour les Yéménites déplacés qui ont fui les combats entre les rebelles huthi et le gouvernement soutenu par l’Arabie Saoudite, au nord-ouest
Samar Ali Jaidi, une fillette de sept ans souffrant de malnutrition, mange avec sa famille dans un camp de fortune pour les Yéménites déplacés qui ont fui les combats entre les rebelles huthi et le gouvernement soutenu par l’Arabie Saoudite, au nord-ouest © AFP

L’impact de la pandémie du Covid-19. Le pays semble être encore relativement épargné par la pandémie de Covid-19 : deux décès officiels et six contaminations. Mais ces chiffres sont à prendre avec prudence, étant donné les difficultés sanitaires du pays. En outre, les ONG craignent un grave impact de la pandémie sur la population de ce pays pauvre ravagé par la guerre. C’est le plus pauvre de la péninsule arabique. La guerre y a anéanti un système de santé déjà déliquescent.


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Un habitant se promène dans les décombres d’un bâtiment endommagé à cause d’un bombardement des forces de Khalifa Haftar dans un quartier résidentiel de Tripoli, détenu par le gouvernement d’accord national (GNA) reconnu par les Nations unies, le 1er mai
Un habitant se promène dans les décombres d’un bâtiment endommagé à cause d’un bombardement des forces de Khalifa Haftar dans un quartier résidentiel de Tripoli, détenu par le gouvernement d’accord national (GNA) reconnu par les Nations unies, le 1er mai © AFP

Libye : pas de cessez-le-feu

Le contexte. Le pays est en proie à une guerre entre d’une part, le gouvernement d’accord national (GNA) reconnu par l’ONU, dirigé par Fayez el-Sarraj et basé à Tripoli, et d’autre part, les forces du maréchal Haftar, qui tente depuis un an de s’emparer de la capitale libyenne et qui contrôle aussi une partie du Sud du pays. Le conflit a fait des centaines de morts et plus de 200.000 déplacés.

Au fil des mois, l’interférence d’armées étrangères a exacerbé le conflit, avec les Emirats arabes unis et la Russie dans le camp Haftar, et de l’autre la Turquie et son aide croissante au GNA.

Le 24 avril, l’ONU et l’Union européenne ont appelé les deux camps rivaux en Libye à une trêve pour le mois de jeûne musulman du ramadan. Mais les combats n’ont pas cessé au sud de Tripoli.


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L’impact de la pandémie du Covid-19. Il y aurait un mort et une vingtaine de contaminations en Libye, mais ces chiffres sont difficiles à vérifier, comme pour les autres pays en guerre.

Pour limiter la propagation du nouveau coronavirus, le Gouvernement d’union nationale avait annoncé mi-avril un couvre-feu pendant dix jours dans les régions sous son contrôle dans l’Ouest libyen. Ainsi à Tripoli, les habitants étaient seulement autorisés à sortir, à pied le matin, notamment pour pouvoir faire leurs courses.

Mais exaspérés par la guerre et les pénuries, de nombreux Tripolitains étaient peu enclins à respecter ces mesures du confinement. Des voitures continuaient de circuler, notamment dans les banlieues où les policiers sont peu nombreux, voire totalement absents, pour veiller à l’application du confinement.

En outre, ces mesures ont également provoqué des files d’attente devant les commerces, propices à la propagation du virus.

Des Libyens achètent des légumes frais sur un marché de la capitale Tripoli le 23 avril 2020 pendant la crise de la nouvelle pandémie de coronavirus.
Des Libyens achètent des légumes frais sur un marché de la capitale Tripoli le 23 avril 2020 pendant la crise de la nouvelle pandémie de coronavirus. © AFP

Une "pause humanitaire"?

Le Conseil de sécurité de l’ONU prévoit de réclamer aux belligérants dans des conflits dans le monde 90 jours de "pause humanitaire", dans un projet de résolution lié à la pandémie de Covid-19. L’objectif est de "permettre l’acheminement de l’aide humanitaire en toute sécurité, sans entrave et de façon durable, la fourniture de services connexes par des acteurs humanitaires impartiaux".

Aucune date n’a encore été avancée pour un vote, le problème le plus épineux du projet restant un paragraphe laissé en blanc sur le rôle de l’Organisation mondiale de la Santé critiquée par les Etats-Unis.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait déjà lancé un appel le 23 mars à un cessez-le-feu immédiat et mondial. Quelques arrêts de combat ont pu être observés après cet appel. Mais aujourd’hui plusieurs pays – Yémen, Libye ou Soudan du Sud - s’en éloignent ou reprennent les combats, comme en Colombie où l’Armée nationale de libération (ELN), dernière guérilla active, a annoncé lundi la reprise de ses opérations militaires à partir du 1er mai.

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