"Le paysage a changé. À l'époque, nous avions une immense forêt avec des éléphants et des singes", raconte Francis Nyale, un des chefs communautaires âgé de 68 ans, debout au milieu d'une clairière de souches de mangrove noueuses. Un peu plus loin en aval, là où les eaux brunes du Sabaki rencontrent les vagues bleues de l'océan, une équipe de bénévoles plante de jeunes arbres de mangrove le long de la rive.
Depuis plusieurs années, des habitants ont choisi de redonner vie, arbre par arbre, à l'estuaire meurtri. Ils en ont planté des dizaines de milliers, œuvrant à la renaissance de forêts, estime Francis Kagema, le coordinateur régional du groupe de protection de l'environnement Nature Kenya.
Et ces efforts portent leurs fruits. Accroupi au milieu d'un bosquet d'arbres, Francis Kagema montre des grappes de minuscules pousses vertes jaillissant du sol sombre, preuve d'une régénération naturelle, d'un écosystème en voie de guérison.
"S'agissant des mangroves, leur capacité à se relever (...) et à repeupler leurs zones d'autrefois est assez encourageante", souligne-t-il.
Les mangroves sont précieuses pour la planète : leurs arbres peuvent absorber cinq fois plus de carbone que les forêts terrestres et agissent comme une barrière contre les tempêtes et l'érosion.
Protéger les mangroves coûte 1.000 fois moins cher au kilomètre que de construire des digues, selon le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), qui parraine le projet de restauration du Sabaki.
"Des zones humides saines, cruciales pour atténuer le changement climatique, pour la biodiversité, la santé et la prospérité humaines, rapportent bien plus qu'elle ne coûtent", estime Leticia Carvalho, coordinatrice principale du PNUE pour les eaux marines et douces.