Dis-nous-en plus sur l’histoire de la naissance de " Chemin acide ". Quel était l’effet recherché en façonnant cet album ? Qu’avais-tu en tête et à cœur en le créant ?
Je voulais vraiment faire un témoignage de ma génération et de ce que moi je voyais. J’ai toujours voulu défendre une vision afro européenne. Et cette vision-là, que ce soit dans les sonorités, dans l’écriture et dans les thèmes abordés, je voulais vraiment que ça soit quelque chose de représentatif de cela, mais tout en gardant quand même une dimension hyper universelle. Par exemple, prenons un morceau comme "Tous les matins". C’est un morceau qui parle de foi et de la manière dont on peut parfois se retrouver dans une forme de syndrome de Stockholm dans la religion. Quand on est dans une culture ainsi qu’un espace européen et que l’on a une culture africaine, on peut parfois avoir de grosses dissonances qui nous empêchent d’évoluer personnellement.
Je voulais juste expliquer tout cela sans forcément donner de réponse. La réponse, c’est juste : tu fais ce que tu peux avec ce qu’on t’a donné et tu essaies de trouver ta voie avec tout ça. À travers chaque chanson, j’ai essayé de voler un peu tout ce que je ressentais chez mes amis, chez ma famille. Et j’ai évidemment essayé de l’exprimer à ma façon, en y mettant ma touche. On va dire que c’est du 50-50.
Cette vision afro européenne, elle est aussi visible notamment grâce à l’apparition du lingala sur certaines chansons ("Solitude" et "Tous les matins"). Peux-tu nous expliquer en quoi c’est important pour toi de t’exprimer dans cette langue ?
C’est important, mais c’est aussi quelque chose que je ne dirige pas. Il y a des choses qui doivent sortir en lingala et je dois les dire comme ça. Il y a d’ailleurs d’autres morceaux où il y avait beaucoup plus de lingala dans les refrains. Mais là sur l’album, il n’y a que deux morceaux et ce sont les ponts à chaque fois qui sont en lingala. J’ai grandi au Congo et parfois il m’arrive de réfléchir en lingala sur certains sujets. C’est une langue importante dans ma vie. C’est la langue avec laquelle je parle avec plusieurs de mes cousins. Encore une fois, dans cette identité afro européenne c’est important, à mon échelle en tout cas, de défendre ça. Surtout quand on vit en Belgique.
Lorsque les artistes africains font de l’art, on s’attend à ce qu’ils fassent de l’art engagé tout le temps et à ce qu’ils parlent de certains sujets. On ne nous attend pas parfois dans des sujets qui touchent à la nature humaine, qui touchent à des trucs un peu plus métaphysiques. Dans ce que j’ai envie de défendre – dans cette identité que l’on ne connaît pas encore bien aujourd’hui et qui n’arrive pas à se faire une place dans la société européenne – il y a cette idée que les Afro-Européens ne sont pas juste des Africains qui vivent en Europe. Nous sommes des Européens qui avons une culture. Et s’il n’y a pas des artistes qui mettent cette culture en avant et qui la revendiquent, on ne pourra pas se trouver une place. Mais je ne me dis pas que c’est une mission que j’ai. En tout cas, plus jeune, j’aurais aimé avoir des modèles artistiques qui parlent aussi de ces dimensions de notre identité.