Dans ce parcours, où la fable côtoie toujours la vérité, les sentiments s’appuient sur les mélodies pour faire vibrer la corde sensible. Entre posture mélancolique et imposture fantastique, l’artiste se profile comme l’un des musiciens – si pas " le " musicien – les plus intriguants du 21ème siècle. En passant quelques pages et en sautant des chapitres, le récit commence dans le Michigan. Dernier arrivé d’une fratrie de six enfants, fils d’un couple fraîchement divorcé, Sufjan Stevens passe l’essentiel de son temps aux côtés de son père dans un environnement médiatiquement aseptisé. Chez les Stevens, il n’y a ni radio ni télé. Pas d’info. Que du rêve et de l’imagination. Pendant les vacances, le petit Sufjan retrouve sa mère. Prénommée Carrie, celle-ci s’est remariée avec un certain Lowell Brams. Le beau-père aime la musique. À son contact, Sufjan Stevens découvre les Beatles, les Rolling Stones, Nick Drake ou Frank Zappa. Mais entre Carrie et Lowell, l’histoire tourne court. C’est que maman a un sérieux penchant pour l’alcool et les antidépresseurs. Ce cocktail explosif amplifie ses états paranoïaques et schizophrènes. Sufjan Stevens prend alors ses distances. Bien des années plus tard, au chevet de sa mère mourante, il reviendra sur ce gros raté émotionnel dans l’album Carrie & Lowell