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Stromae et sa complaisance de presse

Une médiatrice s’est retrouvée aux côtés de Stromae, face aux journalistes, et a posé les questions à l'artiste.

© Robin Joris Dullers

Par Guillaume Guilbert via

On a pu écouter "Multitude", l’album de Stromae, avant sa sortie ce vendredi. Si l’album nous a beaucoup plu, la communication hyper cadenassée du maestro, elle, nous a interpellés.

"Merci d’avoir joué le jeu", lance d’entrée Stromae aux journalistes invités à la conférence de presse. Il explique ne pas pouvoir accorder d’interview individuelle à chacun car "il doit se préserver" après les trois concerts qu’il a donnés à Bruxelles, Paris et Amsterdam. L’artiste a souffert d’une grosse dépression il y a quelques années, le poussant à s’éloigner de la vie publique et de l’ultra médiatisation qu’il a connue après la sortie de son album précédent "Racine carrée" en 2013. Il semble donc avoir retenu la leçon en limitant sa promo au maximum.

Des sujets interdits

Sa dépression, dont il parle dans "Multitude", faisait d’ailleurs partie des sujets "à ne pas aborder" lors de la conférence de presse. En effet, tous les journalistes invités ont reçu à l’avance une petite liste de conditions à respecter. Et notamment celle de ne pas poser de questions sur des sujets bien précis : sa vie privée, ses périodes de burnout/dépression et la maladie. Interrogé sur cette interdiction, Stromae a répondu vouloir faire gagner du temps à tout le monde : "Ce sont des sujets sur lesquels je n’ai pas envie parler publiquement, donc si vous me posez des questions là-dessus, je vais botter en touche".

Les questions des journalistes devaient être envoyées à la responsable presse de Stromae la veille de la conférence de presse. Alors que nous nous attendions à poser nous-même nos questions, c’est finalement une médiatrice qui s’est retrouvée aux côtés de Stromae, face aux journalistes. Nous voilà donc spectateurs de la discussion entre Stromae et cette jeune femme qui a posé les questions envoyées par les différents médias (en précisant quand même qui posait chaque question). Une technique qui permet de tranquillement sélectionner les questions (pour info, nous avions envoyé quatre questions et seules deux ont été posées).

En fin de conférence de presse, la médiatrice a tout de même permis aux journalistes de poser quelques questions à main levée, mais sans laisser l’opportunité à tout le monde. De plus, les médias présents ne pouvaient amener ni caméra, ni enregistreur audio. Le son de l’ensemble de la conférence de presse a été enregistré par l’équipe de Stromae et transmis après aux journalistes présents.

Un album très réussi

Toutes les conditions liées à cette campagne de communication autour de la sortie de l’album "Multitude" posent question. D’autant que quand on écoute l’album, on découvre un Stromae simple et sans filtre dans son écriture. Les tromperies dans "Mon amour", la lassitude de la vie de couple dans "Solassitude", les désillusions des jeunes parents dans "C’est que du bonheur"…

Même s’il a avoué ne pas trop aimer le fait d’écrire, c’est bien sa plume qui fait mouche en premier lieu. Stromae tape juste sur des thèmes universels qui parleront à l’ensemble de son large public. Mention spéciale pour "La Solassitude" qui retranscrit à merveille la spirale des relations amoureuses, entre les célibataires adeptes de Tinder et les vieux couples tombés dans la routine.

Côté composition musicale, on ressent clairement les influences world music de Stromae. L’aspect dance de sa musique est beaucoup moins présent que dans ses deux albums précédents, ce qui n’empêche pas "Multitude" d’être très dansant. Entre les rythmiques du charango bolivien (une petite guitare) et celles de l’erhu chinois (instrument traditionnel à deux cordes), il y a clairement de quoi chalouper.

Et c’est justement le fait que l’album soit une réussite totale qui nous fait nous poser des questions sur la communication qu’il y a autour. Stromae a toujours véhiculé une image de simplicité, que l’on a d’ailleurs toujours associée à sa belgitude, mais cette image semble s’être un peu effritée à l’instar de cette conférence de presse. Même si nous comprenons que Stromae souhaite se préserver afin de ne pas retomber dans l’ultra-médiatisation et la perte d’une partie de sa vie privée, la question se pose : les journalistes musicaux seraient-ils de simples communicants qui permettent aux artistes de "vendre" leurs œuvres, ou peuvent-ils encore développer un regard critique sur celles-ci ?

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