Les westerns se suivent et ne se ressemblent pas, même si, avec Stern comme avec Undertaker, le personnage central en est un croque-mort. Mais la ressemblance s’arrête là, et Stern, créé ici par les frères Maffre, ne ressemble en rien à un personnage convenu : il est chétif, il est intellectuel, il n’est pas armé. Et, finalement, c’est un peu par hasard qu’il devient héros.
La première remarque qu’on peut faire, en ouvrant les pages de ce livre, c’est la différence de graphisme dont fait preuve Julien Maffre, le dessinateur, par rapport à sa série " La Banque " par exemple. Bien sûr, le réalisme est toujours présent. Bien sûr, la couleur occupe une place essentielle dans la construction narrative des planches. Mais ici, il prend plaisir à choisir de temps en temps des angles de vue qui déforment ses personnages, qui en accentuent les caractéristiques physiques. Et si on ressent dans son dessin l’influence de quelques très grands du neuvième art, comme Hermann ou Rossi, il s’agit d’une influence totalement maîtrisée. Le classicisme que revêt l’ensemble de cet album se tempère, ainsi, de ci de là, par un vrai modernisme assumé par le dessinateur.
Et à ce titre déjà, cette nouvelle série est une parfaite réussite.
La deuxième remarque qu’on peut faire touche au scénario. Il y a incontestablement une superbe complicité entre les deux frères, Julien au dessin et Frédéric au scénario. Le scénariste subit, lui aussi, des influences, très certainement. Son découpage, par exemple, peut faire penser à certains livres de Hermann (encore lui, oui…). Mais, encore une fois, au-delà de la linéarité simple et évidente que semble avoir le scénario de ce "Stern", il y a toute une série de digressions, de références au passé qui rythment le récit.
Et, toujours au point de vue du scénario, ce qui me plaît également énormément, c’est le côté one-shot. Ce premier opus présente le personnage central, certes, mais il le fait sans perdre de temps, en racontant une histoire complète.
Enfin, même si on se retrouve ici dans un univers de western, avec ses codes précis, et respectés, les auteurs ne se contentent pas, justement, d’appliquer ces codes. On s’aventure, avec cette aventure, dans des éléments littéraires variés : croque-mort ancré dans la réalité de l’Ouest américain, Stern se lance aussi et surtout dans ce qui ressemble fort à une enquête policière que n’aurait pas désavouée un certain Sherlock Holmes !
Des personnages entiers, différents de l’iconographie habituelle au monde du western, une enquête policière, un dessin réaliste qui réussit à innover, un scénario qui parvient à étonner, un dessin capable ici de privilégier une scène de groupe, là une physionomie d’ivrogne : tout est rassemblé dans ce premier tome pour que Stern devienne une de ces séries dont on attend le nouvel opus avec impatience !
Jacques Schraûwen
Stern : 1. Le Croque-mort, le Clochard et l’Assassin (scénario : Frédéric Maffre – dessin : Julien Maffre – éditeur : Dargaud)