Depuis plus de 500 jours, la Belgique se cherche un gouvernement fédéral. Les citoyens, loin d’être indifférents, ne semblent pourtant pas s’en indigner. "Vous donnez une preuve merveilleuse qu’on peut vivre sans gouvernement et continuer à être économiquement viable", glisse l’auteur du livre le mieux vendu de ces dernières années.
"C’est une grande leçon pour nous tous. Mais c’est une leçon aussi pour les gouvernements. Il faut que les gouvernements sachent que ce que l’on attend d’eux, c’est ce que quelques fois, ils ne nous apportent pas. On leur demande de faire attention aux besoins du peuple, c’est ce que représente le mot 'démocratie', le 'démos'. Eh bien, en Belgique, le 'démos' a l’air de ne pas se porter trop mal. Au point qu’au lieu de s’indigner comme tous les autres pays européens à la suite de ma petite brochure, les Belges restent, semble-t-il, assez calmes. Est-ce parce qu’ils sont indifférents ? Je ne crois pas. Parce qu’ils sont découragés ? Peut-être.'
L’ouvrage "Indignez-vous" est à l’origine du mouvement mondial des Indignés. L’auteur, âgé de 94 ans, ne se retrouve pourtant pas totalement dans cette vague contestataire. "Je me retrouve en fait dans ce que ce mouvement a d’international", précise l’écrivain. "Je suis moi-même un internationaliste. (…) Je pense que notre société est devenue de plus en plus une société globale, interdépendante, solidaire. Le succès de ce petit livre, cela signifie quelque chose qui m’est très cher : nous vivons ensemble. Ce qui indigne l’un de nous doit nous indigner tous. Car c’est le monde dans son ensemble qui est mal dirigé à l’heure actuelle", souffle le Français, qui dit souhaiter que le mouvement d’indignation s’accompagne d’engagements concrets.
L'ancien résistant dénonce ce qui se passe dans les hautes sphères de la finance et salue le mouvement Occupy Wall Street : "Cette indignation face aux forces de l'argent montre que nous vivons dans un monde où il y a une oligarchie. Il y a 1% de ce monde qui détient le pouvoir un peu partout. Il faut protester".
Témoin privilégié de la construction européenne, Stéphane Hessel constate qu’elle n’est pas encore une réussite politique. Et il regrette la faiblesse des leaders du Vieux-Continent. "Il me semble que cette crise les a pris par surprise alors qu’ils auraient dû s’y attendre. (…)". Et d'estimer qu'Herman Van Rompuy n'a rien à dire, que l'Europe est dirigée par la Commission, pénétrée par le monde de la finance.
Concernant les gouvernements qui ont été mis en place en Grèce et en Italie, Stéphane Hessel est choqué. "Ils n'ont pas de légitimité démocratique. Mais s'ils peuvent apporter un peu de soulagement aux économies de leur Etats, ils ne doivent pas rester au pouvoir plus que nécessaire".
Particulièrement révolté aujourd’hui par les injustices économiques et sociales et les dégâts infligés à la planète, Stéphane Hessel rappelle que "l’indignation court le risque de devenir violente. Lorsqu’elle n’obtient pas de résultat, ça l’énerve et elle finit par taper. Alors que taper ne sert à rien, ne fait que susciter de la contre-violence et on n’avance pas. Il est souhaitable que ces indignations restent non-violentes". Il donne en exemple les Palestiniens qui, pour quelques roquettes tirées lancées sur Israël, déclenchent la colère des chars.
Après avoir invité les jeunes (et les autres) à s’indigner et à s’engager, Stéphane Hessel, comme il l'a confié à la RTBF hors micro, les encouragera dans un troisième opus, à espérer. "Je veux qu’ils ne se laissent pas décourager par la difficulté réelle à affronter les défis d’aujourd’hui, qui sont moins faciles à analyser que les défis que nous avons connus quand on a un Adolf Hitler, c’est facile de dire qu’on est contre. Mais aujourd’hui, comment savoir contre qui on est ? Les grands banquiers ? Mais ce n’est peut-être pas uniquement la faute des banquiers. C’est peut-être aussi la faute des grands commerçants (…), des gouvernements. Il faut repérer quelles sont les forces contre lesquelles il s’agit d’être dynamique".
PIAB et J.C.