L'auditorat a l'obligation de dresser un constat d'infractions
Les conseils de Deliveroo ont insisté sur la nature de l'enquête qui a été menée et sur les principes qui en découlent. "L'auditorat a choisi l'enquête pénale sociale. Il doit l'assumer. C'est lui qui a la charge de la preuve et il ne l'apporte pas. Ce type d'enquête veut dire aussi présomption d'innocence. Le doute doit profiter à Deliveroo. Et l'auditorat a l'obligation de dresser un constat d'infractions", ont-ils avancé.
Sur le fond, les avocats ont demandé au tribunal de déclarer les demandes de l'auditorat, de l'État belge et des anciens coursiers non fondées. Ils sont notamment revenus sur l'arrêté royal de 2013, relatif à la nature des relations de travail dans le cadre des entreprises de transport et de logistique, cité par l'auditrice du travail. "Cet arrêté ne peut s'appliquer à la société Deliveroo, car il ressort d'une décision judiciaire qu'elle est liée à une activité de transport mais n'a pas à proprement parlé d'activité de transport", ont-ils fait savoir.
Les avocats ont ensuite abordé le fonctionnement même de la plateforme Deliveroo, via l'application du même nom. "Nos adversaires se trompent lorsqu'ils avancent l'argument selon lequel l'application, l'algorithme, serait une forme d'autorité patronale. Il y a des contraintes à l'activité, notamment celle de livrer rapidement des plats chauds, mais il ne s'agit en aucun cas d'instructions de travail", ont-ils pointé. "La géolocalisation des coursiers ne peut s'assimiler à un contrôle hiérarchique. C'est inhérent au fonctionnement du service et de l'application".
Chaque coursier "libre" de travailler ou non, plaide Deliveroo
Les conseils de Deliveroo ont encore rappelé que chaque coursier est libre de travailler ou pas. "Il est libre de choisir un créneau horaire et libre de l'annuler. Il est libre de prester pour une plateforme concurrente, libre de se connecter à l'application quand il veut, d'où il veut et le temps qu'il veut. Il peut aussi se faire remplacer", ont-ils expliqué.
En 2018, l'auditorat du travail de Bruxelles avait ordonné une enquête sociale au sujet du statut réel des coursiers de la plateforme Deliveroo. Au bout de deux ans, après avoir auditionné 115 coursiers, il avait estimé que la relation de travail devait être requalifiée et considérée comme une relation d'employeur à employés. L'État belge a fait intervention volontaire dans ce dossier, pour réclamer les cotisations sociales impayées. Vingt-sept coursiers sont également parties au litige et réclament la reconnaissance du statut de salarié ainsi que la déclaration à l'ONSS de leurs prestations et des arriérés de salaire depuis 2018.
En 2017, la société Deliveroo, installée en Belgique depuis deux ans, avait proposé à ses quelque 2.000 coursiers de devenir soit des "prestataires de service dans le cadre de l'économie collaborative", un statut particulier avec un régime fiscal avantageux en dessous d'un certain plafond de revenus, soit des indépendants. Elle avait ainsi décidé de ne plus permettre aux coursiers de conclure avec elle des contrats via la Smart, une entreprise sociale qui permet d'acquérir un statut de salarié durant des périodes de travail définies.
Le tribunal a pris l'affaire en délibéré et a annoncé un jugement pour le 8 décembre. Celui-ci sera directement communiqué aux parties et ne sera pas prononcé en audience publique.