Belgique

Souriez, vous êtes filmés… par la Chine ?

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Par Lucie Dendooven et Isabelle Palmitessa

Elles sont partout, dans nos rues, à l’entrée de nos bâtiments publics, dans nos aéroports. La Belgique compte aujourd’hui 400.000 caméras de surveillance.

Une partie d’entre elles (20.000 caméras) proviennent de deux leaders chinois mondiaux du secteur : Hikvision et Dahua.

Aucune règle n’interdit l’utilisation de ces marques en Belgique mais devons-nous nous en méfier ?

Quand on se souvient du scandale Huawei, on peut se demander pourquoi les Européens confient des missions de télésurveillance à des sociétés chinoises. Nicolas Tesquet, journaliste de Télérama spécialiste du numérique n’en est pas surpris : "La Chine est un leader mondial en matière de vidéosurveillance, en matière d’intelligence artificielle et donc, dans ces conditions-là, les pays européens se tournent assez spontanément vers des entreprises qui ont ce type de produit sur leurs étagères."

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Espionnés comme les Ouïghours ?

Existe-t-il un risque d’être espionné par ces caméras installées un peu partout en Belgique ? Ce n’est pas encore prouvé cependant Nicolas Tesquet estime que "nos visages peuvent, pourraient, servir demain à abonder, à nourrir de données des entreprises chinoises qui développent ensuite des logiciels de reconnaissance faciale, logiciels […] qui peuvent évidemment être utilisés ou vendus, peut-être, demain à des sociétés, à des pays occidentaux, mais qui aujourd’hui sont d’abord expérimentés en Chine, et particulièrement sur certains types de populations et ici évidemment je pense à la minorité Ouïghour au Xinjan".

Samuel Cogolati, député fédéral Ecolo, a exprimé son inquiétude face à la présence de ces caméras de surveillance chinoises. Il souligne lui aussi l’implication de ces sociétés dans la répression de la minorité Ouïghour en Chine : Vous ne pouvez pas, d’un côté, en Belgique, condamner le génocide contre les Ouïghours, et de l’autre faire comme si de rien n’était et continuer à acheter, chez nous, en Belgique, des caméras de surveillance à ces sociétés qui sont impliquées dans ces crimes."

30% du chiffre affaire de ces sociétés provient actuellement de leur business avec l’Europe. La multiplication de ces caméras sur des lieux sensibles de notre territoire fait craindre à ce député fédéral un risque d’espionnage : "Il faut savoir que, comme pour toute société privée chinoise, la loi sur la sécurité nationale en Chine oblige ces sociétés à partager leurs données à la demande du régime communiste central de Pékin. Et donc, clairement, il y a un risque que ces données soient partagées avec le régime communiste chinois. Et c’est la raison pour laquelle un pays comme les Etats-Unis, mais aussi le Parlement européen ont carrément banni de leurs espaces publics, de leurs bâtiments, toutes ces caméras de marque chinoise, Dahua et Hickvision."

 

Sécuriser la télésurveillance

Pour ceux qui ont acheté ces caméras, comment savoir si elles renvoient des données à leurs fabricants ? Pour Olivier Bogaert, commissaire à la Computer Crime Unit de la Police fédérale, c’est impossible à affirmer. Cependant, une chose est sûre, il ne faut pas les utiliser sans un minimum de précaution : "Le problème c’est que lorsqu’on va installer la caméra, généralement une caméra sans fil, on va la connecter au point Wi-Fi de la maison et on va prendre les identifiants et mots de passe qui sont fournis, à l’origine par le fabricant. Le conseil à donner, c’est de modifier cet identifiant et ce mot de passe et peut-être, d’utiliser un point Wi-Fi dédié à la caméra, de manière que les données ne soient pas, du coup, partagées."

Le risque serait plus grand quand on consulte les images à distance : "Si on veut pouvoir consulter les images à distance, on va devoir éventuellement se connecter à une plateforme qui est proposée par le fabricant. Donc on se crée un compte, à ce moment-là, et donc on associe les informations de la caméra" à ses données personnelles.

Sur internet, certains sites diffusent des images de télésurveillance enregistrées par des caméras mal protégées.

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