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"Souligner les petits efforts du Qatar n’est pas une position pro qatarie" estime l'avocat de Marc Tarabella

L'invité de Matin Première : Maxime Toller

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Par Anthony Roberfroid, d'après l'invité de Thomas Gadisseux sur Matin Première

Marc Tarabella (PS) est-il coupable de faits de corruption ? Tous les regards se tournent vers l’eurodéputé après que son collègue, l’ex-eurodéputé italien Pier Antonio Panzeri, a signé un accord de repenti et a reconnu avoir participé au scandale du Qatargate.

Ce dernier affirme avoir donné entre 120.000 et 140.000 euros en liquide à Marc Tarabella pour service rendu. C’est cet élément qui a justifié une perquisition chez le bourgmestre d’Anthisne.

Le belge a été suspendu hier du groupe des Socialistes et Démocrates (S&D) du Parlement européen le temps de l’enquête judiciaire dans laquelle son nom est cité.

Maxime Toller, l’avocat du député européen, était au micro de Thomas Gadisseux sur le plateau de Matin Première. Pour lui, cette décision est "assez incroyable". Selon lui, son client est sanctionné d’une peine politique alors qu’il "n’a même pas été inculpé ou condamné."

Marc Tarabella "n’a même pas été entendu" indique-t-il. "Ce qui est choquant, c’est que le PS prenne cette décision-là dans son dos. Il a été entendu dans un premier temps par la commission de vigilance du parti pour savoir s’il doit être suspendu ou non. La commission, après l’avoir entendu, avait décidé dans un premier temps de ne pas le suspendre car il n’y avait pas assez d’éléments dans le dossier. Le président et les vice-présidents du parti ont ensuite décidé, sans même avoir la décence de l’appeler, de le suspendre dans son dos. Cette fois-ci, ils ont décidé de l’exclure. Marc Tarabella est déçu de la manière dont on le traite et cela pose question.

L’eurodéputé PS se dit donc désabusé de la manière dont son parti a géré cette affaire alors qu’il n’a, pour l’heure, pas encore été inculpé.

Reste que les soupçons de corruption sont toujours bien présents. Marc Tarabella a-t-il reçu de l’argent de la part de Pier Antonio Panzeri, en échange de son influence au Parlement européen ? "Marc Tarabella est très clair : il n’a jamais reçu ni argent, ni promesse, ni cadeau de quelque nature que ce soit, contre quelque position que ce soit", précise son avocat.

Comment se fait-il alors que l’eurodéputé belge ait autant de relations avec Pier Antonio Panzeri ? Son avocat confirme que Marc Tarabella avait énormément de contact avec ce dernier : "Monsieur Panzeri est quelqu’un qui était extrêmement respecté et respectable jusqu’à il y a peu. Il a été trois fois élu, il fait partie du groupe S&D comme Marc Tarabella, il parle italien comme Monsieur Tarabella, … il y a donc une amitié professionnelle qui va se créer."

Il est vrai que les liens entre Pier Antonio Panzeri et Marc Tarabella n’étaient pas un secret de polichinelle. Le Belge, supporter de l’Inter Milan, participait également à l’ASBL de l’Italien "Fight Impunity", mise en cause dans ce dossier. "Fight Impunity est une ONG qui, en son board, avait un prix Nobel. Monsieur Panzeri était également président de la commission 'droit' et le président des présidents de commissions. C’est quelqu’un qui avait une aura extrêmement importante, et jamais Monsieur Tarabella n’aurait pu imaginer une seconde que Monsieur Panzeri se vendait à différents pays."

Souligner les petits efforts du Qatar n’est pas une position pro qatarie

Pier Antonio Panzeri a reconnu être le chef d’une organisation ayant corrompu certains élus. Une annonce qui a extrêmement choqué Marc Tarabella selon Maxime Toller : "Il est choqué et se sent profondément trahi. Sur ce point-là, Marc Tarabella n’a pas de différence avec Maria Arena. Ils avaient la même position concernant le Qatar, concernant le fait qu’il fallait à tout le moins souligner quand de petits efforts étaient faits et pousser plus loin. Ce n’est pas une position 'pro qatarie'."

"Si on ne pointe pas Maria Arena, pourquoi pointerait-on Marc Tarabella ?", se questionne l’avocat de ce dernier. "Ils ont la même position, les mêmes fréquentations. Tout le monde se convainc pour Maria Arena qu’il s’agissait d’une capacité de persuasion de la part de Pier Antonio Panzeri et d’une trahison. Dans le cas de Marc Tarabella, étonnamment, ce n’est pas le cas".

"Pier Antonio Panzeri explique, par l’intermédiaire de son avocat, qu’il estime avoir trahi Maria Arena et qu’il en souffrait grandement. Ici, Marc Tarabella est dans la même position. Je ne vois pas pourquoi on fait la différence de traitement entre Maria Arena et Marc Tarabella".

Une évolution du discours de Marc Tarabella

Les contacts entre Pier Antonio Panzeri et Marc Tarabella sont donc bien connus, et ces derniers assument ouvertement leur relation amicale et professionnelle.

Néanmoins, le discours de Marc Tarabella a évolué ces dernières années, notamment sur le dossier du Qatar. Celui qui, il y a dix ans, dénonçait l’attribution de la Coupe du Monde au pays du Moyen-Orient par la FIFA n’a eu de cesse de défendre ces derniers mois les avancées du pays, notamment en matière de droits des travailleurs.

La question se pose donc : ce changement de discours est-il dû à de la corruption, ou une volonté de "souligner quand de petits efforts étaient faits et pousser plus loin", comme le clame l’avocat du Belge ? C’est à la justice de le déterminer mais pour le moment, personne ne sait ce que Pier Antonio Panzeri avouera lors de ses auditions.

Pour le moment, Marc Tarabella et son avocat n’ont pas encore eu accès au dossier, l’eurodéputé n’a pas été entendu et ils n’ont pu opposer aucun élément.

Pour Me Toller, "Les choses sont relativement simples pour expliquer le changement supposé de position de Marc Tarabella concernant le Qatar. En 2016, il a une position relativement dure vis-à-vis de la FIFA. Il demande à réattribuer la Coupe du Monde mais n’y arrive pas. Pendant six années, il va travailler avec l’Organisation Internationale du Travail, Human Rights Watch qui est une ONG reconnue pour son travail. Il ne change pas d’avis en deux jours. Il y a eu six années d’évolution."

"Maria Arena et la commissaire européenne en charge de cette matière-là ont strictement la même position que Marc Tarabella sur le dossier. C’est une position qui n’est pas 'pro-qatarie', mais une manière de dire que quelque chose a changé. Ce n’est pas rien de laisser tomber l’esclavage moderne dans un pays où il y a deux millions de travailleurs immigrés. Ça peut ne pas représenter grand-chose pour nous en Europe mais pour eux, c’est phénoménal. C’est ce que Marc Tarabella dit : 'Il y a ça qui a changé, soulignons-le. Il y a beaucoup de travail à faire, continuons le travail.'", détaille l’avocat du Belge.

Le repenti Panzeri

Le désormais ex-eurodéputé Pier Antonio Panzeri a passé un accord avec la justice belge et devient le second repenti de l’histoire de notre pays depuis l’ouverture de cette possibilité en 2018.

Concrètement : "Il s’engage à faire des déclarations substantielles, révélatrices, sincères et complètes concernant la participation de tiers et, le cas échéant, de sa propre participation", précise le parquet. Des révélations, en échange d’une peine moins lourde, qui pourraient éclaircir l’ensemble des faits de corruptions dont il a connaissance au sein du Parlement européen.

"Il va négocier, échanger des informations contre un avantage qui est phénoménal : avoir une peine de prison de quatre mois, sous bracelet électronique à son domicile à Bruxelles. On parle d’un an de prison mais en Belgique, on ne les fait pas réellement. Cela devient une peine de quatre mois sous bracelet", indique Me Toller. "C’est vraiment la peine la plus faible possible. Pour négocier une peine aussi minime avec le parquet fédéral, il faut donner quelque chose. C’est une prime à la forte délation et donc, une motivation réelle de mentir, de donner le plus possible pour avoir la plus petite peine possible."

Malgré les dispositions prises par la justice pour obtenir les preuves des renseignements fournis par Pier Antonio Panzeri, certains éléments seront difficilement justifiables. "Monsieur Panzeri pourrait faire des accusations très légères de façon à ce qu’on ne puisse jamais démontrer qu’il a menti", craint l’avocat de Marc Tarabella.

Pour Maxime Toller, le statut de repenti pourrait être la porte de sortie de secours rêvée par Pier Antonio Panzeri : "S’il voulait prouver le versement de 120.000 euros fait sur un compte en banque, cela serait facilement vérifiable. Ici, il parle d’argent liquide. Comment mon client peut-il prouver qu’il ne les a pas touchés ? C’est infamant. Comment monsieur Panzeri pourrait ne pas être reconnu comme un menteur ? Il ne risque rien avec ce genre d’accusation. La seule chose qu’il a, c’est une prime. On a donné un cadeau à un dirigeant d’une organisation criminelle alors même que Marc Tarabella n’a pas été entendu."

L’avocat de Marc Tarabella fustige : "La justice belge n’aurait-elle pas pu prendre le temps, avant de faire un tel cadeau à quelqu’un qui reconnaît être le dirigeant d’une organisation criminelle, d’entendre Marc Tarabella ? Cela aurait pu permettre d’au moins opposer certains éléments à Pier Antonio Panzeri".

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