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Sommet de l'Otan : la guerre en Ukraine marque un tournant pour l'organisation, qui se muscle davantage

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"Un tournant" dans l'histoire de l'Otan et un "choc" pour une génération qui n'a pas connu la menace de guerre : les expressions utilisées jeudi par le Premier ministre belge Alexander De Croo illustre parfaitement l'état d'esprit des dirigeants des trente pays de l'Otan - et de l'Occident en général - face à l'offensive lancée voici un mois par la Russie pour conquérir l'Ukraine.

Le chef du gouvernement fédéral s'exprimait à l'issue d'un sommet extraordinaire des chefs d'État et de gouvernement alliés tenu à Bruxelles et consacré exclusivement à l'invasion de l'Ukraine par les forces russes, avant un sommet du G7 et une participation du président américain Joe Biden au sommet de printemps de l'Union européenne.

L'OTAN s'est renforcé

Le premier résultat obtenu par le président russe Vladimir Poutine, qui espérait une victoire rapide mais qui doit bien constater les lenteurs de l'offensive menée par son armée face à une résistance farouche de l'armée et du peuple ukrainiens, est toutefois à l'opposé de ses objectifs géostratégiques: l'Otan, dont il dénonce l'expansion depuis la fin de la Guerre froide, s'est renforcée en Europe de l'Est, tout en fermant toutefois de facto la porte à Kiev.

Les conditions de sécurité en Europe ont radicalement changé, ce qui nécessite une "réinitialisation" de la stratégie de défense et de dissuasion de l'Alliance transatlantique, a résumé son secrétaire général, Jens Stoltenberg, devant la presse.

Les dirigeants alliés ont, lors du sommet, entériné la mise sur pied de quatre nouveaux groupements tactiques - des formations d'au moins un millier de militaires - en Roumanie, en Hongrie, en Bulgarie et en Slovaquie, et le renforcement des quatre "Battle Groups" déjà déployés dans les pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie) et en Pologne.

Depuis l'annexion de la péninsule ukrainienne de la Crimée, au printemps 2014, par Moscou puis après le déclenchement, le 24 février, de l'"opération militaire spédiale", l'Otan a pris de nombreuses mesures pour assurer la défense du territoire de ses membres, avec un renforcement des moyens militaires en Europe de l'Est et l'activation, pour la première fois depuis sa création, de sa force de réaction rapide, avec des éléments belges.

140.000 hommes mobilisés

Plus de 100.000 militaires américains sont actuellement présents en Europe et plus de 40.000 hommes et femmes sont placés sous commandement direct de l'Otan en Europe orientale, a expliqué M. Stoltenberg, devant la presse. "C'est du jamais vu", a-t-il souligné.   

Le secrétaire général, dont le mandat a été prolongé d'un an, jusqu'en septembre 2023, a aussi annoncé que le prochain sommet, fin juin à Madrid, devra décider de nouvelles mesures de renforcement du dispositif militaire allié à plus long terme, avec davantage de forces terrestres, d'avions de combat, de défenses antiaériennes, de navires et de sous-marins affectés à la défense du flanc oriental de l'Alliance et un degré de réactivité plus élevé.  

Il a indiqué que l'Otan allait fournir à l'Ukraine des équipements de protection contre les menaces chimiques, biologiques et nucléaires et protéger ses forces déployées à l'Est contre ces menaces.

Tout usage d'armes chimiques par la Russie en Ukraine serait inacceptable et aurait de profondes conséquences, avait prévenu dès mercredi M. Stoltenberg, alors que le président américain Joe Biden affirmait, en quittant Washington pour Bruxelles, qu'une attaque russe de ce type était "une menace crédible".

Pas d'intervention en Ukraine

L'Otan a toutefois exclu sur tous les tons l'envoi de troupes en Ukraine, qui n'est pas membre de l'Alliance - mais un "partenaire" proche -, d'avions dans le ciel et l'imposition d'une zone d'exclusion aérienne, qui impliquerait une confrontation directe avec la Russie. 

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a réclamé à plusieurs reprises la mise en place d'une telle zone qui viserait à interdire les vols d'appareils militaires russes au-dessus de l'Ukraine. Il a encore exhorté jeudi les pays de l'Otan à fournir "une aide militaire sans restriction" à son pays, lors d'une intervention par vidéoconférence devant les dirigeants alliés.

"L'Otan n'est pas partie prenante à ce conflit et il nous appartient de veiller à ce qu'elle ne le devienne pas", lui a rétorqué M. De Croo, relayant une préoccupation de la Maison Blanche. 

Le Premier ministre belge a également appelé, à l'unisson avec ses homologues des 29 autres pays de l'Otan, la Chine, un allié de Moscou, à se tenir à l'écart du conflit ukrainien.

"Nous exhortons tous les États, et notamment la République populaire de Chine (RPC), à respecter l'ordre international, y compris les principes de souveraineté et d'intégrité territoriale consacrés par la charte des Nations Unies, à s'abstenir de soutenir d'une quelconque manière l'effort de guerre russe et à éviter toute action qui aiderait la Russie à contourner les sanctions", indique la déclaration finale du sommet.

"Nous jugeons préoccupantes les récentes déclarations faites par des représentants de la RPC, et appelons la Chine à cesser de se faire l'écho des discours mensongers du Kremlin, en particulier concernant la guerre et l'Otan, et à favoriser une résolution pacifique du conflit", ajoute le texte.

 

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