Depuis 2006, la Belgique compte 150 000 travailleurs de plus en incapacité de travail, ce qui fait monter à environ 360 000 le nombre total de travailleurs inactifs. Cela représente une hausse de 70% en 10 ans, selon les chiffres de l’Inami. Comment expliquer cette recrudescence ? Comment y réagir ? Bertrand Henne y répond avec ses débatteurs dans Débats Première.
Comment en est-on arrivé là ? " Cela fait 15 ans que l’on constate une augmentation annuelle d’environ 15 000 cas d’incapacité de travail, c’est-à-dire des personnes en congé maladie pour une durée supérieure à un an " explique François Perl, directeur général du service Indemnités de l’Inami. "C’est essentiellement dû au facteur épidémiologique, dans lequel on inscrit les maladies mentales - y compris le burnout – et les maladies musculo-squelettiques (problème de dos, …). A eux deux, ces deux groupes de maladies représentent 70% des indemnisations, contre 20 à 30% il y a 30 ans."
Pour François Perl, ces maladies ne sont pas forcément dues au travail : " Il faut arrêter de penser que certaines maladies sont uniquement liées au travail, et d’autres qui ne le sont pas, car nous sommes la même personne que l’on soit au travail ou pas. Par ailleurs, les conditions de vie au travail se sont sensiblement améliorées en 40 ans sur le plan de la sécurité du travail. "
Alain Piette, ergonome européen au SPF, n’est pas surpris de voir une si nette augmentation des cas d’incapacités de travail. " Ça fait plus de 20 ans que l’agence européenne des conditions de travail tire la sonnette d’alarme et demande d’investir dans la prévention des conditions de travail en réduisant les contraintes psychosociales et physiques ", note-t-il. " Des enquêtes montrent que ces conditions de travail se sont intensifiées malgré une amélioration des risques physiques et de sécurité et une diminution des accidents de travail. Les risques liés à des contraintes physiques qui aboutissent à des maux de dos ont eux augmenté, de même que les risques psychosociaux ".
Philippe Mairiaux, professeur à l’ULg, tempère quelque peu : " Je pense qu’il ne faut pas tant souligner l’augmentation en valeur absolue qui est en partie liée au vieillissement de la population belge, mais plutôt l’évolution des typologies des affections concernées. Ce sont le musculo-squelettique et le psychique qui composent ces 70%, d’autant que l’on sait qu’il y a beaucoup d’interactions entre ces deux types de maladies. Il y a beaucoup de cas de malades qui arrivent pour des problèmes psychiques qui présentent in fine également des problèmes musculo-squelettiques, et inversement."