Le couple ne peut pas voyager en ce moment. Sina Kienou, qui est burkinabé, peut rester en Belgique mais il ne peut pas quitter le pays. "Parce que nous sommes dans une procédure de mariage, nous nous marions en juillet ! Une fois marié, il n’aura toujours pas le droit de voyager. Nous devrons opérer un regroupement familial et je vais devoir prouver que je gagne plus de 1770 euros par mois (un quotidien décrit dans cet article également, ndlr)… C’est un montant absolument énorme pour une artiste en Belgique aujourd’hui. C’est injuste. On lui propose des tournées à l’étranger, mais nous sommes bloqués. Je pense aussi que c’est raciste parce que moi je peux aller et venir au Burkina Faso. Je serai burkinabée le lendemain de notre mariage. Je peux déposer ma demande de nationalité et je vais l’avoir sans problème. Ce que je vais faire car c’est un grand honneur. Quelle différence de traitement ! Avec le montant de salaire qui m’est demandé, il y a aussi une composante de classe sociale qui me semble obscène : les riches ont le droit de se marier à des étrangers, pas les pauvres ? Cela repose sur quoi ?", questionne Soledad Kalza.
"Nous sommes prêts à nous battre, encore, après nous être battus depuis des mois déjà, avoir dû répondre à des enquêtes, des interrogatoires séparés et accueillir la police chez nous avec tout le stress que cela suppose. Nous sommes soumis à des intrusions dans notre vie privée. Quel autre couple doit répondre à la question de la vérité de leurs sentiments ? Même sur le plan philosophique, c’est hallucinant", s'insurge-t-elle.
Le duo de musicien·nes a reçu le soutien du collectif "Amoureux, vos papiers !", né en 2015 du constat que les couples dans lesquels l’un·e des conjoint·e n’a pas de papiers sont "presque toujours soupçonnés de fraude dès qu’ils décident d’officialiser leur relation".
"L’État multiplie les ressources au service de la chasse aux 'mariages blancs', aux 'mariages gris', et désormais aussi aux 'bébés-papiers'. Un arsenal répressif qui rend la vie de centaines de couples un enfer : ils font face à un véritable parcours du combattant pour faire reconnaître leur droit à s’aimer et vivre ensemble", explique le collectif qui continue : "Les couples se voient soumis à différentes enquêtes visant à tester l’'authenticité' de leur amour. En pratique, ces enquêtes sont effectuées à la commune et par la police. Certaines peuvent représenter une intrusion traumatisante dans la vie de couple des personnes. À ces contrôles s’ajoutent des échanges d’informations entre le Parquet, les officiers d’état civil et la police, qui réduisent à néant la notion de vie privée et de confidentialité des données."
Dans les yeux de Sina Kienou, c’est l’étonnement qui prime. "Dans mon pays, on ne connaît pas ça. J’ai vu la manière dont l’enquête a eu lieu et le temps que nous avons dû attendre… quand deux êtres décident de s’unir, ils ne devraient pas avoir à se justifier. Même si l’un vient d’Afrique et l’autre d’Europe", détaille-t-il.
Soledad Kalza lance : "Je me souviens aussi qu’à un moment Sina a commencé à me demander qui était Mawda, qui était Semira. Il a découvert la violence qui existait ici. Je pense que ça a été un choc pour lui, il s’est senti pris au piège." Sina Kienou reprend en effet : "Que va-t-il se passer ? Pour moi, c’est un droit normal de décider de suivre quelqu’un quand on l’aime. Ce n’est pas ma couleur de peau qui est importante, c’est mon amour, c’est mon âme. Je n’ai jamais rêvé d’Europe. Là où ma musique m’envoie, c’est là où je vais."