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Shrinkflation/Réduflation : les marques nous mentent-elles ?

La shrinkflation: les marques n'augmentent pas les prix mais diminuent les quantités.

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Moins de quantité, mais plus cher ", c’est la tendance dans les rayons de supermarchés depuis un petit moment déjà.

© Geetyimages

A qui profite cette pratique commerciale appelée "shrinkflation" ou "réduflation" et est-ce légal ?

Invisible à l'oeil nu

5 chips de moins par paquet, impossible de le voir
5 chips de moins par paquet, impossible de le voir © Gettyimages

Cinq chips en moins dans un paquet, mais vous payez le même prix. En 2014, la marque de Lay’s avait réduit "d’un demi-gramme le contenu" de ces paquets. Soit environ 5 à 6 chips en moins, sans changer le prix. Selon un article du Times : "Cela lui avait permis d’économiser environ 21% par sachet. Et plus de 50 millions de dollars. Soit plus de 45 millions d’euros, pour 200 millions de paquets de chips vendus."

En juillet dernier, Hugh Johnston, directeur financier du groupe, qui détient Lay’s Doritos, mais aussi Pepsi et Ice-Tea, a expliqué sur le plateau de Squawk Box du média américain CNBC que "L’entreprise était, comme les autres, confrontée à l’inflation. Parmi le panel de possibilités pour y faire face, la société pourrait faire le choix de réduire le nombre de chips dans un paquet plutôt que d’augmenter les prix." Pareil pour leurs bouteilles de Pepsi qui risquent de subir un amaigrissement l’air de rien.

L'objectif: ne pas perdre les clients

Dr. Pierre-Nicolas Schwab, directeur du cabinet IntoTheMinds, un cabinet d'étude de marché estime que cette pratique de réduflation a plus ou moins 20 ans :"Si les marques le font, c’est aussi dans un souci de fidéliser le consommateur. Elles ne veulent pas le perdre". " On estime généralement qu’il faut sept achats pour que le cycle des achats récurrents s’active. En d’autres termes, ce n’est qu’après sept achats du même produit que la décision d’acheter va être stockée dans le cerveau sous forme d’automatisme. La décision d’achat devient alors inconsciente au sens où le consommateur ne pèse plus le pour et le contre. Si le produit n’est plus disponible, le cycle est cassé et le client n’y revient plus… ".

Avec la crise, les marques préfèrent donc proposer leur produit en plus petite quantité sans changer le prix, plutôt que de perdre leurs clients.

Deux tactiques marketing qui visent à préserver les marges

La shrinkflation désigne 2 phénomènes économiques distincts, explique Pierre-Nicolas Schwab :

  • Le maintien du prix de vente d’un produit tout en diminuant sa quantité : "Ceci conduit logiquement à une augmentation du prix par quantité (prix au kilo, prix au litre).", précise-t-il.
  • Un changement de recette permettant de diminuer les coûts de production. Il poursuit: "Cette approche est particulièrement en vogue dans le secteur de l’agroalimentaire. Les ingrédients peuvent être remplacés par d’autres moins qualitatifs et donc moins chers, sans que le consommateur ne perçoive de différence gustative."

Cette tactique marketing mise en place dans des périodes de forte inflation permet de préserver les marges des entreprises.

Diminution de la quantité des produits: des exemples

15 cl de moins…
15 cl de moins… © fws

C’est très subtil. Dans les rayons de vos supermarchés, vous avez peut-être constaté ceci :

  • Les bouteilles de Vichy Célestin ont rapetissé de 1,25 litre à 1,15 litre. Ce qui fait 8% de liquide en moins, mais qui augmente le prix au litre de 28 euros.
  • La taille des bouteilles de jus de Cranberry de chez Ocean Spray a aussi diminué de 1,25 litre, soit moins 20% de jus, mais plus 33%, le prix au litre.
  • Le sirop Grenadine de Teisseire en fait aussi les frais en passant de 75 à 60 cl, soit 20% de sirop en moins. Et le prix augmente de 37% au litre.

Et les marques expliquent cela:

  • pour Vichy Célestin "pour une meilleure conservation des bulles"
  • "une forte augmentation du prix du sucre" pour Teisseire.
Moins 25 cl mais le même prix
Moins 25 cl mais le même prix © fws

On a changé la recette de Kiri

Le Kiri a rétréci ! Le célèbre petit carré a diminué de 20 à 18 gr. L’emballage extérieur n’a pas changé, mais à l’intérieur, il y a moins de produit ! La barquette en carton est passée de 160 gr à 140 gr. Cela fait -10% de fromage fondu. Le prix n’a pas changé pour la barquette,mais au kilo, le prix a augmenté de 11%€/kg.

Et pour expliquer ce changement de format et cette hausse de prix, la firme Bel qui produit ce fromage s’explique : " Depuis près de deux ans, Kiri est proposé avec une nouvelle recette plus naturelle dans un nouveau grammage. Il ne s’agit donc pas d’une simple réduction de portion. La mention " nouvelle recette " était d’ailleurs clairement indiquée sur l’emballage. Son développement a nécessité plusieurs années de R&D et des investissements industriels conséquents pour mettre au point cette recette sans additif, tout en conservant sa texture et son goût." Et de conclure: "Pour cette nouvelle recette, plus coûteuse à produire, nous avons souhaité trouver le meilleur équilibre entre format, prix et valeur ajoutée pour le consommateur. Ainsi Kiri sans additif est proposé dans une portion de 18 g."

De 20 gr, le carré Kiri pèse aujourd’hui 18 gr
De 20 gr, le carré Kiri pèse aujourd’hui 18 gr © fws

Un nouveau design et on réduit encore

Les montagnes Toblerone avaient fondu en 2016 en Angleterre
Les montagnes Toblerone avaient fondu en 2016 en Angleterre © John Prescott @johnprescott-Twitter

En 2016, ce sont les barres de Toblerone vendues en Angleterre, qui avaient "maigri" de 400 grammes à 360 grammes pour les grands formats et de 170 à 150 grammes pour le petit. La firme Mondelēz, leader mondial des encas salés et sucrés (Milka, Lu, Oreo, Côte d’Or, Hollywood…), avait expliqué ce changement de taille par la hausse du coût des matières premières. Cela avait fait un tollé !

Plus subtil encore

Les papiers Bount essuie tout ont diminué l’air de rien…
Les papiers Bount essuie tout ont diminué l’air de rien… © @HarrisLue- Twitter

Bounty, ce papier essuie-tout, a changé son embossage, le relief de l’impression du dessin. Le motif, plus grand, plus profond fait en sorte que le rouleau semble de la même taille… Or il y a moins de quantité, il est plus léger !

Légal ou pas légal ?

Pas vu pas pris et c’est le consommateur qui trinque. Mais est ce bien légal ?

Cest une pratique légale à condition d’indiquer le poids du produit de manière claire sur l’emballage.

Car, au final, le prix au kilo augmente l’air de rien ? "Oui", confirme Etienne Mignolet, porte-parole du SPF Economie : " Cest une pratique légale à condition d’indiquer le poids du produit de manière claire sur l’emballage."

"Si l’étiquetage est conforme et le prix à l’unité indiqué, le consommateur peut choisir en connaissance de cause."

Que faire face à cette inflation masquée ?

Les marques sont très discrètes et n’en parlent pas. Non seulement au consommateur, mais aussi, on nous l’a affirmé lors de notre reportage, aux acheteurs de la grande distribution à qui ils vendent leurs produits. Foodwatch, l’association qui milite pour la transparence dans le secteur agroalimentaire, estime que cette opacité est inacceptable.

Les fabricants font ce qu’ils veulent avec leurs produits et avec le poids de leurs produits.

Camille Dorioz, responsable des campagnes, est très clair : "On ne peut pas l’interdire, Les fabricants font ce qu’ils veulent avec leurs produits et avec le poids de leurs produits. On comprend aussi que les coûts (matières premières, énergie, transport, …) augmentent. Mais ce qu’on demande aujourd’hui, c’est de la transparence par rapport à ces pratiques."

Les fabricants et les distributeurs devraient indiquer aux consommateurs ces changements de format directement sur le produit.

Notre conseil: analyser les prix au kilo

En attendant, la seule façon pour nous est d’analyser les prix aux kilos. C’est la seule façon de vérifier les évolutions des prix. Même si ce n’est pas évident, car c’est écrit en tout petit…

Retrouvez "On n’est pas des pigeons" du lundi au vendredi à 18h30 sur la Une et en replay sur Auvio.

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