Le film "Shoah" du Français Claude Lanzmann, mort jeudi à Paris, est entré dans l'histoire du cinéma, par sa durée (9H30), sa forme (pas d'images d'archives) et son propos: raconter "l'indicible", l'extermination systématique des Juifs par les nazis.
Le mot "Shoah" - il apparaît dans la Bible et signifie en hébreu "anéantissement" - s'est désormais imposé dans le langage courant. "On s'est mis partout à dire la Shoah, ce nom a supplanté 'Holocauste', 'Génocide' ou 'Solution finale'", selon le réalisateur.
Des milliers d'articles, d'études, de débats ont été consacrés à ce documentaire, sorti en 1985 et maintes fois récompensé - notamment par un César d'honneur en 1986 -, vu par des dizaines de millions de spectateurs dans le monde entier, enseigné dans les écoles. "Shoah" traite uniquement des camps d'extermination en Pologne (ce qui a longtemps été dénoncé par les autorités de ce pays): Chelmno, Treblinka, Auschwitz-Birkenau. Il raconte aussi le processus d'élimination du ghetto de Varsovie.
Durant dix campagnes de tournage, le cinéaste a méthodiquement suivi les traces de l'infamie, identifiant les lieux du génocide et écoutant des survivants et des témoins des camps. Peu de séquences ont été rejouées ou préparées. Claude Lanzmann a parfois été contraint d'utiliser un faux nom, des faux papiers et une caméra cachée pour interroger d'anciens nazis : " 'Shoah'' est, à beaucoup d'égards, une investigation policière, et même un western dans certaines parties".
Ce film d'"histoire au présent", selon lui, ne comprend aucun commentaires d'experts ou d'historiens. "Il n'y a aucune voix off pour dire quoi penser, pour relier de l'extérieur les scènes entre elles. Ces facilités, propres à ce qu'on appelle classiquement un documentaire, ne sont pas autorisées dans 'Shoah' ", a-t-il expliqué.