Services secrets : la Suisse en mauvaise posture pour avoir aidé la CIA à espionner le monde entier

Services secrets: la suisse en mauvaise posture pour avoir aidé la CIA à espionner le monde entier

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Par AFP

Demandes d’enquête, éditoriaux incendiaires : la "bonne Suisse" et sa sacro-sainte neutralité se retrouvent mises à mal par le scandale d’espionnage au profit de la CIA et du renseignement allemand via une société helvétique.

Au centre des critiques, la crainte que Berne ait été complice, au moins tacite, de ces activités secrètes qui ternissent la réputation internationale du pays, hôte de nombreuses institutions de l’ONU et organisations comme la Croix-Rouge internationale.

"La bonne Suisse, neutre, non-alignée, hébergeait une quasi-agence des services de renseignement alliés", relève mercredi La Tribune de Genève dans un éditorial, estimant "fort probable" que la "Suisse officielle" ait "fermé les yeux", au nom sa neutralité.

Selon une enquête menée par le Washington Post, la télévision allemande ZDF et la radiotélévision suisse SRF, les services secrets américains ont acheté en 1970 la société suisse Crypto AG, leader sur le marché des machines portables de cryptage, pour mener avec l’Allemagne de vastes activités d’interception de communications confidentielles.

Les deux agences "ont truqué les équipements de la société afin de casser facilement les codes que les pays (clients) utilisaient pour envoyer des messages cryptés", selon l’enquête publiée mardi.

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"Sortir du pétrin"

Des renseignements précieux ont ainsi pu être recueillis lors de crises majeures, comme la prise des otages de l’ambassade américaine de Téhéran en 1979, la guerre des Malouines entre l’Argentine et la Grande-Bretagne, ou encore des assassinats politiques en Amérique du Sud.

Le gouvernement suisse a réagi en indiquant avoir nommé le 15 janvier un juriste pour mener une "recherche" sur le sujet et "clarifier les choses". Son rapport doit être remis au ministère suisse de la Défense en juin.

Mais il souligne aussi la difficulté de la tâche, les faits étant anciens et Crypto AG ayant changé de mains.

"Les événements dont il est question ont débuté dans les années 1945 et sont aujourd’hui difficiles à reconstruire et interpréter", a souligné la porte-parole du ministère de la Défense Carolina Bohren.

Berne a également fait valoir la suspension, en décembre, de la licence générale d’exportation accordée aux sociétés ayant succédé à Crypto AG "jusqu’à ce que les clarifications qui s’imposent aient été effectuées".

Pas suffisant pour plusieurs formations politiques, qui sont montées au créneau pour réclamer une enquête plus vigoureuse que les "recherches" annoncées par le gouvernement.

Le service de renseignement helvétique est-il "victime ou complice ?", se demande le parti socialiste sur Twitter, en exigeant des "clarifications et une enquête complète".

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D’autres formations (les Verts, le parti démocrate-chrétien PDC) ont également réclamé des clarifications et réfléchissent à une commission parlementaire.

La section suisse d’Amnesty international (AI) s’est aussi interrogée sur la responsabilité des autorités helvétiques.

"Que savaient les services secrets suisses et le Conseil fédéral (gouvernement ndlr) dans les vols de la mort, la torture et les disparitions sous la dictature militaire en Argentine ? Et qu’ont-ils fait avec ces informations ?" écrit AI sur Twitter.

Profondément attachée à sa neutralité, la Suisse se tient à l’écart des grands blocs politiques ou militaires internationaux et n’a participé à aucun des deux grands conflits mondiaux.

Mais plusieurs quotidiens relèvent que la bonne réputation internationale helvétique fournissait une excellente couverture aux Etats-Unis et à l’Allemagne pour monter cette opération d’espionnage.

Pour le journal Tages-Anzeiger, "que ce soit par incompétence, parce que l’on voulait couvrir les agents des services secrets étrangers ou profiter de leurs découvertes, il faut désormais mettre les choses au clair".

"C’est la seule façon de sortir de ce pétrin", estime le journal.

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