Tendances Première

Série : After life, l'histoire attachante d'un gars excécrable

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Par Julien Gilles via

Cette mini-série aux accents bristish, tenue de bout en bout par l’auteur humoriste Ricky Gervais, nous entraine dans un récit autour de la mort et du deuil, au ton doux amère et mâtiné d’humour noir 

On retrouve le personnage de Tony (Ricky Gervais), journaliste à la gazette locale de Tambury, petit village bucolique de la campagne anglaise. Tony est dans un état de tristesse profond depuis la perte de sa femme, partie d’un cancer du sein. Du coup, il a décidé d’être exécrable, pour se venger. Avec ses proches, si du moins il considère qu’il n’en a jamais vraiment eu, et puis finalement avec tout le monde.

Tenaillé par le sentiment profond d’injustice, il clame à qui veut l’entendre que sans sa chienne et son vieux père, il se foutrait en l’air et laisserait derrière lui ce monde devenu désormais insipide.  

Et pourtant Tony c’était un homme généreux, rigolard et altruiste. Et ça c’est sa femme qui nous le fait découvrir. A travers quantité de films privés que Tony se repasse à l’envi, on découvre leur vie de couple faite de rires, de moments de partage et de connivence comme seul deux êtres à l’unisson peuvent en connaitre.

Donc Tony vit dans le passé, se repassant matin et soir ces moments de bonheur immortalisés.

Mais il y a aussi les films laissés par Lisa. Dans ces films, face caméra, sur son lit d’hôpital, elle enjoint son mari de ne pas sombrer après sa mort, et se laisser aller à son goût pour la misanthropie. Elle le connaissait si bien, qu’elle avait anticipé le comportement du veuf acariâtre, qui en veut à la terre entière. 

Et elle ne s’était pas trompée. Mais bien qu’il enchaine les sarcasmes, les insultes et les moqueries, les autres, c’est-à-dire les gens, restent et se soucient de lui. Il est invirable puisque c’est son beau-frère le patron de la gazette.

Ses collègues encaissent les sarcasmes d’autant mieux qu’ils ne les comprennent pas toujours. Quant aux habitants de Tambury, tous plus ou moins déjantés, et sujets de ses reportages, ils sont dans un tel état d’esprit que le simple fait de susciter l’intérêt de la gazette locale suffit à leur bonheur, quand bien même le journaliste dépêché sur place les renvoie à leur médiocrité et petitesse.

Pour finir, on lui passe tout, le pauvre est si malheureux

 

Et il ne se prive pas pour le montrer. Tony n’est pas avare de repli sur soi et d’auto-apitoiement. Mais que tout ce monde ne trouve rien à lui opposer ne fait qu’accentuer encore la tendance misanthrope de Tony. Décidemment, autant de connerie le conforte dans son choix de se retirer du monde… 

Et pourtant le salut de Tony va passer par ces gens dont il prétend ne pas se soucier. L’histoire nous conte celle d’un homme qui va retrouver le sens de sa vie par une forme d’altruisme subi. En effet, la galerie des bras cassés qui l’entoure va au fil des épisodes entrainer Tony vers une nouvelle perspective dans laquelle il n’est plus seul au monde avec son chagrin. L’armée de ces pauvres bougres qui surnagent dans leur vie où la médiocrité semble l’avoir définitivement emporté, lui démontre qu’il a une responsabilité envers eux.

Par un jeu un peu mystérieux, Tony a une place en quelque sorte de sage dans cette petite communauté. Par ses connaissances, il a fait des études à l’université quand même, par son air désabusé, et par sa position professionnelle qui le place dans les rangs de la hiérarchie campagnarde entre le curé de paroisse et l’enseignant du village. Il se retrouve alors consulté, malgré lui, et pire, écouté. Cette responsabilité le pousse à sortir de son misérabilisme nombriliste, et faire un pas dans le monde. S’il n’est plus utile à faire rire aux éclats l’amour de sa vie, il peut être utile à d’autres en quête de reconnaissance, d’amour, de respect.

L’empathie qui finit par l’atteindre lui permet de s’accepter.

Ce n’est pas s’aimer soi pour aimer les autres mais plutôt aimer les autres pour à nouveau s’aimer soi.  
La série nous fait la démonstration du fait que l’homme, aussi misanthrope se voudrait-il, est définitivement lié à ses congénères. A quel point nous avons besoin des autres.  

La question du rapport à l’autre est centrale ici. Lorsqu’il était marié Tony n’existait, ou ne voulait exister, qu’au travers du regard de sa femme. Ou plutôt, l’image qu’il se faisait de lui-même et qu’il tenait à renvoyer au monde tenait d’une construction, réalisation de sa femme Lisa. Une fois celle-ci partie, Tony se retrouve sans identité. Il donnait au monde à voir l’image de l’homme qui était aimé par Lisa, cette femme extraordinaire. Si l’enfer c’est les autres, le paradis aussi dans le cas de Tony. Son mal-être, au-delà de la douleur du deuil, vient aussi de cet aspect : l’image de lui-même ne pourra plus jamais être aussi belle, pense-t-il. Et il se trompe, car au fil des épisodes, il apparait que d’autres, parmi son entourage, à leur manière, lui font sentir être l’humain qu’il consent d’être. Il finit par se retrouver, un peu différent de ce qu‘il était car marqué par la perte de sa moitié, mais quand même proche de ce qu’il fut.   

Nous nous construisons tous une image, celle qu’on donne à voir au monde. Parfois elles sont multiples et diffèrent selon le monde auquel on s’adresse (sphère privé/public) et cela est toujours plus vrai avec le développement des interactions sur des terrains toujours plus élargis. Aujourd’hui plus que jamais, il est difficile d’exister par soi-même, et faire fi de cette image  que l’on cherche à contrôler mais qui par essence ne peut que nous échapper. 

Qu’y-a-t-il après la vie ? Encore un peu de vie, à condition d’accepter que les autres nous voient pour ce que nous sommes.  

 

 

 Sur Netflix, 3 saisons de 6 épisodes (30min) 

 

Tendances Première : Les Tendanceurs

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