Décrypte

Semaine de la mobilité : la voiture est-elle indispensable en Wallonie?

Semaine de la mobilité: la voiture, indispensable en Wallonie?

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Par Marie-Laure Mathot

Une voiture, c’est le premier achat que Lauren a dû effectuer une fois déménagés de Schaerbeek à Thorembais-Saint-Trond avec son compagnon. "Je travaille à Schaerbeek justement. En voiture, cela me prend trente minutes sans embouteillages. Par contre, en transport en commun, je prendrais entre 1h30 et 2h20… si j’arrive à avoir toutes les correspondances."

© Feifei Cui-Paoluzzo – Getty images

À Thorembais-Saint-Trond dans la commune de Perwez, la plupart des ménages possèdent au moins une voiture, comme dans le reste de la Wallonie d’ailleurs. C’est surtout dans les villes (Namur, Liège, Mons, Charleroi…) ou plus particulièrement Louvain-la-Neuve que le nombre de véhicules par ménage est en moyenne inférieur à un.

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Regardons à présent si les transports en commun sont accessibles à Perwez. Pour cela, il existe un indicateur calculé par l’Iweps, l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique : le taux d’accessibilité des transports en commun dans chaque commune wallonne. Il vient confirmer le vécu de Lauren. À Perwez, il est de 39,8%.

C’est moins que la moyenne wallonne : 60%, et encore beaucoup moins que dans les villes comme Liège (97%), Namur (79%) ou Louvain-la-Neuve (92%). Ces villes viennent d’ailleurs complètement rehausser la moyenne.

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Louvain-la-Neuve, tiens, tiens… C’était aussi une commune où le nombre de voitures par ménage était inférieur à un en moyenne. Y aurait-il un lien ? En croisant les deux bases de données, une légère tendance se dessine : dans les communes où il y a un bon taux d’accessibilité aux transports en commun, il y a peu de voitures par ménage.

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Peut-on établir un lien de cause à effet ? Pour Julien Charlier, chargé de recherches à l’Observatoire du développement territorial de l’Iweps (Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique), la réponse est oui, en partie. Mais ce n’est pas le seul facteur d’encouragement à posséder une ou plusieurs voitures.

Grâce à une étude réalisée en 2020, l’Iweps a identifié pourquoi la voiture est très utilisée en Wallonie. "En réalité, il y a deux grands types de facteurs qui déterminent l’équipement automobile des ménages : d’un côté, le contexte résidentiel, d’un autre, les caractéristiques du ménage."

Ville ou campagne ?

Premier type de facteurs donc : ceux liés au lieu d’habitation. "Est-ce en milieu urbain ou rural ? À proximité des services et de l’emploi ou plutôt éloigné ? Avec des alternatives en transport en commun ou non ? Peut-on se garer facilement ?"

Le facteur du lieu d’emploi est tout aussi déterminant que celui de l’habitation : doit-on se déplacer pour aller travailler ? Si oui, est-ce loin et accessible sans voiture ? "Si on a un emploi qui n’est pas du tout accessible en transport en commun, peu importe où l’on habite, on aura besoin d’une voiture", fait remarquer le chargé d’études. Les lieux où les entreprises s’installent jouent donc sur le taux de motorisation wallon.

À cela, s’ajoute l’efficacité du transport en commun dans le cas où il existe : si cela prend beaucoup de temps, la voiture sera privilégiée. Lauren ne dira pas le contraire.

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Il y a donc bien un lien entre accessibilité aux transports en commun (que ce soit pour la résidence ou le travail) et besoin ou non d’une voiture. "On voit que c’est Liège qui a le taux de motorisation le moins élevé. Plus la ville est grande et dense, plus elle offre des services de proximité auxquels on peut se rendre à pied ou à vélo et donc, se passer de voiture."

Les villes sont également habitées par davantage de personnes seules. Elles ont plus de facilité à prendre les transports en commun que les familles. Ce qui nous amène au deuxième type de facteurs déterminants : les caractéristiques du ménage.

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La taille du ménage joue donc un rôle important "et en particulier si on est un couple avec enfants, ce qui rend les déplacements en transport en commun ou à vélo plus compliqués", explique le chargé d’études de l’Iweps. Les familles ne se déplacent en effet pas d’un point A à un point B mais font plusieurs arrêts en cours de route, ce qui rend la voiture souvent plus pratique si l’on doit embarquer les enfants, les courses, les copains etc.

Davantage de revenus, davantage de voitures

Ensuite, le montant que le ménage gagne vient bien évidemment peser dans la balance. "Le niveau socio-économique lié au niveau de revenu rend l’achat d’une voiture aisé ou non", analyse logiquement Julien Charlier. "Les voitures de société sont également dans les ménages qui ont des revenus élevés."

On remarque ainsi que dans les communes aux revenus moyens plus bas que la moyenne wallonne (24.808 euros par an) comme Seraing, Dison, Hastière, Quiévrain, Boussu, les habitants ont en moyenne moins d’une voiture par foyer.

Autre exemple dans le Brabant wallon. Quand on regarde la carte du nombre de voitures par ménage, deux extrêmes se côtoient. Dans la commune d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, le nombre de voitures par ménage est inférieur à un alors que dans les communes limitrophes de Chaumont-Gistoux et de Lasne, on approche de deux voitures par ménage en moyenne.

"À Ottignies Louvain-la-Neuve, le niveau socio-économique est légèrement moins élevé (26.259 euros par an, ndlr). C’est une commune plus jeune et cosmopolite avec le campus de l’UCLouvain. Tout peut s’y faire à pied. Et elle est très bien desservie en transport en commun puisque s’y trouve la gare d’Ottignies où il y a le plus grand nombre de passagers de Wallonie. À Lasnes, au contraire, l’accessibilité aux transports en commun est moins aisée." Le taux d’accessibilité est en effet de 0,6%. Et le revenu moyen est de 30.365 euros, plus élevé donc que celui d’Ottignies-Louvain-la-Neuve.

Alors, indispensable ?

Quels que soient ces facteurs, il semble que la voiture est de toute façon généralisée en Wallonie : dans la plupart des communes, il y a en effet plus d’une voiture par ménage.

La voiture est-elle donc indispensable dans la Région du sud du pays ? Pour Lauren, "elle est nécessaire".

Des Belges forcés d’acheter une voiture

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Julien Charlier confirme. "La voiture reste indispensable à de nombreux citoyens qui habitent loin des services de proximité (commerces alimentaires, pharmacie, écoles fondamentales…), des services intermédiaires et supérieurs, de leur emploi et où il n’y a pas/peu de transports en commun."

Et en Wallonie, cette situation résidentielle est plus fréquente qu’à la capitale, ce qui rend les ménages plus "vulnérables".

"Une vulnérabilité due au coût des carburants pour les voitures thermiques, au coût d’une voiture électrique, de sa recharge… C’est à prendre en compte dans les enjeux futurs. Il faut réfléchir à aménager le territoire pour faciliter l’accès des personnes à leurs activités quotidiennes." Être dépendant à la voiture pose en effet problème, explique le chercheur de l’IWEPS.

On doit s’attendre à une hausse du prix de la mobilité individuelle.

"La contrainte environnementale demande que l’on diminue nos émissions de gaz à effet de serre et donc la consommation de pétrole. Il faut donc changer de type de carburant et passer à l’électrification. Mais cette dernière a aussi un coût et demande l’utilisation de métaux rares pour produire les batteries. Cela demande aussi de produire de l’électricité décarbonée. On doit s’attendre à une hausse du prix de la mobilité individuelle. Il faudra voir ce que les pouvoirs publics mettent en place pour suppléer cette difficulté des ménages à se déplacer."

Mais Julien Charlier n’est pas 100% pessimiste. "Pour la plus grande part des citoyens, en fonction du motif de déplacements, des alternatives peuvent fréquemment être trouvées", précise-t-il.

Une question d’habitude ?

Par exemple, dans les quartiers proches de villes moyennes, des alternatives sont tout à fait envisageables. "94% des citoyens de Wallonie habitent à moins de dix kilomètres d’une centralité bien équipée en services, distance qui peut par exemple facilement être parcourue à vélo électrique. Les solutions sont multiples : elles concernent à la fois les pratiques/comportements de chacun et surtout les mesures politiques mises en œuvre pour faciliter les changements dont le développement d’alternatives efficaces."

Si aujourd’hui, 83% des déplacements se font en voiture en Wallonie (chiffres de 2017), le gouvernement wallon ambitionne de le redescendre à 60% d’ici 2030. Avec en moyenne de 1,3 voiture par ménage en Wallonie, il va donc falloir faire changer les habitudes et faire en sorte que ce soit possible si la Région veut atteindre son objectif.

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