L'info culturelle

Second pan de l'exposition de Peter Depelchin, Hommage à Pan, à admirer au Musée Rops

Peter Depelchin, Notos.

© Peter Depelchin

Par Pascal Goffaux via

Peter Depelchin est né à Ostende en 1985. Il a grandi à Nieuport. Il a étudié à Sint-Lucas à Gand. Il a suivi une formation de dessinateur et de graveur. Il rend Hommage à Pan dans une exposition à deux volets. Le Château de Thozée à Mettet accueille le premier pan (acceptons le mot !) et le Musée Rops à Namur présente les dessins à la plume créés par un artiste démiurge à la puissance dionysiaque.

Peter Depelchin
Peter Depelchin, Selfportrait as a Jester, détail.
Peter Depelchin, Selfportrait as a Lobster, fragment.
Peter Depelchin, Selfportrait as a Lobster, fragment.

Pan

Dans la mythologie grecque, Pan est un dieu de la nature, protecteur des bergers et des troupeaux, une créature hybride, mi-homme, mi-bouc, à l’image d’un satyre. La figure de Pan retient l’attention de Peter Depelchin. Elle lui permet d’aborder les questions d’hybridité et de métamorphose qui sommeillent en tout humain. Pan signifie Tout.

Au Château de Thozée, l’artiste envisage le tout dans une création multimédia. Il recourt à de multiples disciplines : le dessin et le modelage, la sculpture et l’installation, la performance (filmée) et la vidéo.  L’exposition est accessible le week-end jusqu’au 2 juillet. Au Musée Rops à Namur, le dessin sur papier investit les cimaises jusqu’au 17 septembre. Dessin à la plume. Encre. Brou de noix. Crayon rouge et bleu.

Peter Depelchin, Sybilla.
Peter Depelchin, Murmure Suo.
Peter Depelchin, Aegipan I .

Pan de mur

Le dessin se répand dans l’espace du musée sur tous les pans de mur.

L’hybridité se marque dans les traits des personnages. Les corps accusent des déformations, tels les visages que Peter Depelchin dessine en superposant les différentes silhouettes qui apparaissent au fil des changements de pose des modèles. Les contorsions créent aussi des corps désarticulés.

Les représentations que donne le dessinateur du dieu Pan se nourrissent des images de l’histoire de l’art. Dionysos, le dieu du vin, que peint Pierre-Paul Rubens dans Bacchanalia opère une métamorphose dans Notos et dans une Libation. Le satyre et le paysan de Jacob Jordaens est transposé dans Cosmogonical Treat. La Tête de Faune de Jean Carriès, un sculpteur français de la deuxième moitié du 19e siècle, apparaît dans Illumination. Elle est aussi clonée dans la scène de Libation. La Dame aux bulles de Félicien Rops représente une femme nue assise sur un globe ; elle souffle dans une pipe en forme de pénis en érection. Depelchin recycle l’image. La pipe devient la flûte du dieu Pan, la syrinx.

L’artiste lui-même n’échappe pas à la transformation. L’autoportrait en bouffon ancre le récit mythologique dans l’histoire universelle et projette l’image du faune dans le chaos d’un monde atemporel.

Peter Depelchin, Notos.
Peter Depelchin, Notos, détail.
Jacob Jordaens, Le Satyre et le paysan.
Peter Depelchin, Cosmogonical Treat, d'après Le Satyre et le paysan, de Jacob Jordaens, détail.
Peter Depelchin, Cosmogonical Treat, d'après Le Satyre et le paysan, Jacob Jordaens, détail.	4
+5

Panique

Le mot panique est la traduction du mot panikos qui signifie " relatif à Pan " en grec ancien. Pan semait une peur panique. Le dieu passait pour effrayant. Il provoquait de grands désordres dus au dérèglement des sens. Le monde était sens dessus dessous. Dans La Prisonnière, Marcel Proust écrit :  "  … la sculpture grecque des premiers âges stylisait l’épouvante des nymphes poursuivies par le Dieu Pan ".

Le dessin de Peter Depelchin est dynamique. Il est né d’une multitude de traits qui génèrent une figuration toujours en puissance. Le dessinateur à la plume acérée a horreur du vide. Il recouvre entièrement la surface du papier. Il narre une action qui se déploie dans les grands formats à la manière d’un siparium, un paravent de scène qui s’ouvrait ou se repliait dans le théâtre antique. Le dessinateur découpe ainsi l’espace en cases ou en différentes fenêtres qui s’ouvriraient d’une manière frontale ou oblique sur les coulisses de ce théâtre tellement humain qui raconte depuis l’antiquité, par dieux et satyres interposés, nos pulsions les plus débridées et notre conscience humaine d’être limité.

Le découpage de l’image complexifie l’action par la multiplication des plans qui invitent le regard à zoomer ou dézoomer sans cesse sur des parties de l’image, voire sur un détail. Les perspectives aussi diffèrent et les lignes de fuite changent selon les portions de l’image où des scènes se jouent comme dans un jardin clos. L’œil fait la mise au point. L’image en son entier emprunte à la technique du collage par le foisonnement de scénettes participant à une narration unique.

L’iconographie de Peter Depelchin puise ses références dans la culture gréco-latine, mais le langage visuel de l’artiste s’abreuve à d’autres sources. La figure de la Vierge Marie appartient à la culture judéo-chrétienne. Dans Hortus Conclusus (Jardin clos), la figure mariale est dénudée. Son sexe, l’origine du monde christique, est offert au regard sans vergogne. Le chérubin dans les bras de sa mère est un petit satyre. Le dessinateur érudit s’inspire aussi de la miniature persane. Les motifs abstraits et géométriques qui tapissent le fond de l’image apportent un semblant d’équilibre à la composition chaotique de l’ensemble. Un vent de panique souffle nonobstant sur les images de Libations, de Bacchanales et d’accouplements immondes.

L’artiste est fasciné par le cosmos et l’astrophysique. Dans le poème de Victor Hugo, Le Satyre, Pan se confronte à Zeus ou à Jupiter, son nom latin. La chaleur de la planète Jupiter rayonne dans un dessin de la série Hommage à Pan. A l’inverse, un trou noir est introduit dans The Faun and the Deer et The Great God Pan a un nombril en forme de trou noir.

Peter Depelchin, Hommage à Pan II.
Peter Depelchin, The Great God Pan, Detail IX.
Peter Depelchin, The Great God Pan, Detail V.

Peter Depelchin au micro de Pascal Goffaux

Peter Depelchin, Hommage à Pan, au Musée Rops

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous