Le mot panique est la traduction du mot panikos qui signifie " relatif à Pan " en grec ancien. Pan semait une peur panique. Le dieu passait pour effrayant. Il provoquait de grands désordres dus au dérèglement des sens. Le monde était sens dessus dessous. Dans La Prisonnière, Marcel Proust écrit : " … la sculpture grecque des premiers âges stylisait l’épouvante des nymphes poursuivies par le Dieu Pan ".
Le dessin de Peter Depelchin est dynamique. Il est né d’une multitude de traits qui génèrent une figuration toujours en puissance. Le dessinateur à la plume acérée a horreur du vide. Il recouvre entièrement la surface du papier. Il narre une action qui se déploie dans les grands formats à la manière d’un siparium, un paravent de scène qui s’ouvrait ou se repliait dans le théâtre antique. Le dessinateur découpe ainsi l’espace en cases ou en différentes fenêtres qui s’ouvriraient d’une manière frontale ou oblique sur les coulisses de ce théâtre tellement humain qui raconte depuis l’antiquité, par dieux et satyres interposés, nos pulsions les plus débridées et notre conscience humaine d’être limité.
Le découpage de l’image complexifie l’action par la multiplication des plans qui invitent le regard à zoomer ou dézoomer sans cesse sur des parties de l’image, voire sur un détail. Les perspectives aussi diffèrent et les lignes de fuite changent selon les portions de l’image où des scènes se jouent comme dans un jardin clos. L’œil fait la mise au point. L’image en son entier emprunte à la technique du collage par le foisonnement de scénettes participant à une narration unique.
L’iconographie de Peter Depelchin puise ses références dans la culture gréco-latine, mais le langage visuel de l’artiste s’abreuve à d’autres sources. La figure de la Vierge Marie appartient à la culture judéo-chrétienne. Dans Hortus Conclusus (Jardin clos), la figure mariale est dénudée. Son sexe, l’origine du monde christique, est offert au regard sans vergogne. Le chérubin dans les bras de sa mère est un petit satyre. Le dessinateur érudit s’inspire aussi de la miniature persane. Les motifs abstraits et géométriques qui tapissent le fond de l’image apportent un semblant d’équilibre à la composition chaotique de l’ensemble. Un vent de panique souffle nonobstant sur les images de Libations, de Bacchanales et d’accouplements immondes.
L’artiste est fasciné par le cosmos et l’astrophysique. Dans le poème de Victor Hugo, Le Satyre, Pan se confronte à Zeus ou à Jupiter, son nom latin. La chaleur de la planète Jupiter rayonne dans un dessin de la série Hommage à Pan. A l’inverse, un trou noir est introduit dans The Faun and the Deer et The Great God Pan a un nombril en forme de trou noir.