Environnement

Sécheresse 2022 : l'Europe brûle, mais "il est encore possible d'empêcher que cela se dégrade" (infographies)

© Photo du satellite Terra, le 7 août 2022

Par Victor de Thier

Des incendies en France, en Espagne, au Portugal et même en Belgique, le Rhin à son niveau le plus bas au Pays-Bas, des glaciers dans les Alpes dont la fonte ne fait qu'accélérer... L'Europe n'est pas épargnée par la sécheresse cet été, loin de là. De nombreux records de température et de manque de précipitations ont été battus dans plusieurs zones du Vieux Continent. 

Près de la moitié du territoire de l'UE restait, dans les dix premiers jours d'août, exposée à des niveaux de sécheresse dits "d'avertissement", c'est-à-dire enregistrant un déficit important d'humidité au sol, a indiqué lundi la Commission européenne, soit à peu près le même niveau qu'un mois auparavant. Et 17% sont placés en état d'alerte, avec une végétation et des cultures gravement affaiblies par le manque d'eau, contre 11% début juillet.

Cette sécheresse, qui s'explique par une persistance anticyclonique au-dessus de l'Europe depuis le début de l'été, entraîne de nombreuses conséquences néfastes, notamment sur la production d'énergie, sur les cultures ou sur les cours d'eau... avec des effets visibles jusque dans l'espace. 

Ci-dessous, la comparaison de plusieurs pays européens entre la situation l'année dernière et cette année à la même période, à travers les images captées par le satellite Terra de le Nasa :

France : août 2021 - août 2022

Loading...

Allemagne : septembre 2021 - août 2022

Loading...

Royaume-Uni : juillet 2021 - juillet 2022

Loading...

Et cette comparaison entre la Belgique d'aujourd'hui et d'il y a 10 ans :

Belgique : août 2012 - août 2022

Loading...

Les feux de forêt se multiplient

Depuis le début de l'année 2022, ce sont plus de 700 000 hectares qui sont partis en fumée dans l'ensemble des pays membre de l'UE, selon les données de Système européen d'information sur les feux de forêt (EFFIS), soit 7 000 km². Ce bilan est d'ores l’un des pires depuis la création de ce service en 2006. 

L'Espagne est le pays le plus durement touché avec plus de 287 000 hectares qui ont été ravagés par les flammes, toujours selon le Système européen d'information sur les feux de forêt. Viennent ensuite la Roumanie, avec plus de 149 000 hectares, et le Portugal, avec 97 000 hectares. La France occupe la quatrième place du classement, avec 62 000 hectares, devant l'Italie, avec plus de 47 500 hectares. 

Loading...

Il ressort également de ces chiffres que le nombre d'incendies a largement augmenté ces dernières années en Europe. Ainsi, à la mi-août 2022, plus de 2 300 feux de forêt avaient été comptabilisés, bien plus que les 1 349 incendies enregistrés, en moyenne, sur la période 2006-2021.

Cette carte, réalisée par Euronews, reprend les différents feux de forêt ayant eu lieu cette année en Europe :

Loading...

Les cours d'eau historiquement bas

Parallèlement, l'intensité de la sécheresse de cet été se reflète également sur la plupart des cours d'eau européens. Parmi les images les plus marquantes, des navires de guerre allemands coulés durant la Seconde guerre mondiale qui réapparaissent dans le Danube ou un "Stonehenge espagnol" dévoilé à l'air libre suite à la baisse du niveau du Tage.

Le Rhin, a atteint son niveau le plus bas aux Pays-Bas, alors qu'en Italie, la plaine du Po a connu sa pire sécheresse depuis 70 ans. Le manque de pluie a également entraîné un manque d'eau potable dans dans plusieurs pays, ce qui fait craindre de nouvelles pénuries à l'avenir.

Loading...

Ce qu'il s'est passé nous rappelle notre dépendance à l'eau.

Pour le climatologue Jean-Pascal van Ypersele, professeur à l'UCLouvain et ancien vice-président du Groupe d'experts intergouvernemental sur le climat (Giec), ces évènements doivent nous pousser à nous questionner sur notre usage de l'eau. "Ce qu'il s'est passé nous rappelle notre dépendance à l'eau. Il faut absolument que nous revoyions notre manière de l'utiliser", appuie-t-il, lui qui appelle à davantage de "sobriété hydraulique", particulièrement dans le secteur agricole et industriel. 

Jusqu'à novembre...

Si les conséquences de la sécheresse se font déjà fortement ressentir, il semblerait que la situation puisse se prolonger dans certaines régions d'Europe. Un nouveau rapport du Centre commun de recherche de la Commission européenne prévoit que ces conditions météorologiques plus sèches que la normal dureront encore trois mois.

Des conditions plus chaudes et plus sèches que la moyenne pourraient se produire jusqu'en novembre.

Désormais, "après une longue séquence inhabituellement sèche, des conditions proches de la normale sont prévues d'août à octobre dans une majeure partie de l'Europe", soulignent les experts du JRC dans ce rapport. "Cela peut ne pas être suffisant pour récupérer complètement du déficit (de précipitations) cumulé en plus de six mois, mais cela atténuera les conditions critiques de nombreuses régions", estiment-ils.   

La situation risque cependant de rester compliquée dans les régions du pourtour méditerranéen, où "des conditions plus chaudes et plus sèches que la moyenne pourraient se produire jusqu'en novembre", augmentant encore la pression sur les cultures et les réserves d'eau de ces pays.

... et après ?

"Si aucune mesure d'atténuation efficace n'est prise, l'intensité et la fréquence de ce type d'extrêmes, aussi bien la sécheresse que les vagues de chaleur, vont augmenter de façon spectaculaire sur l'Europe, aussi bien au nord qu'au sud", alerte Andrea Toreti, chercheur principal au JRC et co-auteur du rapport.

Une crainte de l'accentuation des extrêmes partagée par Jean-Pascal van Ypersele et les auteurs du dernier rapport du Giec sorti en décembre dernier : "Avec la poursuite du réchauffement climatique mondial, les changements déjà observés vont globalement s’accentuer, notamment en ce qui concerne les extrêmes. En particulier, tout réchauffement d’un demi-degré supplémentaire entraine un accroissement clairement discernable de l’intensité et de la fréquence des extrêmes de chaleur, des fortes précipitations et des sécheresses agricoles et écologiques". Un phénomène qui s'observe dans ces graphiques issus du rapport du Giec réalisés dans le cadre d'un article sur l'impact des hautes températures sur le cycle de l'eau. 

Loading...
Loading...
Loading...

Pour le spécialiste, si un retour en arrière est impossible, il est encore possible d'empêcher sur le long terme que la situation se dégrade en diminuant nos émissions de gaz à effet de serre.

Inscrivez-vous à la newsletter Tendance

Retrouvez l’essentiel de nos thématiques Vie Pratique, Santé et Bien-être,Sciences et Technologie, Environnement et nature dans cette newsletter au plus proche de vos préoccupations et des tendances du moment.

Articles recommandés pour vous