Les Grenades

Se réapproprier son histoire grâce aux jeux vidéo décoloniaux

© Isabelle Arvers

La cinquième édition du festival Afropolitan se déroulera du 26 au 29 mai à Bozar. Au programme : concerts, films, rencontres,… Tous sous le thème "Women Power". Parmi les artistes qui animeront ces 4 jours, Isabelle Arvers, commissaire d’exposition art et jeux vidéo, mettra en avant les pratiques décoloniales dans les jeux vidéo le dimanche 29 mai.

Depuis une vingtaine d’années, Isabelle Arvers étudie la dimension artistique et expérimentale du jeu vidéo. Plus qu’un simple divertissement, elle le voit comme un médium permettant de faire de la musique ou des films. Accompagnée de Peggy Pierrot, professeure à l’École de Recherche Graphique (ERG), Isabelle a déjà animé un workshop "decolonial countergaming", en partenariat avec l’ASBL Creative District, en avril dernier.

Durant cet atelier de trois jours, en amont du festival Afropolitan, les participant·es, des étudiant·es de la ERG et des artistes, ont pu découvrir le détournement de jeux vidéo dits mainstream et ont créé leurs propres "machinimas", c’est-à-dire des films réalisés à partir de séquences de jeux vidéo, dans le but d’analyser les perspectives décoloniales dans les jeux vidéo.

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© Bozar

Le 29 mai prochain, le travail d’Isabelle Arvers sera présenté au cours d’un entretien avec Peggy Pierrot, et les films produits pendant l’atelier seront visionnés suivis d’une discussion avec les participant·es.

Gaming postcolonial

Il y a 3 ans, Isabelle Arvers a entamé un tour du monde "art et jeux vidéo" dans les pays non occidentaux, en se concentrant sur les pratiques queer, féministes et décoloniales traitées dans les jeux vidéo. Son voyage lui a permis de rencontrer plus de 300 artistes ou game designers et de découvrir des jeux vidéo loin des pratiques mainstream connues en Occident, souvent peu représentatives. La commissaire d’exposition y a découvert une nouvelle génération de développeurs de jeux vidéo qui émerge et qui se réapproprie sa propre histoire.

Plutôt que de se poser la question de la sous-représentation dans les jeux mainstream, je me suis dit : pourquoi pas aller voir comment les personnes se réapproprient la narration ?

C’est en effet en s’intéressant à l’histoire du jeu vidéo qu’Isabelle Arvers s’est rendue compte qu’elle ne concernait que l’Europe, les États-Unis, le Japon ou le Canada. Et cela se reflète dans les personnages, les paysages et les scénarios. Et pourtant, les pionniers et pionnières du jeu vidéo ne sont pas nécessairement d’Occident. "Un des premiers jeux vidéo français a été conçu par Muriel Tramis, originaire de Martinique", souligne Peggy Pierrot.

Au-delà de ce constat, le scandale #GamerGate, une vague de harcèlement envers les femmes joueuses apparue en 2014, a mis en lumière la place de la femme dans les jeux vidéo. Une développeuse de jeux vidéo, Zoé Quinn avait été accusée d’avoir échangé des faveurs sexuelles en échange de bonnes critiques envers son jeu Depression Quest.

Dès lors que la diversité commençait à être prise en compte, Isabelle Arvers a voulu voir ce qu’il en était ailleurs dans le monde. "Plutôt que de se poser la question de la sous-représentation dans les jeux mainstream, je me suis dit : pourquoi pas aller voir comment les personnes se réapproprient la narration ?", explique-t-elle.

Il y a toute une relecture de l’histoire du jeu vidéo, des personnes qui les ont créés et du contexte dans lequel ils sont apparus

Isabelle Arvers
Isabelle Arvers © Bozar

Il y a eu deux époques charnières de la représentation dans les jeux vidéo, explique Peggy Pierrot. D’abord une phase de distance au cours de laquelle les joueurs et joueuses avaient envie de jouer même si les jeux ne leur convenaient pas totalement et que les personnages ne leur ressemblaient pas. Puis, une réelle exigence de vouloir davantage de représentation est née. "Je me rappelle qu’en jouant à Street Fighter, j’essayais de prendre les personnages féminins, notamment Chun-Li, personnage asiatique", raconte Peggy Pierrot.

La controverse du GamerGate a également mis en avant les jeux alternatifs, car l’élément déclencheur, le jeu Depression Quest permettait de se mettre dans la peau d’un personnage souffrant de dépression. "Il y a toute une relecture de l’histoire du jeu vidéo, des personnes qui les ont créés et du contexte dans lequel ils sont apparus", analyse la professeure.

Des rencontres, des machinimas et des découvertes

L’atelier était avant tout une rencontre qui a permis de voir comme chacun peut se réapproprier un jeu vidéo par rapport à sa pratique, sa narration ou son esthétique. Pour Ayoko Mensah, directrice artistique à Bozar en charge de la programmation de l’Afropolitan Festival, la force de l’atelier était aussi les profils tous différents de par le genre, l’origine ou l’âge. "Ça reflète un des objectifs de ce festival, d’être un véritable carrefour", explique-t-elle.

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Les machinimas permettent de reprendre un outil de consommation de masse, le jeu vidéo, et d’en faire un outil de production de sens parce qu’on en détourne les codes, explique Isabelle Arvers. Grâce aux petits films réalisés durant l’atelier, qui seront visionnés le 29 mai, les participant·es ont pu raconter de nouvelles histoires.

"On joue, on sélectionne les parties, on arrive à la phase de montage, on a un film animé dans lequel on peut raconter ce que l’on souhaite, sans être passé par les galères de l’animation. C’est fort", explique Ayoko Mensah. En plus de cette réappropriation, ce workshop permet de découvrir des jeux moins connus.

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Informations pratiques

  • Le dimanche 29 mai à Bozar, Rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles

  • 14h à 15h30

  • Gratuit sur inscription


Cet article a été écrit lors d'un stage au sein de la rédaction des Grenades.

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