Du point de vue économique, la Chine est souvent vue comme un partenaire et un investisseur de choix. Son influence sur le terrain géopolitique ne cesse de s’accentuer. "La Chine est le pays le plus totalitaire et le plus dangereux sur la planète" disait pourtant le politologue Vincent de Coorebyter au micro d’Arnaud Ruyssen il y a quelques mois. Alors devrions-nous nous méfier davantage de l’Empire du Milieu ? Pour deux connaisseurs, il faut surtout que l’Europe ait une réelle prise de conscience des enjeux pour pouvoir y faire face.
Une stratégie défensive et non agressive
Pour Bruno Hellendorff, chercheur associé au GRIP, on ne peut en tout cas pas blâmer la Chine pour sa stratégie. Elle poursuit son intérêt national, et tous les partenaires commerciaux se comportent de la sorte. Mais pour Pierre Defraigne, directeur exécutif du Centre Madariaga-Collège d’Europe, cette stratégie résulte aussi de l’attitude, et des stratégies géopolitiques menées par les autres acteurs. Ce qui amène à ne plus être dans la coopération mais à être dans une ambiance de rivalité au niveau économique, technologique et stratégique. "Notre rapport avec la Chine ressemble furieusement à ce qu’il s’est passé en 1914. On a vu arriver autour de la table un nouveau venu : l’Allemagne. Un nouveau venu qui a voulu se faire une place et nous ne l’avons pas accepté. Nous avons compliqué cet accès, au point que l’Allemagne a eu une tentation de se servir par elle-même. Maintenant on a la Chine qui est un nouveau venu. Mais d’une taille infiniment plus grande que l’Allemagne et avec un régime très différent du nôtre. Un régime marqué par son histoire. C’est ce qui me fait dire que les Chinois ne développent non pas un impérialisme conquérant, mais un impérialiste défensif. Les Chinois savent qu’ils dépendent du reste du monde et veulent établir une relation d’interdépendance", explique Pierre Defraigne.
Une relation d’interdépendance qui pourrait se muer en une relation de dépendance économique de l’Europe (dont la Belgique) à la Chine ? C’est là que la question des intérêts stratégiques européens se pose selon Bruno Hellendorff. "Que sommes-nous prêts à faire, ensemble, pour faire face à la Chine lorsque nos intérêts ne sont pas alignés ?" interroge le chercheur au GRIP.
La force de la Chine, c’est la faiblesse de l’Europe
Certains mécanismes ont été mis en place au sein de l’Union européenne, notamment en ce qui concerne les investissements étrangers, pour tenter d’éviter ce scénario, mais Bruno Hellendorff l’assure : ça ne suffira pas. L’Europe, éclatée, sans réelle cohésion et qui ne répond pas aux besoins socio-économiques de ses membres verra sans doute ceux-ci accueillir d’autant plus le partenaire chinois, et se détourner d’elle. Plusieurs pays s’enthousiasment à l’idée de cette nouvelle route de la soie et se démènent pour faciliter sa mise en place, ce qui n’est pas anodin selon Bruno Hellendorff et Pierre Defraigne. "L’Europe n’est pas capable de formuler une réponse unie par rapport à la route de la soie et elle est incapable de venir en aide aux pays en difficulté comme la Grèce ou l’Italie ! Donc ils vont chercher les ressources ailleurs et cette vulnérabilité choisie de l’Europe est un véritable défi". Quand on prétend ne plus être naïf, il faut être fort, conclut ce dernier.