Troisième en France en avril dernier, deuxième en Suède il y a quelques semaines, aujourd’hui favorite en Italie, l’extrême droite gagne-t-elle du terrain en Europe ? Pour établir un état des lieux, voici une carte reprenant les scores des partis d’extrême droite aux dernières élections législatives de chaque pays membres de l’Union européenne.
Plus le pays est foncé, plus le score de l’extrême droite est élevé.
Pour Benjamin Biard, chargé de recherche au CRISP et chargé de cours à l'UCLouvain, "il est vrai qu’on connaît une nouvelle vague dans le développement de l’extrême droite. Elle a ceci de particulier qu’elle se présente comme légitime en normalisant son discours."
Car s’il est ici possible de voir en un coup d’œil sur cette carte les pays où l’extrême droite a rassemblé le plus de voix, il faut néanmoins apporter quelques nuances à cette palette de gris. "Les pistes sont en effet un peu brouillées aujourd’hui", confirme François Debras, maître de conférences au département de sciences politiques de l'Université de Liège.
Des pistes brouillées
"L’extrême droite a changé sa rhétorique depuis les années 90, continue François Debras. À ce moment-là, une série de lois sont apparues dans différents États en Europe, notamment en France et en Belgique. Par exemple, contre l’incitation à la haine raciale, pour la reconnaissance de certains génocides, contre l’homophobie etc. Et donc, les partis d’extrême droite ont été obligés de modifier leurs discours et de le colorer positivement avec des termes qui sont plus fréquentables comme 'démocratie', 'souveraineté populaire', 'laïcité', 'égalité homme femme', 'droits des minorités' etc."
Dédiaboliser le parti politique
"Cela va brouiller les pistes car ce sont des termes généralement associés à des partis de gauche. Nous ne sommes donc plus face au démocrate d’un côté et le nazi de l’autre. On est plutôt face à une zone grise de partis qui vont calquer des partis démocratiques dans leurs propos pour augmenter leurs résultats électoraux et dédiaboliser le parti politique."
L’exemple qui saute aux yeux est celui de la France avec un Rassemblement national (RN) qui a pris ses distances par rapport aux racines du Front national. Ce qui a d’ailleurs eu pour effet de créer une scission au sein de l’électorat lors de la dernière campagne française avec un autre parti, plus radical, celui incarné par Eric Zemmour. "Le RN a voulu se dédiaboliser et a pris ses distances vis-à-vis de son père et de ses phrases sulfureuses. Elle a proposé un discours beaucoup plus sur la laïcité et l’égalité homme femme. Elle a même changé de cap vis-à-vis de l’Union européenne. Elle ne voulait plus en sortir et envisageait de rembourser la dette de la France."
Il est arrivé encore plus à droite que l’extrême droite
"Pour certains elle s’est trop normalisée: à vouloir le pouvoir, elle a perdu les fondamentaux de son parti politique. Marion Maréchal est partie. Et une nouvelle personnalité a émergé : Eric Zemmour. Il est arrivé encore plus à droite que l’extrême droite avec une parole plus franche, plus assumée avec par exemple la théorie du grand remplacement."