"Les Laboratoires Servier et tous leurs collaborateurs ont appris avec une immense tristesse le décès de leur président-fondateur, le docteur Jacques Servier, décédé à son domicile le 16 avril 2014 dans sa quatre-vingt-treizième année", informe la société.
La cause de son décès n'a pas été précisée par Servier, mais selon une source proche du groupe, elle est lié à la vieillesse et non à "une maladie particulière". M. Servier résidait à Neuilly, dans les Hauts-de-Seine, a-t-on précisé de même source.
Comme le rappelle le groupe, Jacques Servier, avait fondé l'entreprise portant son nom "il y a exactement 60 ans".
Il en a fait un groupe pharmaceutique majeur, dont l'image a été cependant ternie au cours de ces dernières années par le scandale du Mediator.
"L'esprit, la motivation et la mission de cet homme exceptionnel, qui a consacré sa vie à la recherche de médicaments innovants, perdurent dans la priorité donnée à la recherche scientifique et dans les valeurs humaines au sein de l'entreprise qu'il a créée il y a exactement 60 ans", dit l'entreprise dans le communiqué.
Un "grand procès" évoqué en 2015
Son décès intervient alors qu'un "grand procès du Mediator" visant tous les acteurs de ce scandale était attendu de source judiciaire dans un an environ, au 1er semestre 2015, et se tiendra donc en son absence.
Utilisé par cinq millions de personnes en France, le Mediator, contient une molécule coupe-faim (le benfluorex), est à l'origine de graves lésions des valves cardiaques et pourrait être responsable à long terme de 2.100 décès, selon une expertise effectuée dans le cadre d'une enquête judiciaire.
Ce médicament controversé de Servier a été utilisé pendant trente ans, d'abord contre l'excès de graisses du sang, puis comme traitement adjuvant chez les diabétiques en surpoids, avant d'être retiré du marché fin 2009. Il a en fait été largement prescrit pour maigrir.
Le scandale du Mediator a vu notamment la mise en examen de Jacques Servier et de plusieurs sociétés de son groupe. Son décès ne met pas un terme à ces procédures.
Une première enquête porte notamment sur des faits de tromperie, d'escroquerie et de trafic d'influence. Une seconde concerne des faits d'homicides et blessures involontaires, et l'éventuelle causalité entre la prise de Mediator et les pathologies développées par chacun des plaignants. Cette seconde enquête risque de prendre plusieurs années en raison du grand nombre de personnes ayant pris le médicament.
Cette affaire très médiatisée a terni une réussite industrielle exceptionnelle.
Jacques Servier, fils d'industriel, se présentait dans son livre "Le Médicament et la Vie" comme un "produit de l'enseignement laïc" ayant succombé à "la magie du médicament". Il avait racheté en 1954 pour "trois fois rien" un petit laboratoire à Orléans, qui fabriquait un sirop contre la toux. En 1955, il lançait ses deux premières molécules et n'avait dès lors eu de cesse de faire grossir son entreprise.
Avec un chiffre d'affaires de 4,2 milliards d'euros en 2013, le groupe Servier est actuellement le deuxième laboratoire pharmaceutique français en termes de ventes, derrière le mastodonte Sanofi.
Pas de successeur désigné
Le groupe a rappelé dans son communiqué que son fondateur avait assuré la "pérennité" des laboratoires, "en organisant le fonctionnement de son entreprise en forme de Fondation dès le début des années 1980".
"Les dispositifs concernant le nouveau comité de direction et son président seront annoncés selon ses instructions dans de brefs délais", précise-t-il.
Mais M. Servier, qui avait constamment présidé aux destinées de son groupe, n'avait pas officiellement de dauphin, d'autant que son ancien bras droit avait récemment été évincé de la direction.
En effet, début octobre, le fondateur avait mis fin aux fonctions de Jean-Philippe Seta, qui était depuis dix ans président opérationnel de Servier et membre du comité de direction, pour divergences de vues sur la stratégie.
En février dernier, le directeur financier Olivier Laureau s'est vu confier une mission de "coordination" du comité de direction, avec la responsabilité d'en assurer la présidence en cas d'absence de M. Servier.
Mais "pour l'instant, aucun successeur n'a été désigné", s'est contenté d'assurer à l'AFP la source proche du groupe, sans plus de détails.
AFP