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Santé : L'accouchement en siège. Qu'en penser ?

© Getty Images

Par Aline Schoentjes via

L’accouchement en siège suscite de nombreuses polémiques et discussions. Aline Schoentjes, sage-femme chez Amala Naissance asbl, nous livre les explications.

 

Voici donc une histoire bien réelle

 

En 2001 paraît une étude consacrée aux naissances en siège. Magnifique sur le papier, de quoi faire saliver les amateurs de recherche dans les formes: publication dans un journal médical prestigieux, 2000 naissances, 121 centres, 26 pays, randomisation, c’est-à-dire que les femmes étaient aléatoirement mises dans le groupe accouchement vaginal ou par césarienne.

Que conclut cette analyse?

Et bien qu’il est dangereux de vouloir accoucher un bébé fesses les premières par voie basse, il faut faire d’office une césarienne.

L’article provoque une véritable onde de choc dans le milieu de l’obstétrique. Et hop, on ouvre les salles d’op et on sort les bistouris!

 

Une étude controversée

Pourtant, très vite, des voix s’élèvent pour remettre en cause cette étude. Très vite des obstétriciens tirent la sonnette d’alarme. Que reprochent-ils au juste à l’étude d’Hannah? Tout simplement qu’elle est très jolie sur papier mais qu’elle ne tient pas compte d’éléments cruciaux.

D’abord, elle ne fait pas la distinction entre bébés à terme ou prématurés, entre les bébés avec un handicap préexistant ou les  bébés en bonne santé. Ensuite, l’étude de Hannah ne se soucie pas non plus de savoir de comment la femme s’implique dans son accouchement.

Lui a-t-on fait un topo honnête et complet de ce qu’est une césarienne et accouchement par voie vaginale? Comment a-t-elle été préparée à cet accouchement? Quel était son degré de confiance dans l’équipe? Qui compose d’ailleurs l’équipe médicale?

Et c’est là un troisième élément important: les chercheurs ne se sont pas souciés de savoir dans quel genre de centre et avec quel genre de médecin les accouchements avaient lieu.

Petite maternité ayant peu d’expérience en la matière ou jeune gynécologue peu expérimenté ou au contraire grand centre ayant à son actif de nombreuses naissances en siège ou gynécologue avec une longue expérience obstétricale?

Bref, elle ne tient absolument pas compte du facteur humain, de la personnalisation de la naissance, de la médecine.

Alors d’autres médecins, y compris en Belgique, ont alors beau publier des études tout à fait rassurantes, tout aussi bien étayées, tout aussi convaincantes sur le plan formel, le monde obstétrical se jette tête baissée et yeux fermés dans la nouvelle doctrine de la césarienne d’office en cas de siège.

Du coup, le taux de césarienne flambe partout. Je vous passe les détails des conséquences d’une césarienne planifiée sur les femmes et les bébés. Les obstétriciens qui osent encore accompagner des naissances en siège par voie basse se font traiter de fous dangereux.

Pourtant, des bébés peu obéissants ou un peu coquins provocateurs, comme vous voulez, continuaient à surprendre leur monde en montrant par surprise leurs fesses en premier à la naissance. Par contre, petit à petit, le savoir, les compétences ont commencé à se perdre. Sauf chez quelques gynécologues très obstinés et quelques sages-femmes tout aussi rebelles. Et cette obstination rebelle a porté ses fruits!

 

Des cliniques du siège 

C’est ainsi qu’il y a quelques années, on a commencé à voir s’ouvrir d’abord en Angleterre, et désormais à Bruxelles, des Cliniques du Siège. 

Et à quoi ça sert donc, une Clinique du Siège? Il faut savoir qu’environ 3 à 4% des bébés préfèrent définitivement la position fesses en bas à celle tête en bas, souvent sans qu’il n’y ait de véritable raison. Et qu’il est tout à fait possible de naître en toute sécurité dans cette position.

Tout d’abord, si votre bébé en bonne santé est tête en haut à la troisième écho de 32 semaines, pas de panique, elle a de fortes chances de se retourner toute seule.

Et le cas échéant, une séance d’ostéopathie ou d’acupuncture peut toujours être utile. Et si, à l’échographie de contrôle vers 35/36 semaines, bébé s’obstine, alors il vaut mieux trouver un centre qui possède une véritable Clinique du siège, comme à l’hôpital Erasme.

Ce genre d'équipe regroupe des gynécologues et des sages-femmes expérimentés qui vous aideront à vous préparer à l’accouchement de votre choix. Parce que c’est là, la première chose importante. Recevoir une information complète et honnête sur ce qu’implique la césarienne comme la naissance par voie basse.

C’est ce qui permet de faire un vrai choix, d’être actrice de son accouchement, parce qu’on est considérée comme une personne responsable, intelligente, compétente, capable de participer pleinement à la décision. C’est ainsi qu’environ 6 à 7 couples sur dix choisissent d’accoucher naturellement en siège.

 

Comment procèdent les clinique du siège ?

Sauf contre-indications, l’équipe d’Erasme propose alors en général aux futures mamans de faire une version externe, c'est-à-dire de faire tourner le bébé dans le ventre de sa maman en la manipulant de l’extérieur. Ca marche une fois sur deux. Et pas besoin d’écho de contrôle. C’est l’occasion pour la maman d’apprendre à faire confiance à ses sensations.

Si cela ne fonctionne pas, la maman fait une radiopelvimétrie, c’est-à-dire qu’on mesure son bassin par radiographie. Ces mesures ne sont pas une information significative, mais elles rassurent néanmoins tout le monde. Or ce sentiment de sécurité et de confiance de la part de tous les intervenants, les parents comme les professionnels, est essentiel au bon déroulement de la naissance. Et lorsque les données ne sont pas optimales, elles sont remises dans un contexte plus large: on tient compte par exemple aussi du poids estimé du bébé, de la taille estimée de sa tête, etc.

Parce que la naissance, c’est aussi et même peut-être avant tout l’alchimie mystérieuse entre une mère et son bébé, entre un couple et une équipe. 

Mais une naissance en siège, ça se prépare un peu plus encore, avec l’aide des sages-femmes. Car à Erasme, l’équipe pluridisciplinaire a conscience que si la confiance de la maman, du couple est essentielle, il est fondamental aussi d’encourager la maman à rester mobile, à se familiariser avec les différentes positions qui vont favoriser l’ouverture du col et la descente du bébé dans le bassin.

Quand vient alors le jour J, et que tous les feux sont au vert, la maman n’est pas obligée de prendre une péridurale pour justement pouvoir rester mobile - et quand elle en prend une, on l’encourage à se mobiliser malgré tout. Pas plus qu’on ne lui fera une épisiotomie.

Qu’est-ce qui change alors?

 

Simplement, les critères d’intervention seront un peu plus sévères: un cœur de bébé qui n’est pas optimal, un col qui hésite un peu trop à partir de 6 ou 7 cm, une descente dans le bassin qui ralentit… On passe alors en césarienne, relax à l’aise, sans précipitation. L’équipe qui entoure le couple est aussi un peu différente: deux gynécologues au lieu d’un seul, c’est-à-dire une “ancienne” pour transmettre les connaissances à une plus jeune, une sage-femme et un pédiatre d’office. Mais cela n’empêche absolument pas la maman d’être protégée dans sa bulle.

Et concrètement, cela donne quoi en chiffres? Voyons d’abord du côté des bébés. Même s’ils sont un peu sonnés à la naissance, la majeure partie d’entre eux à entièrement récupéré à 10 minutes de vie. Ils sont rares ceux qui doivent parfois passer quelques heures en surveillance en néonatalogie. Et à long terme, on n’observe aucune différence de développement entre les naissances par voie basse ou par césarienne.

Du côté des mamans, 80% de celles qui ont choisi la voie basse mettent en effet au monde leur bébé par leurs propres forces. Au total de tous les sièges, cela fait environ 45% de voies basses, contre 5% il y a à peine cinq ans. Un bel exploit!

 

 

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