Validisme : construire une société sous le prisme des personnes valides
Ces obstacles d’accessibilité font, entre autre, partie de ce qu’on appelle le validisme. Il s’agit de discrimination basée sur le handicap qui consiste à tout considérer à travers le prisme des personnes valides. La philosophe Charlotte Puiseux explique que dans une société capitaliste un corps valide est rentable et utilisable. Ce n’est pas le cas pour un corps handicapé. Il existe donc une hiérarchie des corps.
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En Belgique, selon les derniers chiffres de Statbel en 2019, seulement 24% des 15-64 ans qui souffraient d’un handicap ou de problèmes de santé de longue durée avaient un emploi et ils étaient 41% d’entre eux à travailler en temps partiel.
Le culte du corps valide dans le sport
Ces notions de validité et d’invalidité des corps sont aussi présentes dans le sport, ce qui expliquerait pourquoi les femmes (handicapées) ont longtemps été laissées pour compte.
En effet, dans son mémoire en sciences politiques axé sur les femmes handicapées dans le milieu sportif de compétition, Flavie Duchassin explique que "le sport représente une institution historiquement masculine prônant la valorisation du corps valide. Ainsi, il y aurait bel et bien des facteurs rejetant les femmes handicapées. Les raisons de cette exclusion peuvent en partie être liées à l’emprise historique des hommes sur le milieu sportif".
Historiquement, les femmes ont toujours évolué dans l’ombre des hommes dans le milieu sportif. La raison invoquée était leur "spécificité biologique", à savoir celle de "porter la vie". Ce n’est que durant le 20ème siècle qu’elles finissent peu à peu à accéder à la pratique sportive compétitive. Mais, leur supposée "infériorité biologique" les contraint à concourir séparément des hommes.
Je me dis que si on nous voit sûres de nous à travers notre danse, cela pourrait avoir comme effet de se dire qu’il n’y a aucune différence entre être vues assisses ou debout
"La prégnance de ces normes dans le temps fait donc qu’aujourd’hui, les femmes, qu’elles soient valides ou handicapées, sont et resteront probablement toujours moins nombreuses que les hommes à pratiquer le sport en compétition puisque celui-ci reste un "entre-soi masculin", souligne Flavie Duchassin.
Le handicap, un enjeu féministe ?
Dominique Masson, professeure à l'Institut d'études féministes et de genre de l'Université d'Ottawa explique dans son ouvrage, que le handicap est un enjeu féministe car il est socialement construit. Le but n’étant pas de nier la matérialité des corps : certaines femmes ne peuvent se déplacer en marchant, utiliser leurs cordes vocales, leurs oreilles ou leur cerveau de la même façon que le font "les femmes du groupe majoritaire, dit "sans incapacités"", d’autres peuvent aussi éprouver des souffrances physiques ou ressentir une très grande fatigue corporelle.
L’auteure défend qu’il s’agit plutôt de dire que les sociétés interprètent les corps et leur attribuent des significations en fonction "de discours et de normes socialement construites, ce qui entraîne des conséquences pour les personnes qui dévient de la norme tout comme pour celles qui y correspondent. En effet, ce travail de différenciation produit des positions sociales et des rapports de pouvoir qui inscrivent les sujets dans une dynamique d’inclusion-exclusion ".
Le sport représente une institution historiquement masculine prônant la valorisation du corps valide. Ainsi, il y aurait bel et bien des facteurs rejetant les femmes handicapées. Les raisons de cette exclusion peuvent en partie être liées à l’emprise historique des hommes sur le milieu sportif
Le handicap serait donc un enjeu féministe : "Le handicap est une catégorie identitaire dans laquelle nous pouvons entrer à tout moment, et dans laquelle nous nous retrouverons toutes si nous vivons assez longtemps", précise la sociologue. Bref, comme l’explicite l’auteure, il est important que tout le monde, et aussi les féministes, comprennent que les femmes handicapées ne sont pas "les Autres", mais "Nous".
A sa manière, c’est ce que fait Sandra Benetti, en donnant l’accès à ses cours pour toutes et tous : "Je pense que le sport (dont la zumba adaptée) permet de changer le regard qu’on porte sur les femmes handicapées. Pour nous, les personnes handicapées, cela nous permet d’avoir plus confiance en nous. La danse en elle-même permet de se construire, de s’exprimer pour tout un chacun et peut-être que pour les femmes handicapées, cela leur permet d’être plus sûre d’elles. Je pense que ça peut apporter vraiment quelque chose de positif d’un point de vue personnel".
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"La danse peut aussi changer le regard des autres. Je me dis que si on nous voit sûres de nous à travers notre danse, cela pourrait avoir comme effet de se dire qu’il n’y a aucune différence entre être vues assises ou debout. Et je pense que ça ne peut être que positif. Ça peut nous redonner une certaine confiance".
Comme Sandra Benetti, le collectif féministe Les Dévalideuses démonte les idées reçues sur le handicap sur leur compte instagram.
A noter
Il est possible de s’inscrire aux cours de Sandra Benetti via sa page facebook
Cet article est une contribution externe.
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