"Elle n’était pas cultivée. Mais elle avait une forme d’intelligence. Elle avait compris que l’école était un levier qui pouvait nous sortir de la condition dans laquelle nous étions".
Sur sa scolarité
"Je n’ai quasiment pas fréquenté l’école la première année tellement je me sentais mal. La suivante, je n’allais pas mieux. Résultat : j’ai triplé ma première année secondaire".Sur ses premiers pas en politique, au conseil d’administration de l’Université de Mons
"Nous n’avions pas de salle pour organiser nos soirées. Je trouvais scandaleux que l’université nous laisse ainsi dans la nature pour nos fêtes. J’ai donc obtenu un local de 300 mètres carrés avec l’installation d’une sono ! Seul défaut de la salle : il n’y avait pas d’aération. Très vite, on dégoulinait. Très vite, aussi, lors des soirées, on se retrouvait torse nu… ce qui n’était pas plus désagréable".
Sur les accords du Lambermont et la loi de financement (il était alors ministre de l’Enseignement)
"La Communauté française était à genoux car les réformes n’avaient pas été appliquées. Il y avait un besoin urgent de financement. Personne ne voulait entendre parler de rationalisation. Dès lors, tous les francophones sont allés à la négociation et les néerlandophones nous ont fait payer cela très cher. Ils ont obtenu une modification des mécanismes de financement qui favorisait d’une manière importante la Flandre au détriment des francophones. C’est ce qu’on appelle le 'Turbo Lambermont' qui, dans les négociations que nous avons eues, entre les 8 partis, a constitué un véritable problème. En effet, les néerlandophones considèrent la nouvelle loi de financement à l’aune de ce que leur donne l’actuelle loi de financement. Ce 'Turbo Lambermont' enrichit substantiellement la Flandre".
Sur la faillite de la Sabena
"Il y avait chez les libéraux flamands et chez Guy Verhofstadt en particulier – j’ai toujours eu et j’ai toujours d’excellentes relations avec lui, mais dans ce dossier, nous nous sommes vraiment disputés – une espèce de jouissance de voir une entreprise, société anonyme de droit public, s’effondrer finalement. C’était la preuve que les affaires sérieuses doivent être gérées par le privé".
Sur l’affaire Trusgnach dans laquelle un jeune homo l’accusait d’avoir eu des relations sexuelles avec lui alors qu’il était mineur
"Je quitte le domicile de Jean-Luc Dehaene. Philippe Busquin me suit en voiture. Sur l’autoroute, il me fait des appels de phare. Je m’arrête. Il vient à ma hauteur et me dit :
– 'As-tu bien
compris ce que Dehaene voulait dire ?'
– 'Je crois…'
– 'Sache qu’il m’a demandé que tu démissionnes… On va se revoir demain'."
Sur l'affaire Trusgnach encore et les rapports avec la justice
"J'ai dû attendre deux ans avant que l'affaire soit classée sans suite. Et ce n'est pas Eliane Likendael qui a rédigé la lettre, c'est son successeur. Je n'ai pas de mots pour caractériser l'attitude de cette femme. Elle a d'ailleurs dit à un de mes avocats: "Peut-être n'est-il pas pédophile, il est quand même un ministre homosexuel..." Ce qui en dit long sur le jugement moral qu'elle portait sur l'affaire".
Sur son homosexualité
"Le lundi matin, j’arrive au boulevard de l’Empereur. Une meute de journalistes, de cameramen m’attend. Des journalistes belges, mais aussi étrangers. On me pose mille questions.
Kathryn Brahy, qui était alors journaliste à RTL, me lance :
– 'On dit quand
même que vous êtes homosexuel !'
Je me retourne et je lance :
– 'Oui. Et alors
?'"
"J’ai toujours eu de la sincérité dans mes amours. Et certainement avec la femme avec laquelle j’ai vécu longtemps, et d’une manière plus que satisfaisante et heureuse. Une femme admirable".
Sur l’Olivier dans les entités fédérées, le MR laissé de côté malgré l’accord passé
"Il y a donc eu deux événements qui nous ont profondément dérangés : d’abord les agaceries de Charles Michel à l’égard de Van Cau et Daerden. Ensuite, des libéraux qui veulent devenir le premier parti alors que nous sommes ce premier parti. Imaginez, c’est comme dans un couple : on signe une convention et l’un des partenaires impose à l’autre de respecter cette convention tandis que lui vit sa liberté et fait ce qu’il a envie de faire…"
(…)
"Si j’avais essayé d’imposer une alliance avec les libéraux, j’étais « mort » politiquement parce qu’une majorité de mon bureau la refusait catégoriquement. C’eût été un échec annoncé, non seulement pour moi mais aussi pour mon Parti. Je n’avais plus d’autre choix que d’aller annoncer à Louis Michel 'c’est impossible'."
Sur les négociations, après l’échec de l’Orange bleue en 2007
"Guy Verhofstadt savait que ma condition, pour la participation du PS, était que le cdH soit là. Les discussions ont lieu. Didier Reynders résume les discussions de l’Orange bleue. Et il dit : 'Le seul, au cdH, qui avait l’air de savoir ce qu’il voulait et qui était constructif dans les discussions, c’était Josly Piette'. Et Verhofstadt a pris la balle au bond et a dit à Didier Reynders :– 'Si Piette est
le ministre cdH, tu es d’accord ?'
Reynders n’a pas dit non. Alors, j’ai été chargé de demander à Joëlle que le ministre cdH soit Josly Piette. Et Joëlle Milquet a compris que c’était le moyen de faire entrer le cdH au gouvernement".
Sur la scission du MR"Le FDF se nourrit de la difficulté. Je ne porte pas de jugement sur la pertinence des propos du président du FDF. Simplement, dans le monde réel, si on voulait se donner une chance de garder le pays, il fallait aller vers une solution et donc vers un compromis. Et cette solution semblait conduire à une déchirure au sein du MR. Je pense que Charles Michel le savait. Il a été courageux. J’avais aussi le sentiment qu’une grande majorité du MR voulait donner une chance au maintien du pays".
Ce livre d’entretiens entre Elio Di Rupo et le journaliste de La Libre Belgique Francis Van de Woestyne, baptisé "Elio Di Rupo. Une vie, une vision" sort ce jeudi 1er décembre en librairie, aux éditions Racine pour la version française, aux éditions Lannoo pour la version néerlandophone.
RTBF