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Ryanair menace de quitter la Belgique : un coup de bluff selon les syndicats

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Par Fabien Van Eeckhaut, avec Alice Dulczewski

Sur fond de nouvelles journées d’actions à Bruxelles et Charleroi et de nouveau bras de fer entre syndicats et direction de la compagnie aérienne irlandaise Ryanair sur la question des salaires, la direction a choisi de montrer les dents.

En agitant la menace d’un prochain départ de Belgique, mettant en avant le fait que celles-ci ne représentent que 3% des opérations Ryanair. Cette menace ponctuait le 13 juillet la lettre recommandée adressée aux représentants syndicaux par Hugues Darrel, directeur des ressources humaines de la compagnie. Ce qui concernerait déjà la future organisation des avions pour l’hiver et surtout l’été prochain avec des sites plus attractifs en termes d’investissements. De quoi jeter solidement le flou pour les quelque 600 pilotes et membres d’équipages, autant d’emplois directs chez nous.

Ryanair fait la sourde oreille

On sait historiquement que la direction de la compagnie aérienne n’a pas l’habitude de faire dans la dentelle lors de négociations. Ici aucun retour à la table de négociations n’est prévu. 

La menace de partir a été souvent agitée lors de récents conflits, y compris dans d’autres pays (Marseille ou au Portugal), chantage exercé aussi sur certains aéroports ou régions pour obtenir des baisses de taxes. De là à vraiment délocaliser ?

Côté belge, les syndicats n’y croient pas. Didier Lebbe, secrétaire permanent CNE : "Ryanair a créé ici un marché extrêmement rentable et une demande énorme sur l’aéroport de Charleroi surtout, qui est l’un des aéroports les plus lucratifs pour la compagnie aussi et le réseau Ryanair. Donc je vois mal Ryanair abandonner ce marché-là à un ou des concurrents. Car il y en a des concurrents qui attendent de récupérer ce qui peut l’être. Ryanair cela a toujours été des prédateurs, attendant que des concurrents s’en aillent pour prendre leur place, je les vois mal faire l’inverse".

Et côté concurrents, les regards de se tourner vers d’autres acteurs low cost comme TUI (avec TUIfly Belgium, ex-JetAir) ou la Hongroise Wizz Air… Voire Brussels Airlines. La nature a horreur du vide.

Du "pipeau" pour faire taire la contestation

Du "pipeau" aussi pour Alain Vanalderweireldt, le président de la BECA (Association belge des pilotes de ligne) : "C’est une pure stratégie de rapport de force pour faire taire la contestation des pilotes belges. Ça va crisper la situation et rendre les choses encore pires. L’autre hypothèse, à savoir opérer dans notre pays exclusivement avec des équipages ou des avions basés à l’étranger paraît aussi économiquement et techniquement très compliqué. Ils peuvent faire une partie des opérations depuis l’Italie, l’Espagne, mais c’est moins lucratif pour eux, plus limitatif. Charleroi ils adorent en effet, c’est leur vache à lait historique, et avec Bruxelles ce sont des lieux stratégiques, avec une vraie clientèle à haut pouvoir d’achat dont il serait à long terme peu judicieux de se retirer ; c’est donc de la musculation de leur part".

Du bluff donc ? Probable. Possible… La base de Charleroi-Brussels South, c’est en effet pour la compagnie low cost pas moins de 121 destinations, un vrai centre névralgique stratégique et même premier aéroport continental, troisième base la plus rentable en Europe au total pour Ryanair après Dublin base historique et Londres Stansted - sans oublier tout de même 16 autres destinations depuis Bruxelles-Zaventem. Un total de 9 millions de passagers transportés depuis chez nous.

Un retrait voudrait donc dire de solides suppressions de lignes en cascade, ceci alors que la compagnie surfe sur la fin de la période covid, voit son trafic exploser enfin à nouveau depuis début 2022 avec une reprise très forte pour l’ensemble du secteur aérien – souvent mal anticipée par la plupart des compagnies - et multiplie les annonces de nouvelles liaisons.

Les syndicats estiment donc peu probable de voir la direction soudain donner le signal d’une contraction et d’un redimensionnement de son offre alors qu’elle aura bien besoin de toutes ses lignes et bases pour répondre à la demande.

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Journal Télévisé 23/07/2022

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